Paroisse Notre-Dame du Val de Scarpe
Interview de Sœur Marie-Jo qui quitte Brebières
Au revoir Sœur Marie-Jo ! Qui ne connaît Sœur Marie-Jo, dans notre paroisse Notre Dame du Val de Scarpe et les paroisses environnantes, dans notre doyenné ? A 93 ans, elle va nous quitter après 43 ans passés à Brebières en communauté avec Sœur Françoise. Elle rejoindra une maison de retraite dans sa communauté des Sœurs de la Providence de Saintes. Elle a tant de choses à partager ! Rencontre… Rien ne vous prédisposait à devenir religieuse… Quand je suis entrée en religion je ne connaissais rien. Je venais d’une région, la Charente Maritime, et d’un milieu familial qui n’étaient pas du tout chrétiens et je ne savais rien de la foi. Je n’avais jamais vu de religieuse et je ne savais même pas que cela existait ! Je me suis convertie par contact avec des malades quand j’étais moi aussi dans une maison de santé. C’est là que j’ai découvert la foi petit à petit et que j’ai senti un appel à y consacrer ma vie. Quand une fois guérie je suis revenue chez moi, je n’avais personne à qui parler, mais ce que j’avais découvert je le cultivais intérieurement. Le dimanche il fallait être à jeun pour aller à la messe, et je devais me battre à la maison. Ma famille s’est convertie elle aussi plus tard, mais ça a été long… J’ai ensuite participé un certain temps à la JAC (Jeunesse Agricole Catholique). J’y ai vu des jeunes qui vivaient une foi chrétienne profonde, épanouie, joyeuse. Ils m’ont beaucoup apporté. Ma foi s’est approfondie et très vite j’ai senti l’appel à consacrer ma vie au Christ. Un jour - j’y vois le doigt de Dieu ! Je m’étais inscrite à une retraite de la JAC qui devait être en partie annulée, faute d’inscriptions suffisantes. Mais devant mon insistance on a demandé à une sœur de m’aider à faire retraite. J’ai parlé de ma situation et j’ai découvert beaucoup. Je suis repartie en connaissant bien les religieuses et ce qu’elles faisaient comme enseignantes. La personne qui avait en charge le « jardin d’enfants » étant gravement malade, les sœurs m’ont demandé si j’acceptais de prendre les enfants : j’étais ravie ! J’y ai vu la main du Seigneur qui m’aidait et me conduisait et je ne l’ai jamais regretté. J’y suis restée deux ans. J’étais très heureuse, mais l’enseignement ne m’allait pas, même si j’aimais beaucoup les enfants. De Charente, qu’est-ce qui vous a amenée dans le diocèse d’Arras ? Je lisais des livres, en particulier ceux du Père Voillaume, fondateur des Petites Sœurs de Jésus, dans l’esprit du Père de Foucauld. Il y parlait d’être au milieu des gens, de vivre comme eux, de travailler comme eux, d’avoir une vie religieuse exigeante, mais sans jamais chercher à faire de l’apostolat direct. Il s’agissait de laisser faire l’Esprit Saint par la présence d’une communauté très insérée qui vivait dans des appartements HLM. J’avais alors 40-45 ans et j’ai rencontré le Père Voillaume. Il m’a déconseillé de changer d’ordre. Je ne le désirais d’ailleurs pas, car j’étais très insérée dans ma communauté. Il m’a recommandé l’Ecole de la Foi du Père Loew, en Suisse, près de Fribourg, destinée à tous ceux, prêtres, religieux et laïcs, qui ressentaient comme moi un appel à évangéliser hors les murs. Réaction du Père Loew quand il m’a vue avec le grand habit noir : « Voulez-vous évangéliser avec votre déguisement ? ». Alors que j’avais dépassé l’âge d’y entrer (j’avais 48 ans) il m’a acceptée à l’Ecole de la foi, sentant en moi une vocation profonde. J’y suis donc entrée avec Sœur Jeanne qui est maintenant ma supérieure et vit en Angleterre. Il fallait que j’obtienne l’accord de ma communauté. Au départ les avis, y compris celui de ma Supérieure, étaient défavorables. « On n’a pas été crées pour ça ». disaient les sœurs anciennes Après 3 jours de silence, de prière, ce fut le vote. Et le verdict fut trois « Non » et une quarantaine de « Oui ». Ma congrégation se mit alors en quête d’une personne qui m’accompagnerait. En Charente Maritime il ne manquait pas d’endroits déchristianisés (La « Ville en bois » près de La Rochelle), mais personne n’acceptait d’entrer dans cette aventure. C’était l’époque où les congrégations se regroupaient en fédérations à la demande de Paul VI. J’avais alors 50 ans. A l’Ecole de la Foi nous vivions en petites communautés dans un appartement indépendant : il fallait faire le ménage, les courses, la cuisine, suivre les cours toute la journée, faire les devoirs. C’était très dur : « on ne vient pas ici pour avoir l’esprit étudiant », disait le Père Loew. Le lendemain de mon retour un bus de Saintes partait pour Arras où devait avoir lieu la première grande réunion de la fédération. Je ne voulais pas y aller, car j’étais sur les genoux. Mais ma Supérieure a insisté, car il y avait une demande comme la mienne dans la congrégation de la Providence d’Arras. C’était Sœur Françoise ! Elle faisait un parcours similaire à l’Ecole de la Catéchèse à Lille et Mgr Huyghe venait de la nommer responsable de la pastorale à Vitry-Brebières. Elle rentrait tous les soirs à Arras dans un univers complètement différent, mais aucune sœur ne voulait l’accompagner. J’y vois le doigt de Dieu ! Nous avons fait connaissance et nous sommes venues à Brebières, qui m’a plu tout de suite et correspondait bien à ce que nous voulions, Françoise et moi. Nous sommes arrivées fin novembre 1973, le jour de la fête du Christ-Roi. Cela fait 43 ans. Comment vos débuts à Brebières se sont-ils passés ? Nous avons d’abord passé trois mois dans un taudis, avant de déménager pour beaucoup mieux, dans la rue du Bourg où nous sommes restées …ans. En arrivant je ne connaissais rien ni personne. En lien avec les Sœurs de Corbehem je faisais des ménages, la toilette des grands malades alités, chose que je n’avais jamais faite. Je parlais avec eux et cela m’a fait découvrir la vie des gens d’ici, cela m’a aidée à m’insérer. J’ai commencé ensuite le caté, l’éveil à la foi, outil d’évangélisation très important. Chaque mois nous réunissions les mamans pour expliquer un thème, et c’est elles qui faisaient le caté à leurs enfants. On terminait par une célébration où parents et enfants s’exprimaient. Les parents étaient fidèles aux réunions et célébrations et ont découvert beaucoup. C’était très missionnaire : la foi qui est annoncée aux petits ! Vos joies et vos difficultés dans notre paroisse ? Nous avons bien vécu ce que nous désirions : une présence de prière, de vie consacrée à Dieu, et beaucoup d’accueil, de convivialité, d’écoute, beaucoup de joie ! Nous avons eu très vite un contact avec le quart monde, comme cette famille expulsée sous la pluie avec 4 ou 5 enfants. Ou cette petite fille heureuse d’avoir reçu une poupée, et qui l’a encore maintenant qu’elle est grand-mère. Ou encore telle famille qui nous volait, mais revenait toujours malgré les fâcheries… Des gens avec qui je n’avais jamais eu de contact auparavant. Dans ma communauté on m’appelait « Ma mère », mais quand j’étais à vélo dans les rues j’entendais crier : « Marie-Jo » ! Dans la vallée de la Scarpe j’ai vécu la proximité. Je venais d’un couvent d’où on ne sortait jamais et je me retrouvais en plein milieu d’une cité ouvrière. Ce que le Pape François dit maintenant : « quitter les murs qui nous cachent la vie des hommes pour aller vers les périphéries où ils vivent et témoigner de notre vie avec Jésus », davantage avec notre vie, consacrée, qu’avec des paroles. C’était cela le but que je poursuivais. Je suis restée en activité jusque 80 ans. Ensuite j’ai abandonné le caté et j’ai mis en route les équipes du Rosaire et les Maisons d’Evangile. Et je continue à accueillir chez nous. Nous étions très différentes, Françoise et moi, mais, nous nous sommes adaptées l’une à l’autre et maintenant j’ai beaucoup de peine de m’en aller. J’étais très heureuse ici. (Moment d’émotion). Il a fallu choisir… J’étais partagée car je souhaitais aussi retourner dans ma maison d’origine. C’est toujours ainsi : les sœurs âgées rentrent à la maison-mère, en retraite. Nous avons beaucoup réfléchi, prié et j’ai obéi quand la sœur responsable de la France, venue chez nous, m’a demandé de rentrer à Saintes. Parlez-nous de cette communauté que vous allez rejoindre Je connais cette maison où j’ai vécu 25 ans, et toutes les sœurs qui sont là bas : elles ont bien reconnu ce que nous avons fait ici. C’est là que j’allais en vacances tous les ans, et j’ai été plusieurs fois au chapitre. Y a-t-il un message que vous voulez nous laisser ? (Temps de silence) Dieu nous aime tous chacun et Il appelle chacun à quelque chose pour l’Eglise. Je souhaiterais qu’il y ait davantage de gens, plus accrochés, qui s’engagent. Et vous priez pour ça ? Oui, et Françoise continuera cette mission. Je rends grâce au Seigneur de tous les bienfaits dont il m’a comblée. J’ai pu mesurer qu’Il me conduisait et me donnait des grâces particulières quand il fallait sonner aux portes… Venant de si loin, avoir été conduite, je trouve que c’est merveilleux. Nous dirons au revoir à Sœur Marie-Jo lors d’une messe d’action de grâce suivie du verre de l’amitié le samedi 15 octobre à 18h. Propos recueillis par AC Garénaux