Heureuse de produire: messe des moissons

Cette année la messe des moissons avait pour thème : la place de la femme dans l'agriculture.

L’agriculture au féminin

 

La pluie du matin n'a pas refroidi les paroissiens car c’est bien à l’abri, sous le hangar de la CUMA la Verloossoise que s’est déroulé la messe des moissons 2013. Une large place était faite cette année aux femmes dans l’agriculture.

Autrefois, elles étaient femmes d’exploitant, mères au foyer s’occupant exclusivement de la maison, des enfants, de la ferme. Aujourd’hui leur rôle a largement évolué : elles sont chef d’exploitation elles-mêmes, associées, collaboratrices de leur mari, elles participent à la mise en valeur de l’exploitation, elles sont aides-soignantes... Le témoignage de Blandine (voir ci-dessous), Isabelle, Mariam, Sandra, Anne a permis à tous de constater les diverses facettes de leurs actions.

Dans l’évangile de ce jour Jésus parle de « la porte étroite ». Faire advenir « le Royaume de Dieu », le monde qui plait à Dieu : un monde où chacun a sa place, un monde où un « vivre ensemble » est possible, un monde où le petit n’est pas écrasé mais soutenu, ce monde on y entre par la porte étroite… ce n’est pas évident, car cela va souvent à contre courant de notre société où la mondialisation de l’économie écrase les plus faibles. Pourtant des personnes dans le monde rural essayent de le mettre en œuvre… Chaque année, lors de la messe des moissons, nous en sommes les témoins. Alors, rendez-vous en 2014.

Elisabeth Souillart

 

 

 Témoignage de Blandine

 

Bienvenue « Au petit bonheur du marché à la ferme », au 40 Bd Victor Hugo à Cuinchy où je suis agricultrice, chef d’exploitation, depuis le décès de mon époux, Paul. Nous avions tous deux 53 ans. J’ai abandonné les productions de pommes de terre, de haricots verts, la conduite d’un troupeau de vaches, trop lourd pour une femme seule. Installée sur 58 hectares, je cultive le blé, l’orge, la betterave sucrière, le maïs grain, le colza et les sapins de Noël. Je suis aidée de Mickael, notre apprenti que j’ai embauché à temps partiel. Les bâtiments d’élevage et hangar de stockage sont loués. Pour le matériel, j’adhère à la Cuma la Verloossoise(coopérative d’utilisation de matériel).

 

L’entraide et la solidarité des agriculteurs de cette Cuma m’ont permis de passer le cap de la première année. Maintenant, je sais organiser le travail et retenir le matériel nécessaire pour les préparations de sol ou les récoltes. Sans la Cuma il me serait impossible d’investir dans du matériel aussi performant pour un coût raisonnable. Mon magasin de vente de fruits, légumes frais et produits régionaux s’est développé. Déjà adhérente à « Campus vert » c’est-à-dire l’ accueil et l’hébergement d’étudiants à la ferme, j’ai non sans mal, ouvert mon sixième appartement meublé en juillet 2011.

 

Le départ brutal de Paul m’a laissé un peu dans une sensation d’inachevé…ne pas avoir tout dit… la solitude …dans la maison… la ferme…devant les décisions à prendre…demander un conseil ou un service, c’est l’école de l'humilité. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un entourage familial formidable et précieux, un tissu relationnel et professionnel, des amis et le sourire et les cris de Damien, notre premier petit fils à l’époque. Maintenant j’ai cinq petits-enfants, et quel bonheur !

 

Les témoignages, la prière personnelle et la prière de toute cette communauté d'Église m’a redonné force, courage, confiance et sérénité.

Je crois aussi que Paul, à sa manière, me guide et me protège comme je le porte en mon cœur. Je crois en la communion des saints. Je crois profondément en l’amour de Dieu qui est toujours avec nous ; « chaque jour, chaque seconde, je suis avec vous », « Vous ne serez plus jamais seul, je vous donne ma vie. »

 

Animatrice de la chorale paroissiale, le chant s’est révélé être encore plus un moyen d’expression, un libérateur, un raccourci pour rejoindre tous ceux que j’aime. Les répétitions sont toujours source de bonne humeur, de plaisirs et de joies partagées.

Les équipes dont je fais partie, graines de parole, animation pastorale et liturgique m’ont aussi aidée à traverser cette épreuve : travailler ensemble, être à l’écoute, réfléchir, accueillir, donner de son temps, transmettre sa foi.-« Sors de chez toi, la vie t’appelle ! » comme on peut le chanter. Mon ouverture sur le monde professionnel m’est nécessaire, ainsi je continue mon rôle d’administratrice dans divers secteurs, centre de gestion, banque et coopérative. Au-delà de l’épreuve, la vie ne s’arrête pas. Il m’arrive de me laisser envahir par la nostalgie, les regrets, les questions pourquoi ? Comment ?, le doute, le cafard, « y’en a marre » mais la confiance et l’espérance rejaillissent toujours. « N’aies pas peur ». 

 

Naturellement, on ne s’improvise pas agricultrice. De formation technicienne paysagiste, j’ai exercé ma profession jusque 1984 puis je suis devenue conjointe collaborateur de Paul, pour ensuite reprendre l’exploitation. Fille d’agriculteur, je connais le milieu rural et ses hommes de la terre, passionnés, dynamiques, sympathiques mais parfois durs aussi dans leurs propos. Qu’importe, j’essaie d’être présente sur tous les fronts car sinon on aurait parfois tendance à m’oublier !

Ce monde est quand même très intéressant !

Et il procure bien des joies, cadeaux du ciel : le soleil, la pluie, le vent gages de belles récoltes; merveilles de la nature : le chant des oiseaux, les arbres en fleurs, les blondes moissons, l’odeur de la terre, les longues soirées d’été; le sentiment de participer avec mes collègues agriculteurs à une œuvre commune : tout ce qui fait la nourriture de l’homme, à développer entre nous les valeurs de solidarité et d’amitié; à profiter malgré les contraintes, d’une certaine liberté dans l’organisation du travail.

 

Et je termine avec ces lignes d’un chant que j’aime beaucoup : “ Avec toi, Seigneur, je n’ai peur de rien, Tu es là sur tous mes chemins, Tu m’apprends à vivre l’amour. Gloire à toi!”

Blandine Delannoy

Article publié par Elisabeth SOUILLART • Publié • 2472 visites