le Dimanche 12 avr 2009



Frères et sœurs, c’est Pâques…
Et l’annonce de Pâques c’est l’annonce de 2 nouvelles :

La 1ère : Christ est ressuscité….

La 2nde : Vous êtes, nous sommes ressuscités…

La 1ère affirmation, on y consent… on y croit… c’est dans le credo… c’est le fondement de notre foi… ça fait partie du BaBA de la foi chrétienne….

La 2nde, nous l’avons entendu dans la seconde lecture : frères vous êtes ressuscités avec le Christ…
cette 2nde affirmation de Pâque, que nous soyons nous ressuscités… à vrai dire on a du mal à le concevoir……
Dites-moi, vous vous êtes levés en ce matin en vous disant : c’est pâques, chouette, je suis ressuscité ???

Je pose l’hypothèse que la difficulté de la 2nde affirmation tient au fait que nous ne croyons pas suffisamment la première !

Nous ne croyons pas suffisamment que Christ est ressuscité… ou plutôt nous y croyons vraiment comme un contenu de la foi… comme l’objet de la foi… mais pas suffisamment comme la forme même de la foi…

Pour mieux rendre compte de cela, les théologiens ont l’habitude de distinguer entre la fides quae et la fides qua…
la fides quae, c’est la foi que je crois… ici je crois qu’il est ressuscité…
autrement dit, qu’il est ressuscité est la bonne réponse…. c’est le contenu vrai de la foi…
voilà pour la fides quae, l’objet de la foi

la fides qua, c’est la foi par laquelle je crois, ce n’est plus le contenu de ce que je crois, mais l’acte par lequel je crois… c’est donc mon élan… ma tension… mon adhésion…
et de ce point de vue, ce n’est plus seulement le fait qu’il est ressuscité mais il s’agit de croire le ressuscité…
d’être tendu vers le ressuscité… de vivre avec le ressuscité… c’est-à-dire d’être toujours devancé et sans cesse attendu…

Reprenons notre Évangile du jour pour mieux comprendre, et sans doute plus simplement…
Il y est question à deux reprises de courir…
Il y a Marie-Madeleine qui court vers les disciples
et il y a les disciples qui courent vers le tombeau…

La course dit bien l’élan de la foi…
La foi n’est pas qu’un repos en Dieu…
La foi est une course… vers les frères… et une course vers le ressuscité…
En ce jours de Pâques Pierre et Jean courent tous les deux vers le tombeau vide…
… et vous avez noté, Jean court plus vite… et pourquoi court-il plus vite ?
… parce qu’il aime plus…
… Jean, il a tout compris de l’amour du Seigneur…
alors il court plus vite…. c’est la force motrice de l’amour…

Tous les amoureux sont capables d’expliquer ça, ou sinon de l’expliquer, du moins d’en témoigner…

L’amour allège, il rend les choses plus simples, plus faciles, plus directes… et il permet d’aller plus vite…

Jean donc, court plus vite… mais il est poli, obéissant, c’est un bon garçon, et donc quand il arrive au tombeau, il attend que l’aîné, Pierre, un peu poussif, arrive…
Et voilà Pierre qui arrive au tombeau ! Il entre dans le tombeau… et il ne comprend pas grand-chose, si ce n’est que c’est la fin de sa course… il voit un linceul et finalement ne pige pas grand-chose…
Et voici maintenant que Jean s’autorise à rentrer… et lui voit et croit…
Qu’est-ce qu’il voit ? Physiquement rien : un linceul roulé… mais ce rien à voir ouvre la foi… il croit… et là encore, c’est la force de l’amour que de pouvoir croire…. c'est-à-dire d’adhérer… et de vivre désormais dans cet élan, dans cette tension vers le ressuscité…
Jean voit quoi : rien ! et il croit tout !

C’est dire que le contenu à croire est pour l’instant très faible… mais Jean est tout entier dans l’élan, et ce rien le propulse vers le ressuscité…

En ce jour de Pâques, frères et sœurs, autant qu’il nous est possible, courons !
Courons vers le ressuscité !
Courons dans la force de l’amour… et son amour à Lui nous aimante, nous tire…
et c’est précisément dans la mesure où je crois le ressuscité que je suis saisi en celui que je crois, et que sa résurrection même m’atteint ! Et que je cours plus vite …

Mais voilà, nous arrivons à cette 2ème grande nouvelle de Pâques, c’est qu’à mesure que nous croyons le ressuscité, nous sommes nous-mêmes ressuscités….

Qu’est-ce à dire… ?
C’est que notre foi au Christ nous fait adhérer à sa vision du monde…

St Paul dit : vous êtes ressuscités, recherchez les réalités d’en haut…

En ce temps de crise, cette invitation est plus que jamais d’actualité

Vous êtes ressuscités… tendez vers les réalités d’en haut et non vers celles de la terre..

Il ne s’agit pas de déserter notre terre pour nous évader dans un spiritisme fuyant…
il s’agit, du cœur même des difficultés qui sont les nôtres, de tendre vers le ciel, pour tirer le ciel sur la terre… que ton règne vienne sur la terre comme au ciel…

être ressuscités, c’est être des citoyens du ciel…
non plus rivés aux pesanteurs, aux possessions de la terre,
être ressuscités, c’est avoir rompu avec tous les esclavages de la terre,
c’est être branché sur l’éternité de Dieu à partir de laquelle il nous est donné désormais de comprendre notre terre !

être ressuscités, c’est donc être de ces hommes et de ces femmes capables d’insuffler dans ce monde des logiques financières, économiques, entrepreneuriales qui correspondent au dessein de Dieu pour l’humanité…

Nous le sentons bien, cette crise nous invite au passage,
ce qui n’est peut être rien d’autre en définitive que de croire vraiment…

d’être tout entiers tendus vers le ciel pour ressusciter notre planète…

alors nous comprenons mieux la logique baptismale…
nous comprenons mieux qu’il n’y a pas vraiment moyen de vivre en ressuscité qu’à condition de consentir à mourir…

. à mourir à la jouissance occulte du présent pour ressusciter à une vie possible pour nos enfants et les enfants de nos enfants

. à mourir à l’égoïsme, pour ressusciter dans la charité, dans la charité totale, dans l’amour tout entier de Dieu pour toute l’humanité..

. à mourir à des systèmes de pensées qui ont écarté l’homme, pour ressusciter dans les pensées mêmes de Dieu sur l’homme

. à mourir à une économie du gain particulier pour ressusciter dans une économie de communion

. à mourir une idéologie du prendre pour ressusciter dans une culture du don

Mes amis, notre Seigneur est Ressuscité… il nous précède sans arrêt… il nous entraîne…
Désormais ses idées et son amour sont là, à portée de foi, pour entraîner l’humanité dans la résurrection…
Frères et sœurs, courrons ! Notre humanité l’attend !

Il est vraiment ressuscité pour nous ressusciter tout entiers.
Allons-y… livrons-nous en cette messe de Pâques : livrons-nous à la Résurrection !
Amen