Le père Armand Sauvaget
Prieur-administrateur à l'abbaye Saint-Paul de Wisques
Suite au décès brutal de l'abbé de Saint-Paul de Wisques,
Dom Jacques Lubrez, en avril dernier, le père Armand a été envoyé en Audomarois par l'abbé du monastère fondateur, l'abbé de Solesmes, pour remplir les fonctions de prieur-administrateur.
Je ne suis ici que le prieur-administrateur et remplace le père abbé dont je remplis les tâches matérielles et spirituelles, souligne modestement le père Armand, responsable de la communauté depuis septembre. En effet, l'abbé est un moine qui a été élu par le chapitre de son monastère. C'est donc un moine de la communauté. Moi, je n'ai pas été élu et j'arrive d'un monastère d'Afrique où j'ai été économe durant 33 ans ».
Le père Armand Sauvaget -on peut aussi dire Dom Armand mais il préfère qu'on l'appelle père – est natif de Vendée où il a fait son séminaire aux Herbiers et à Luçon. De retour du service militaire et d'Algérie, il est entré à l'abbaye de Solesmes, dans la Sarthe : « Pendant mon service, je suis allé, un 15 août, assister à la grand-messe de l'abbaye des Bénédictins de Solesmes. Fasciné par la beauté de la liturgie je me suis dit « si un jour je me fais moine, c'est là que je viendrai ». Et c'est là que j'entrai après avoir enseigné un an dans mon diocèse vendéen ».
Entré donc à Solesmes en 1962, il sera ordonné prêtre en 1970. Père hôtelier, il accueillait les gens et s'occupait du jardin potager. En 1976, il est envoyé au Sénégal à l'abbaye que les bénédictins y ont fondée en 1962, l'abbaye de Keur Moussa (la maison de Moïse). Neuf moines français y furent envoyés à l'époque. Le père Armand en était l'économe -chez les moines, on dit aussi le cellérier, celui qui s'occupe du cellier-.
Moines bâtisseurs
Quoique construit sur un terrain appartenant au diocèse de Dakar, le monastère était, en réalité, immergé dans un environnement totalement musulman.
- « Autour du monastère, nous avons créé un village, petit à petit, avec l'aide d'ouvriers locaux, chrétiens. Maintenant, il y a une école primaire rurale, un dispensaire et, de deux à trois familles au départ, c'est une trentaine qui forme aujourd'hui le village », explique le père.
La communauté aussi s'est agrandie. De neuf moines, ils sont aujourd'hui quarante dont une grande majorité de jeunes moines africains et pas seulement sénégalais : « Deux Guinéens, un Congolais, trois Gabonais et une moyenne d'âge, pour toute la communauté, de 45 ans... De plus, il y a quatre ans, nous avons fondé en Guinée Conakry un nouveau petit monastère où neuf moines sénégalais ont été envoyés, rejoints depuis par un postulant guinéen. »
A 72 ans, déchargé de sa tâche d'économe, il pensait avoir à remplir là, dans son monastère africain, sa tâche d'ainé en aidant son successeur lorsque, en mai dernier, l'abbé de Solesmes lui demandait de rentrer en France pour aider l'abbaye Saint-Paul. Malgré les différences notoires, dont la moyenne d'âge des moines -ici elle est de 72 ans – le père Sauvaget a vite trouvé ses repères. Il nous parle déjà en connaisseur de la cathédrale de Saint-Omer, des ruines Saint-Bertin, de la forêt de Clairmarais et connaît même la chapelle du Mont Saint-Louis, une magnifique ruine dominant le Boulonnais et Tournehem-sur-la Hem.
Africain, il le reste cependant et ses yeux brillent, ses mains s'animent quand il parle de la liturgie chantée, là-bas, au son d'instruments de musique peu connus ici comme la « kora », sorte de harpe africaine que les Bénédictins de Keur Moussa ont adoptée et transformée pour l'adapter aux sonorités du chant grégorien.
(Jean-Paul Chavaudra)