Homélie de Mgr Olivier Leborgne lors du 22 novembre 2020

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lors de la messe du 22 novembre 2020

 

 

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Église Saint-Sulpice, Amettes.

Dimanche 22 novembre 2020 - 33ème semaine du Temps Ordinaire

Solennité de Jésus Christ, roi de l’univers – année A

 

Lectures de la messe

 

Lecture du Livre du prophète Ezéchiel :  34, 11-12.15-17

 

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles.

Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées,

ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu.

La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit.

Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu –, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

Parole du Seigneur.

 

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens  : 1 Co 15, 20-26.28

 

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu : 25, 31-46

 

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’

Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu...? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’   

Et le Roi leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ 

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;     j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’

Alors ils répondront, eux aussi : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’     Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’    Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

 

Homélie de Mgr Leborgne

 

Frères et sœurs, le langage est quelque chose de fondamental. Nous ne pouvons pas entrer en relation sans nous parler. Et les mots sont tellement précieux… Mais le langage, malgré tout, est ambigu. Nous disons la même chose, et nous ne disons pas la même chose. Quand un homme et une femme se disent « je t’aime », quand deux amis se disent « je t’aime », ils se disent la même chose : « je t’aime.» Mais ils ne se disent pas la même chose. Ils n’ont pas la même expérience de l’amour, celle de leurs parents, celle qu’ils ont portée pendant leur vie. Ils n’ont pas le même imaginaire autour de l’amour. Ils ont une psychologie différente. Oui, quand un homme dit à une femme « je t’aime » et quand une femme dit un homme « je t’aime », ils disent exactement la même chose, mais les couples savent bien qu’ils ne disent pas exactement la même chose. Le langage nécessite toujours une attention. Tu emploies des mots que je connais. Mais ce que tu dis par ces mots est différent, plus profond, plus large que l’expérience que j’en ai.

 

Ainsi en est-il du Christ au Roi de l’univers. Je suis issu de cette terre de France, marquée par des rois pendant des siècles, mais aussi par la Révolution. Et la figure du roi est une figure trouble. Elle est très belle avec des rois comme Saint Louis et quelques autres, mais elle est souvent, depuis la Révolution française qui nous marque tant, une figure sinon d’un dictateur, en tout cas d’un potentat. Certains rois n’ont pas toujours été à la hauteur du service qu’ils avaient à mener. Cela nous trouble. Christ Roi de l’univers… De quelle royauté s’agit-t-il ?

 

L’Évangile pourrait nous indiquer assez justement que la royauté à laquelle nous avons travaillée, c’est, selon une expression que j’ai déjà entendue, le règne social du Christ. Et c’est pour une part l’un des appels du concile Vatican II. La sainteté est faite pour tous. Le cœur du concile Vatican II, c’est l’appel universel à la sainteté, c’est-à-dire que tout baptisé est appelé à vivre l’Évangile au cœur du monde pour que quelque chose du royaume se donne à voir, se manifeste, se diffuse, rayonne… C'est de ce côté-là que le concile Vatican II a voulu nous orienter, nous relancer, nous refonder. Pourtant, si nous sommes signes de la royauté du Christ, et si nous sommes appelés à le devenir toujours davantage, souvenons-nous toujours que le Christ dira à Pilate : « Ma royauté n’est pas de ce monde. » Je me souviens d’un ancien qui me disait il y a quelques années : nous avons sans doute eu la naïveté de croire dans les années 70-80 que nous allions réaliser le Royaume de Dieu sur Terre. Comme si ce que nous vivons trouvait sa plénitude ici-bas.

 

Frères et sœurs, avez-vous entendu le début de l’Évangile ? « Quand le fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. » Le Roi que la liturgie nous présente, celui qui siège sur son trône, c’est celui qui reviendra dans la gloire. La royauté du Christ, et c’est le point qui paraît capital, nous oriente vers le retour du Christ dans la gloire.

 

Frères et sœurs, êtes-vous impatients du retour du Christ dans la gloire ? Permettez-moi de vous dire que je suis parfois désarçonné, voire stupéfait, de penser que les chrétiens disent : « peut-être, mais si possible demain. » Moi j’aimerais tellement que ce soit aujourd’hui : « Quand Dieu sera tout en tous. »

 

Avez-vous entendu la merveilleuse deuxième lecture ? Vous prendrez le temps de la méditer. Quand la résurrection du Christ qui a vaincu toute mort fera pleinement son effet sur nous tous, quand tout sera récapitulé dans l’amour, ressaisi dans le mystère pascal, quand Dieu sera tout en tous, nous ne serons pas phagocytés, consommés par Dieu, mais nous deviendrons enfin pleinement nous-mêmes. C’est la logique de la foi chrétienne : Plus il y a de Dieu, plus il y a de l’homme. Dieu n’est pas celui qui vampirise l’homme. Il est celui qui se donne au cœur de l’homme pour permettre à l’homme d’advenir à lui-même.

 

Nous vivons tant de belles choses, mais aussi tant d’épreuves… Nous le voyons bien : la pandémie actuelle n’est pas seulement une crise sanitaire mais remet en cause les fondements sur lesquels nous avons cru pouvoir construire un monde qui s’autosuffisait. Il faut que nous entendions la leçon. Nous le savons, frères et sœurs, ce que nous vivons ne débouchera pas sur le vide. Désirez ardemment le retour du Christ dans la gloire. Je le désire pour vous : nous serons tellement dans la joie éternelle de Dieu. Je le désire pour ceux qui croient et pour ceux qui ne croient pas. Quand Dieu sera tout en tous, ils seront eux-mêmes comme ils ne l’auront jamais été. Ce sera la plénitude de notre humanité. Oui, frères et sœurs, j’ai hâte du retour du Christ dans la gloire. J’ai hâte.

 

Après le Notre-Père, nous entendons : « nous espérons le bonheur que tu promets, l’avènement de Jésus Christ notre Sauveur. » Il n'y a pas d'autre bonheur.  Mais cela ne disqualifie pas ce que nous vivons ici-bas. Au contraire, cela lui donne énormément de poids, parce que si tout sera récapitulé en Christ, alors ce que nous vivons aujourd'hui a du poids. Alors nos tâtonnements ne déboucheront pas sur rien. Alors notre vie ne débouchera pas sur le vide. Tous nos efforts pour aimer, pour espérer, pour construire un monde à hauteur d’homme, ne sont pas vains. Ils ont un poids d’éternité. Ils seront ressaisis par le Christ. C’est là l’unique bonne nouvelle. Et c’est une profonde bonne nouvelle.

 

Frères et sœurs, j’ai hâte que Dieu soit tout en tous pour que, libéré de ce qui m’empêche d’advenir à moi-même, je puisse naître à la plénitude de la vie avec vous, jamais sans vous. C’était le premier point que je voulais préciser.

 

Mais la bonne nouvelle de la fête du Christ Roi, c’est qu’il ne nous tourne pas vers la plénitude des temps sans nous dire que cette plénitude vient déjà à nous. Cette plénitude nous est ouverte dans la vie qui est la nôtre avec ses heurts, ses malheurs et ses bonheurs. Dans cette vie-là, déjà quelque chose du Royaume à venir nous est donné. C’est encore dans l’Évangile : « Venez-les bénis de mon père. J’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j'étais nu et vous m'avez vêtu, j'étais en prison et on m'avait visité…  Quand est-ce que c'est seigneur. À chaque fois que tu l’as fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que tu l’as fait » nous dit Jésus. Vous avez remarqué, Jésus ne dit pas : « C’est comme si c’était à moi. » Il dit « C’est à moi

 

Les catholiques sont extrêmement réalistes. Celui qu’ils confessent comme réellement présent dans le Saint Sacrement — parce que c’est vraiment Jésus ressuscité qui se donne comme nourriture, ce n’est pas un symbole, ce n’est pas une image, c’est le Christ ressuscité — celui qu’ils confessent dans l’eucharistie est celui qui se donne dans les pauvres à rencontrer. Quand vous vous ouvrez à l’altérité des autres, tout particulièrement à ceux qui sont dans la difficulté, vous ne le savez peut-être pas, mais vous faites une expérience du Christ. Vous le rencontrez. Il vient à vous déjà, Celui qui veut être tout en vous pour que vous soyez pleinement vous-mêmes.

 

« Venez-les bénis de mon Père, j'avais faim et vous m'avez donné à manger… Et vous les maudits, partez dans le feu préparé par le diable… J'avais faim et vous n'avez pas donné à manger, j'avais soif et vous ne m'avez pas donné à boire, j'étais en prison et vous n'avez pas visité, j’étais malade et vous n’êtes pas venus me voir. Ce que vous n’avez pas fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » Pour moi, la difficulté de ce texte est la suivante : je suis parfois dans les bénis du Père, j’ai déjà fait dans ma vie des choses de ce genre, aussi pécheur que je suis, j’ai déjà visité un malade, été attentif à quelqu’un dans l’épreuve, visité un prisonnier… Et en même temps, combien de fois me suis-je dérobé devant le pauvre, le malade, l’affamé ou l’exclu ? Alors, Seigneur, comment pourras-tu juger ? Comment feras-tu le tri ? Je suis des deux côtés.

 

Mais c’est que, frères et sœurs, ce n’est pas Dieu qui juge. C’est nous qui nous jugeons. C’est nous qui sommes les acteurs du jugement. Quand nous vivons la rencontre de Dieu, la bénédiction de Dieu surgit en nous. « Partez loin, maudits… » Vous remarquerez qu’il n’est pas écrit : les maudits du père, parce que Dieu ne maudit jamais. Seuls nous, nous pouvons nous autodamner, nous enfermer dans la malédiction. Quand je refuse la rencontre du Christ à travers l’autre, à travers tout particulièrement le plus pauvre, je m’autocondamne, je m’automaudis. Vous ne verrez jamais Jésus maudire les gens. Il constate juste que nous entrons à ce moment-là dans une malédiction qui nous abîme, qui nous détruit.

 

Frères et sœurs, je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais je dois vous confesser que, parfois, il m’est difficile de me bousculer pour aller vers ceux qui sont dans l’épreuve. Il m’arrive de m’enfermer dans mon confort et de refuser. Oui, l’Évangile bouscule. Oui, la suite du Christ n’est pas un confort douillet, doucereux.

 

Frères et sœurs, notre foi n’est pas une spiritualité du soft-développement personnel. Non, le Christ nous bouscule et il nous bouscule encore plus en ces temps-ci. Mais il ne nous bouscule pas d’une manière moralisatrice : c’est bien ou ce n’est pas bien. Il nous dit : « Je voudrais tellement te donner la vie que je suis. Et toi qui désires me rencontrer dans l’eucharistie, ne l’oublie pas. Toi qui le confesses dans l’eucharistie, apprends à le rencontrer dans les pauvres. Oui, bouscule-toi. » Déjà alors, le royaume viendra à toi. Déjà quelque chose de cette plénitude de la vie de Dieu pour laquelle tu es fait se proposera pour te régénérer, pour te donner la vie. 

 

Christ est le Roi de l’univers. Il est ce Roi qui se dépouille de lui-même. Il est ce Roi toujours en chemin, qui se donne à rencontrer notamment dans les plus pauvres, dans les plus précaires. Et ce royaume qu’il nous destine quand il sera tout en tous, il veut déjà nous en faire vivre. Venez, les bénis de mon père !

 

Que le Seigneur soit béni.

 

+ Olivier LEBORGNE.

 

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