Pour un capitalisme équitable

par Pierre Deschamps, président des EDC


Entrepreneurs et Dirigeants chrétiens EDC  
Entrepreneurs et Dirigeants chrétiens
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 Un point de vue de Pierre Deschamps, président des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens, dans la Croix du 16 février 2009

 

Les origines de la crise financière sont connues et partagées par la plupart des responsables politiques et des experts économiques. Les mesures à prendre pour éviter la survenance d’une nouvelle crise font, elles aussi, l’objet d’un large consensus, qu’il s’agisse des principes arrêtés lors du sommet du G20 en novembre 2008 ou des actions à entreprendre par les gouvernements. Ces mesures, rendues indispensables par l’incapacité du système financier à s’autoréguler, portent sur une plus grande transparence des marchés, une adaptation des normes comptables, une surveillance plus étroite des banques, un véritable contrôle des agences de notation et la lutte contre les paradis fiscaux.


L’observation selon laquelle le modèle européen de l’économie sociale de marché résiste plutôt mieux à la crise financière que le modèle américain renforce la pertinence de ce type de mesures. Ce modèle n’a cependant pas empêché des abus, des excès, voire des scandales, provoqués par des produits financiers trop sophistiqués et déconnectés de l’économie réelle, des niveaux choquants de rémunération de quelques patrons ou traders, des objectifs de rentabilité immédiate toujours plus élevés, des décisions qui font courir des risques aux autres, sans conséquence directe pour celui qui les a prises.


Il est trop facile de prendre des risques avec l’argent des autres. C’est pourquoi toutes les initiatives de nature réglementaire, aussi nécessaires soient-elles, ne seront pas suffisantes pour restaurer la confiance, moteur essentiel d’une croissance saine et durable. En effet, si les lois tendent à éviter les fraudes, ou du moins à les sanctionner, elles laissent une marge de liberté qui peut engendrer le meilleur comme le pire. Un nouvel arsenal de lois et de contrôles ne donne pas la garantie d’un fonctionnement correct et efficace du système financier, car ce qui est légal n’est pas toujours légitime. C’est pourquoi il convient d’associer aux dispositions édictées par les pouvoirs publics de nouveaux comportements de la part des acteurs. Dans l’espace non couvert par la loi, la liberté individuelle doit être encadrée, non seulement par le respect de celle des autres, mais aussi par les limites que chacun se fixe et qu’il diffuse autour de lui.


Le système capitaliste, fondé sur la liberté, suppose donc une conscience aiguë de sa propre responsabilité, de la part de tous, à commencer par les actionnaires et les dirigeants des entreprises. La mise en application de cet esprit de responsabilité concerne au premier chef le rapport à l’argent, pour les personnes et pour les entreprises. L’accroissement continu des gains ne doit plus être le seul objectif, qu’il s’agisse des salaires ou des placements financiers. En ce qui concerne l’entreprise, il faut cesser d’affirmer que sa priorité est le profit : le but d’une entreprise réside dans son projet sociétal, qui est de produire et de vendre des biens ou des services. Le profit, critère objectif de performance, est le levier indispensable au service du projet. Il est utilisé pour l’investissement dans l’innovation, la rémunération des actionnaires, l’intéressement des salariés et, éventuellement, le financement d’initiatives solidaires.


Le développement de cet esprit de responsabilité et de solidarité est un enjeu essentiel pour que « le capitalisme cesse de marcher sur la tête », selon le mot du président de la République. Ce qu’il faut moraliser, ce n’est pas le capitalisme, mais les comportements des acteurs. En même temps qu’un enjeu, c’est une grande ambition, qui demandera beaucoup de volonté et de temps avant de produire ses effets. Raison de plus pour ne pas tarder. Agir sur les comportements commence par l’éducation dans la famille, à l’école et dans l’entreprise, et se poursuit par l’exemplarité : presque tous les cadres calquent leurs comportements sur celui de leur patron. Beau programme pour nos universités et nos grandes écoles : enseigner que la finance doit être au service de l’économie et que l’économie doit être au service de l’homme !


Les managers de demain ne céderont pas à la pensée unique du libéralisme selon laquelle la loi du marché est la seule qui vaille. Tout en étant animés par l’esprit d’entreprise, ils ne seront pas guidés par le seul appât du gain mais ils prendront des risques dont les conséquences seront mieux évaluées. Ils s’attacheront à une juste répartition des profits, ils seront sobres dans l’utilisation des ressources de la planète, ils ne considéreront pas les salariés de leur entreprise comme une ligne de dépenses sur le compte d’exploitation mais comme une communauté d’hommes et de femmes œuvrant pour un projet commun.


Alors pourra émerger un capitalisme équitable, au sein duquel la liberté d’entreprendre, indispensable à la croissance et à l’innovation, ira de pair avec la volonté de servir les autres, particulièrement les plus vulnérables
Publié sur http://www.lesedc.org
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 2898 visites