Quoi de neuf sur Jésus de Nazareth ?

Conférence de Christine Pedotti

                                           Les vendredis du Touquet                         11/07/2014

 

Quoi de neuf sur Jésus de Nazareth ?

 

Conférence de Madame Christine Pedotti

 

Accueil : Philippe Caralp

   Après des remerciements à Michel Cool qui a contribué à la mise en place de la conférence de ce jour, Monsieur Caralp excuse l’absence des Delignières, indisponibles, et présente Mme Christine Pedotti.

Madame Pedotti fait partie du « comité de la jupe » avec, entre autres Anne Soupa. Elle a été élevée au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur pour sa contribution à la promotion de la dignité de la femme dans l’Eglise. Elle a écrit un grand nombre de livres dont plusieurs sous le pseudonyme de Pietro de Paoli.Elle est rédactrice à « Témoignage chrétien ». Parmi les livres que nous retenons :

     Ce Dieu que j’aime

     La bataille du Vatican

     Faut-il faire Vatican III ?

     Jésus cet inconnu (base de la conférence de ce soir)

 

     Ce livre est une idée d’éditrice. Madame Pedotti avait remarqué que beaucoup de vies de Jésus avaient été écrites, mais aucune par une femme. Comme elle en parlait avec le directeur des éditions Plon, celui-ci lui déclara : « C’est toi qui peux écrire ce livre »

Elle dirigeait alors la Maison Fleurus-Mame, dont les ouvrages s’adressaient à un très grand public. Il ne s’agissait donc pas d’écrire un livre savant et elle se demandait : « est-ce que moi je peux écrire ce livre ? » Il y a tant à dire et c’est si difficile…d’autant que nous croyons connaître Jésus, comme Dieu, et que ce n’est qu’en second lieu que nous nous intéressons à l’homme. Ecrire une vie de Jésus, c’est suivre le chemin inverse. Il faut d’abord s’intéresser à l’homme Jésus et, après, s’intéresser au Dieu.

 

La première vie de Jésus a été écrite par un allemand : Strauss, puis une autre a été rédigée par le français : Renan ( très compétent puisqu’il comprenait les langues de l’Orient). Cependant il avait quitté le séminaire et ne confessait pas que Jésus était Dieu.

Je me demandais : peut-on écrire sur Jésus ? Tout cela s’est passé il y a 2 000 ans…Heureusement il y a eu, depuis, des enquêtes historiques : celles de Renan, celles de l’allemand Rudolf Bultmann, théologien de renom, qui reconnaît les difficultés de la recherche et défend la démythologisation de la religion. Ce qu’il dit est vrai mais on peut tout de même essayer d’atteindre le Jésus historique et, pour ce faire, nous avons quatre extraordinaires alliés qui sont les « auteurs » des évangiles ( des auteurs « collectifs » si l’on peut dire car, à l’époque, les textes ont été rédigés par plusieurs « écrivains »)

Pourquoi des auteurs formidables ? Parce qu’ils se sont intéressés à l’homme-Jésus pour le suivre dans une vie quotidienne commune.

En me mettant à mon travail, j’ai rencontré Jésus et quatre auteurs formidables. Et puis, eux et moi, on faisait « le même boulot ». Faire comme eux, mettre leurs pas dans les pas de ce galiléen, c’est ce que je propose à mes lecteurs.

Quoi de neuf, donc, à propos de Jésus-Christ ? Je repense à une déclaration d’Albert Schweitzer : « Toute vie de Jésus en dit plus sur celui qui écrit que sur Jésus lui-même »…Alors, quoi de neuf pour moi ?

Enormément de choses ! Pour la première fois j’ai lu les Evangiles en me demandant ; « Qu’est-ce qu’ils racontent de Jésus ? Cela permet de rencontrer les évangélistes. J’avais l’habitude d’écrire « court » pour les enfants (lorsque l’on vous fixe un texte de 400 signes…c’est peu !) je me suis alors aperçue que le texte des évangiles était écrit avec une économie de moyens extraordinaire. Savez-vous que si l’on veut lire à voix haute tout l’évangile de Matthieu, cela ne prend qu’une heure quinze ; et pour celui de Jean : deux heures. On peut parler( comme lorsqu’on qualifie le dessin de certains auteurs de B.D. de la « ligne claire » de l’Evangile.) Et puis il faut savoir écouter le silence autour. Comme il y a quatre cordes à un violon, il y a quatre « voix » de l’Evangile. J’ai donc essayé d’écrire une mélodie.

Quoi de neuf encore ? On a  ouvert les nécropoles du 1er siècle et l’on a découvert que les corps montraient des signes de dénutrition, de rachitisme. La plus grande pauvreté régnait alors et de graves carences affectaient la population. La situation économique en Galilée était très mauvaise. Les gens subissaient une très lourde pression fiscale. Pour pouvoir payer l’impôt, les paysans mangeaient la semence, à la suite de quoi ils en étaient rendus à vendre leurs terres.

Avec ces données, on comprend mieux la pertinence des propos de Jésus lorsqu’il parle en paraboles, ainsi dans celle des ouvriers de la 11ème heure, dans laquelle il décrit la réalité sociale de l’époque : on y voit des hommes qui n’ont que leurs bras à vendre pour la journée. S’ils sont embauchés pour la journée dès le matin, ils auront au moins à manger pour ce jour là. Jésus raconte donc l’histoire de ce « patron » qui donne autant à celui qui est embauché à la 11ème heure qu’à celui qui a été pris à la 1ère. Il pourra manger, ce jour là, comme les autres. Nous « touchons du doigt » la réalité économique de l’époque.

Je pense aussi à l’histoire du mauvais riche et de Lazare, lequel était si pauvre que « les chiens venaient lécher ses ulcères ». Voilà une réalité que j’ai découverte : la difficulté de la vie à cette époque.

 

     Jésus et les femmes ? J’avoue avoir eu un petit a priori concernant les évangélistes sur cette question, en me souvenant qu’ils étaient des hommes…Eh bien, ils n’ont pas fait fi des femmes. Ils sont d’une incroyable honnêteté, ne se donnent pas la meilleure part, ne cachent pas que Jésus leur reproche parfois d’être complètement « bouchés », de ne rien comprendre. En fait c’est notre lecture traditionnelle qui avait mis les femmes à l’arrière plan.

Il y a des femmes très actives dans l’Evangile et quand Jésus parle, il met en pratique la parité. Ainsi, dans les paraboles du Royaume, il compare celui-ci à :

*une femme qui met du levain dans la pâte

*un homme qui a perdu une brebis et laisse les autres pour la retrouver

*une femme qui a perdu une pièce de monnaie et fouille toute la maison pour la retrouver

*un homme qui vend tout ce qu’il possède afin d’acheter une perle rare

Je pense à d’autres personnes magnifiques : des femmes comme les deux sœurs de Lazare : Marthe et Marie. C’est le moment où il va falloir accueillir Jésus et sa suite à la maison. Marthe s’active afin que tout soit prêt. Jésus arrivé, Marie s’assoit à ses pieds afin de l’écouter, ce qui finit par exaspérer Marthe qui lance un reproche à sa sœur (en même temps qu’à Jésus) « Ca ne te fait donc rien de ne pas me venir en aide ? » Et jésus de répondre :  « Marie a choisi la meilleure place » (sous entendu et cela est vraiment « révolutionnaire » à cette époque : Marie n’est pas obligée de « faire un boulot de femme »)Jésus considère les femmes comme des êtres humains. Il n’y a pas de misogynie chez lui .Peut-être même éprouve-t-il une petite préférence pour les femmes …

Remarquons qu’il y a beaucoup de femmes autour de Jésus. A son époque, ce n’est pas très convenable. Parmi ces femmes, il y a des femmes « bien » qui suivent Jésus, comme l’intendante d’Hérode, par exemple.

 

Des questions se posent aussi concernant « l’appartenance » de Jésus, comme si l’on demandait de nos jours en politique de quel parti il est. On a parlé de Jésus le zélote. A quel courant religieux appartient-il ? On veut savoir de quelle « école » il est . On sait que les pharisiens suivaient un maitre, auprès duquel ils s’inscrivaient. Jésus ne se réclame d’aucune école. Il échappe avec « maestria » aux pièges tendus par les hommes de savoir que sont les pharisiens. Ainsi lorsqu’ils lui demandent quelles sont les raisons que l’on peut avoir pour répudier sa femme, il leur répond que l’on ne peut tout simplement pas répudier sa femme. Certains disaient : oui, on le peut, si elle a été adultère ou si elle fait brûler les plats (Mme Pedotti fait allusion à un film actuel et drôle où la situation est évoquée). Jésus coupe court à tout argument, « tordu » ou pas : on n’a jamais une bonne raison de répudier sa femme.

En fait jésus était extrêmement proche de la culture des pharisiens. Ils étaient peu nombreux, en opposition à « l’industrie religieuse » du temple de Jérusalem (avec ses ventes d’animaux pour les sacrifices ,qui brûlaient ensuite sur des autels fumant à longueur de jour). Les pharisiens, eux, veulent construire un temple « intérieur ». Ils sont des juifs exemplaires, attachés à la loi de Moïse. Or Jésus leur demande d’aller au-delà de la loi. Les pharisiens aimaient se réunir pour faire des repas au cours desquels il y avait des discussions. La question que l’on se posait à propos de Jésus était : mais qui donc est cet homme ? D’où tient-il ce qu’il sait ? D’où parle-t-il ? Quelle est la source de l’autorité de Jésus ? Et l’on aborde la question des miracles. A l’époque personne ne conteste leur existence. Jésus guérit. Il est bien un thaumaturge. La question que l’on se pose alors est : avec quelle autorité soigne-t-il ? La puissance qu’il manifeste vient-elle de Dieu ou du diable ? N’oublions pas qu’à cette époque, maladie et péché étaient liés. Les foules se pressaient pour rencontrer le Jésus qui guérit. On repense à l’épisode de la guérison d’un paralytique à Capharnaüm : La maison où se trouve Jésus est littéralement envahie, les abords de même. Il faut l’astuce de quelques costauds pour hisser le malade sur le toit en terrasse de la maison (fait de terre et de branchages), pratiquer une ouverture dans ce toit et faire descendre le malade et son grabat aux pieds de Jésus. Là, Jésus stupéfie tout le monde en disant au paralytique : « Tes péchés sont pardonnés » ; On s’attendait à autre chose…Dieu seul peut pardonner les péchés. Visant les pharisiens, Jésus pose alors la question : « Est-il plus facile de dire : tes péchés sont pardonnés ou : lève-toi et marche ? Sur ce, Jésus enjoint au malade : « lève-toi, prends ton grabat et marche » ; ce qu’il fait. Les pharisiens sont K.O.

Dans l’épisode de l’aveugle né, à qui l’on ne peut reprocher d’avoir péché puisque sa maladie est de naissance, les pharisiens demandent si ce sont ses parents ou lui qui ont péché, Jésus répond : Ni lui ni ses parents , ce qui met fin aux discussions.

Jésus n’était pas très aimable avec les « savants de la religion ». D’ailleurs, il n’aimait guère la religion. Il allait jusqu’à traiter les pharisiens d’engeance de vipères, de sépulcres blanchis ou d’enfants de prostitution…(Traduisez cette dernière apostrophe en langage moderne et vous constaterez que c’est assez « hard »). Le bon Jésus, le doux Jésus un peu mièvre et fade, cela ne tient pas à la lecture des textes. Jésus n’a pas « bon caractère ». Un jour il fabrique un fouet avec des cordes pour chasser les marchands du temple dont il renverse les tables de change ! On est loin du Jésus sulpicien de certains peintres …Certes, on ne trouve pas dans l’Evangile de portrait de Jésus, mais on peut légitimement supposer qu’il s’imposait par son physique. Il devait avoir une assez grande prestance (il fendait la foule et passait au milieu d’elle). Il avait travaillé trente ans comme charpentier avec son père et devait avoir manié quelques poutres. Il vivait au grand air. C’était un marcheur. Les textes le montrent physiquement présent, les pieds dans la poussière. Il s’est laissé toucher…

Si l’on est une femme et qu’on lit tout cela, que peut-il arriver ? On rencontre un homme, et l’on tombe amoureuse.

 

Le destin tragique de cet homme interroge. Tout cela s’est passé si vite ! Pourquoi est-il allé (volontairement) à Jérusalem ? Il sait que c’est dangereux, qu’on lui veut du mal. Qu’est-ce qu’il espérait ? Qu’est-ce qu’il attendait ? La menace du péril était déjà latente dans l’épisode de sa colère contre les marchands du temple. Tout le monde allait à Jérusalem pour la Pâque juive. Il s’y trouvait alors entre 200 000 et 300 000 personnes. La « grande industrie religieuse » battait son plein. Il devait y avoir une ambiance style Moyen Age : bateleurs, bonimenteurs, jongleurs, voleurs…Cependant, d’autres « courants » s’opposaient à cette machinerie de l’ordre religieux de Jérusalem, comme le courant des Sadducéens qui s’opposait à celui des pharisiens .

Jésus , donc, cet agitateur qui trouble l’ordre public, devient un gêneur dont il va falloir se débarrasser. Jésus reste à Jérusalem. Le dernier repas avec ses amis constitue une sorte de veille. Jésus sait qu’il va jouer sa vie. Après le repas, il va aller dormir sur le Mont des Oliviers. Pour l’arrêter, il faut le trouver puis procéder à une sorte de flagrant délit. C’est par la complicité de l’un de ses intimes que cela pourra se faire, « l’homme à abattre »ayant été localisé.

La mise à mort sera décidée par les autorités romaines car les juifs n’ont pas le droit de prendre une telle décision. Ils s’en remettent donc à l’occupant. Après un procès-jugement « expédié », Jésus est condamné à la crucifixion. Une mort abjecte mais « ordinaire » . Lorsque Jésus a déclaré : « Que celui qui veut venir à ma suite prenne sa croix et qu’il me suive » il sait de quoi il parle. A l’époque de son adolescence, suite à une rébellion, environ 2 000 crucifixions ont été mises à exécution. Comme la crucifixion de Jésus a eu lieu la veille du grand sabbat de Pâque, on peut dater sa mort : 7 avril 30 .

Puis c’est la mise au tombeau, avec les deux admirables figures d’hommes : Joseph d’Arimathie et Nicodème. A cet instant, l’Histoire se tait.

 

Peu après, une nouvelle se répand. Certains déclarent : « Nous avons vu le Seigneur, il est vivant. »  C’est historique et c’est le début du fait chrétien. Entre les deux, c’est l’espace de la foi.

La première à avoir fait cette expérience est une femme : Marie Madeleine. Puis il y a eu les pèlerins d’Emmaüs , Saül (qui deviendra Saint Paul) sur le chemin de Damas. Ils ont entendu la parole dont la transmission sera toujours renouvelée, jusqu’à nos jours :

« Nous avons vu le Seigneur, il est vivant »

Et de nos jours encore, des gens disent la même chose.

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       Echange avec les participants à la conférence

 

  1. Que peut-on dire de la conscience de Jésus comme Dieu ?

*Je crois Saint Paul qui dit de Jésus : « Il a connu la condition humaine en toute chose excepté le péché ».

Le péché c’est dire «  non » à Dieu Un auteur contemporain, Eric Emmanuel Schmidt s’est posé la question : Jésus avait-il une ou deux volontés ? On peut dire que la volonté humaine de Jésus s’est configurée à la volonté de Dieu.

Jésus a cru de façon parfaite. Il croit en Dieu, en sa vocation. Nous sommes appelés à être fils et filles de Dieu. C’est une question très compliquée. Peut-être ne pouvons nous répondre à cette question que dans la prière.

 

  1. Les Evangiles sont écrits après la mort de Jésus et confessent sa résurrection. Comment est-il possible que Jésus soit un messie souffrant ?

*Il était annoncé ainsi par les prophètes (Isaïe 53), lesquels annonçaient aussi un messie triomphant. Avant l’ascension , les apôtres ne comprennent toujours pas ce qui s’est passé, ils demandent à Jésus : « Quand vas-tu restaurer la royauté en Israël ?Malgré les apparences de désastre, il y a des clés de compréhension.

 

  1. Jésus n’apparaît pas comme certaines grandes figures : tranquille, « zen », doté de sagesse et d’équanimité. Qu’en dites-vous ?

*En effet, Jésus a du « caractère ». Je dirais même qu’il a mauvais caractère. Il n’est pas bon,  doux et gentil, il n’est pas un sage . Il ne rentre dans « aucune case »Un évêque m’a dit un jour : « Jésus, c’est le gars qui ne tient pas dans les boites » (comme ces personnages à ressort qui sortent aussitôt de la boite dans laquelle on veut les enfermer).

 

  1. Puisque Jésus aimait les femmes, pourquoi n’y en avait-il pas une parmi les douze disciples ?

*Les douze et les apôtres, ce n’est pas tout à fait pareil. Un apôtre est un missionnaire. Le chiffre de douze, c’est pour rappeler les douze tribus d’Israël. Douze hommes, c’est pour constituer une nouvelle souche. Jésus a souhaité que quelque chose soit mis en chantier après lui. Et puis, en son temps, les femmes n’étaient pas considérées comme des témoins fiables…

 

  1. Est-ce pour cela que l’on choisit les prêtres parmi les hommes ?

*L’Eglise a considéré qu’il fallait confier les missions à différentes personnes. Ce choix a été celui de l’Eglise presque primitive et cela doit compter, a une importance. Cependant il est vrai que le statut de la femme a beaucoup évolué et que la question des femmes prêtres est une question toute neuve.

 

  1. Ceci n’est pas une question mais une constatation : Marie, mère de Jésus, est une femme, et, par elle, on peut obtenir énormément de choses .

 

 

Après le partage d’un verre de l’amitié et de paroles de rencontre, nous nous disons au-revoir

 

Compte rendu d'Edwige

Article publié par Michèle Leclercq • Publié • 1434 visites