Les orientations diocèsaines

Lettre d'orientation de Monseigneur Jean-Paul Jaeger
aux chrétiens du diocèse d'Arras le 11 février 2000

 

1. Lettre d'accompagnement.

 

Au peuple de Dieu 
qui est dans le diocèse

d'Arras, Boulogne et Saint-Omer

Frères et amis très chers,

Depuis un peu plus d'un an, je vis avec beaucoup de joie la mission d'évêque dans notre diocèse d'Arras, Boulogne-sur-Mer et Saint-Omer. Au cours de cette période, je me suis efforcé de rencontrer, de découvrir et d'écouter. n s'agissait pour moi de sentir battre le cœur du diocèse et de me rendre attentif à l’œuvre de l'Esprit Saint chez nous.

Aujourd'hui, je veux rendre grâce pour toutes les merveilles accomplies par une multitude de fidèles bénévoles, notamment des jeunes, et leurs pasteurs ainsi que par les diacres, les communautés religieuses, tous les consacrés et les permanents. Je suis le témoin privilégié de la réponse à l'invitation du Christ qui appelle à la sainteté et envoie des ouvriers à la moisson de son Père. Je remercie celles et ceux qui ne se laissent pas décourager par les difficultés et croient en l'accomplissement de la promesse du Christ. n est avec nous jusqu'à la fin des temps. Nous nous en réjouissons tout particulièrement en cette année du grand jubilé.

J'ai déjà beaucoup partagé avec vous. Je continuerai à le faire. Bien volontiers, je sillonnerai notre vaste diocèse. n me tarde de vivre pleinement à l'unisson de toute une population, d'épouser ses joies et ses peines, son espérance et ses craintes, ses réalisations et ses épreuves. Je m'efforcerai de venir vers vous avec pour toute force l'Amour du Christ qui s'offre lui-même "pour que les hommes aient la vie. "

En 1986, Monseigneur DEROUET traçait trois lignes fortes de la pastorale du diocèse. Je vous les remets en mémoire :

.Une Église de Dieu à l'écoute des questions des hommes. .Une Église qui dialogue et témoigne de la foi.

.Une Église qui s'organise pour être signe de l' Amour de Dieu.

Ces orientations gardent leur pertinence. Nous demandons au Seigneur de nous permettre de continuer à les mettre en oeuvre. Riche de son passé et de son histoire, notre Église diocésaine fixe l'horizon de l'avenir. C'est le même Seigneur qui nous guide, mais il nous conduit sur des chemins nouveaux. A l'approche du troisième millénaire, avec l'aide de l'Esprit Saint, je vous propose d'avancer dans sept directions et d'ouvrir une quinzaine de chantiers. Nous actualiserons ainsi notre désir de collaborer à la mission de l'unique Pasteur.

Il ne s'agit pas de nous lancer dans de grandes manœuvres et de disperser des énergies devenues plus rares, même si elles demeurent ardentes. n n'est pas davantage question de remettre entre les mains de quelques-uns le soin de réfléchir, de décider et d'agir. Je souhaite fermement que le plus grand nombre de fidèles apporte le plus simplement possible son concours à l'aventure de la foi, de l'Évangélisation, de la mission et du service.

Je confie ces quelques pistes à l'Église qui est dans notre diocèse et à tous ceux qui voudront bien les accueillir, particulièrement aux nombreuses instances de concertation et de rencontre qui structurent la vie de notre diocèse, à charge pour elles de les répercuter auprès de nos frères qui ressentent souvent une grande distance entre eux et l'Église.

Le contenu de ce message et les perspectives qu'il ouvre seront repris dans un document plus modeste qui pourra faire l'objet d'une large diffusion. Je souhaite qu'il offre des possibilités de réflexion, de projets, d'engagements et de décisions à compter de la rentrée de Septembre 2000. Je désire par-dessus tout qu'en cette année jubilaire, notre labeur commun constitue une réponse au projet d'Amour de Dieu sur tous les hommes, nous greffe davantage sur le Christ Mort et Ressuscité pour notre Salut et nous rende docile à l'œuvre de l'Esprit Saint.

De prochains numéros d'Église d’Arras évoqueront les modalités concrètes d'appropriation et de travail de ce document ainsi que le calendrier qu'il faudrait respecter pour récolter sans tarder quelques fruits.

Nous poursuivons notre marche sur la route des disciples. La prière, l'accueil de la Parole de Dieu, les sacrements et l'attention fraternelle nous soutiendront. La Vierge Marie, Mère attentive et vénérée dans le Pas-de-Calais accompagnera nos pas et nous apprendra à prononcer le "Qui" qui prélude à l'accomplissement en nous des paroles qui nous sont dites de la part du Seigneur.

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Jean-Paul JAEGER

Évêque d'Arras, Boulogne et Saint-Omer

 

 

2.Sept orientations

trois objectifs,

 

Raviver le désir d'annoncer l'Évangile

 

Nous avons longtemps vécu avec la certitude que la Parole de Dieu se. transmettait de façon quasi automatique. Elle se recevait comme un précieux héritage. Aujourd'hui, nos contemporains, notamment les jeunes, sont de plus en plus nombreux à n'avoir pas été explicitement touchés par l'Évangile, à tout ignorer de la démarche de foi et de la vie en Église. Certes, l'Esprit de Dieu nous précède auprès d'eux. Nous devons découvrir son oeuvre et nous en émerveiller. Ces frères sont appelés à accueillir la Parole du salut, à croire, à être baptisés et sauvés. Au même titre que nous et quelle que soit leur condition, il leur est proposé de devenir des pierres vivantes de l'édifice que Dieu construit et des membres du Corps du Christ.

Nous appartenons à la même société multiforme. Nous en partageons solidairement les lumières et les ombres, les progrès et les échecs, les attentes et les pesanteurs, de manières différentes et selon les conditions d'existence. Tous sont conviés à s'y engager. Nous sommes néanmoins envoyés comme témoins et messagers vers ceux qui ont perdu de vue ou ignorent le salut en Jésus-Christ. Nous ne pouvons pas taire et conserver jalousement les dons de Dieu. Nous avons reçu mission de les diffuser et de les partager, d'y confronter toutes les données de l'existence quotidienne pour qu'elle en reçoive force et lumière, en soit renouvelée et transformée. Ainsi s'ouvrent pour l'humanité des chemins de conversion.

 

Faire place au plus petit et au pauvre

Pour beaucoup de nos contemporains, le train de l'histoire roule trop vite et grille l'arrêt qui leur permettrait d'y prendre place. Des blessures sociales, économiques, familiales, scolaires, psychologiques, affectives et spirituelles interdisent à trop de nos semblables de prendre part à une course qui abandonne vite les plus fragiles et les plus faibles. Notre Église ne se substitue pas aux organismes compétents dans lesquels avec tant d'autres des chrétiens militent. Elle veut toutefois donner des signes tangibles de l'amour d'un Dieu qui n'oublie aucun de ses enfants et marque sa prédilection pour celui dont la valeur est négligée ou bafouée. Elle n'oublie pas que le Christ s'est révélé dans l'extrême abaissement qui l'a

placé au rang des malfaiteurs.

 

 

Rallier des jeunes pour aujourd'hui

Nous ne pouvons pas ignorer le contexte culturel et économique dans lequel les jeunes sont plongés. Sans trahir le message évangélique, son exigence, sa radicalité et la vie en Église qui les signifie et les réalise, notre communauté diocésaine sera particulièrement sensible aux plus jeunes. Elle s'efforcera de répondre aux attentes qui se font jour pour favoriser le dialogue du Père qui vient vers ses enfants en son Fils Jésus-Christ. Dans un monde aux structures mou- vantes, elle les aidera à vivre en frères. Il ne s'agit pas d'attendre demain. Si la jeunesse porte partiellement l'avenir, elle est aussi le présent de l'Église. Elle mérite un regard et une attention privilégiée. Nous les exercerons dans les communautés et dans tous les mouvements et associations qui regroupent plus de jeunes qu'on ne l'imaginequelquefois. Ils constituent une réelle source d'espérance pour les plus démunis parmi eux.

 

Quatre instruments

Créer des cellules chrétiennes locales

L’annonce de l’Évangile ne peut se vivre qu'en grande proximité, notamment auprès des plus petits. Je voudrais faire converger tous les efforts apostoliques vers cette évangélisation au plus près des personnes. De nouvelles initiatives susceptibles d'adapter la proclamation de la Bonne Nouvelle à l'extrême diversité des situations personnelles et collectives s'ajouteront certainement au labeur généreux de tant de mouvements, communautés et groupes. Il faut à la fois continuer et inventer pour que dans les villages, les quartiers, les rues, les immeubles, il soit possible d'entendre l'Évangile, d'en vivre et de se laisser saisir par le Christ. Cette urgence vaut aussi pour les milieux, les conditions, les professions, les organisations et les structures qui marquent la vie en société. 

 

 

Rejoindre des communautés plus larges

Ces cellules ne sont pas en mesure d'assumer la totalité de la vie en Église. Elles sont portées par les communautés paroissiales, les mouvements apostoliques, éducatifs, spirituels e les associations de fidèles. La nécessité a engendré la constitution de nouvelles paroisses. Les communautés que nous avons connues naguère ne peuvent plus valablement assurer la totalité des missions qui leur sont confiées. Avec sagesse, il a été décidé de les élargir. Elles rassemblent plus largement les membres du peuple de Dieu regroupés autour de leurs pasteurs et des laïcs qui sont associés à ces derniers dans l'exercice de leur charge. Elles assument leurs responsabilités habituelles grâce au concours de nombreux fidèles qui reçoivent des ministres ordonnés les trésors de la Parole, des sacrements et de la charité. Ils sont également éclairés et guidés pa la vie religieuse et consacrée. Elles demeurent les lieux privilégiés de la célébration dominicale de l'Eucharistie et de l'ensemble des sacrements. Elles manifestent l'amour de Dieu pour tous ses enfants. Elles en donnent le signe et le vivent concrètement.

 

 

Étendre la formation à tout le peuple de Dieu

Une telle démarche demande des apôtres. L’Église diocésaine doit les susciter, les appeler, les former et les envoyer. Il n'est pas facile de porter la Parole de Dieu dans un pays qui, outre sa culture chrétienne, est marqué par deux siècles d'une forme spécifique de laïcité. Le respect de cette tradition n'interdit en rien l'authentique prédication du message évangélique et le témoignage rendu au Christ. Des fidèles seront conviés et préparés pour animer dans des cellules locales ainsi que dans des équipes cette rencontre avec la Parole divine. Des moyens seront élaborés et mis à la disposition des unités ainsi constituées pour approfondir localement cette annonce, découvrir Dieu Père, Fils et Esprit Saint, mettre en place des instruments de réflexion qui pourront prendre éventuellement la forme de catéchèses pour adultes ou jeunes qui n'en ont jamais suivies. Sans remettre en cause notre dispositif catéchétique il est urgent de le compléter à l'intention de celles et de ceux de tous âges qui, pour des raisons diverses, n'ont jamais été touchés par lui.

 

 

Susciter les vocations indispensables

Tous les fidèles laïcs sont concernés par la vie et la mission de l'Église. Nous ne répéterons jamais assez que chacun est attendu. Il a un rôle unique à jouer. Il est la pierre irremplaçable de l'édifice que Dieu construit par la puissance de l'Esprit Saint. Toutes les vocations sont donc encouragées. Du fidèle qui consacre un peu de temps à des tâches matérielles au permanent qui s'engage dans la durée, chacun est bienvenu, unique et indispensable.

Il faut toutefois redire avec force que l'Église ne peut pas être elle-même sans la réalité du ministère ordonné. Les prêtres commencent à faire cruellement défaut. Sans doute ne faut-il pas fixer uniquement les images du passé. Les modalités de l'exercice du ministère. évoluent nécessairement. Là n'est pas le problème le plus délicat. Nous sommes et serons obligés de recourir parfois et à bon escient aux solutions que prévoit l'Église quand les prêtres viennent à manquer. Avec beaucoup de générosité et une compétence croissante, des laïcs assument en ce domaine des responsabilités majeures. Mieux que d'autres, ils savent ce que signifie l'absence des ministres ordonnés et ils la déplorent.

Je compte sur eux et sur l'ensemble des baptisés pour développer ou retrouver l'audace de prier, d'appeler et de dire aux jeunes le besoin de prêtres et la joie que peut procurer leur réponse. Il est trop tard pour réclamer des prêtres à l'évêque. Il est plus que temps, restant sauf le labeur du Seigneur lui-même, de susciter dans nos familles et nos rangs ceux qui demain seront ordonnés. N'échappons surtout pas à nos responsabilités en disant et laissant croire que l'Église du siècle futur se passera de prêtres.

 

3. Quinze chantiers à ouvrir

Nous ne commençons pas à zéro, tant s'en faut! Je remercie celles et ceux, quels que soient leur statut, leur charge et leur investissement dans l'Église qui travaillent déjà dans les champs apostoliques évoqués ci-dessous. S'il m'a semblé nécessaire de les proposer à nouveau à nos communes investigations, c'est qu'ils ont été évoqués dans les contacts et les entretiens qui ont marqué mes premiers mois de ministère dans le diocèse. Dans bien des cas, il ne s'agira pas tant d'innover que de poursuivre et approfondir.

 

l -Aller vers les hommes pour une plus grande proximité. Réflexion sur l'opportunité de la démarche, les méthodes. Inventaire des possibilités. Sensibilisation au plus près des personnes. Repérage et appel de responsables. Étude d'expériences. Recueil de propositions. Formation. Mise au point de méthodes.

2 -Apprendre à regarder les événements, les situations, les personnes, les structures à la lumière de l'Évangile. Vivre notre histoire et celle des hommes à l'exemple du Christ.

3 -Adresser de nouveaux appels aux mouvements apostoliques en fonction du monde actuel : Action catholique, mouvements éducatifs et spirituels, associations de fidèles et différents groupes relevant de la classification habituelle de l'apostolat des laïcs. Les révisions à opérer et les moyens à déployer dans le contexte actuel.

4 -Former à une authentique charité qui dépasse la démarche humanitaire. La place des fidèles du Christ et de l'Église dans le service du frère.

5 -La coresponsabilité prêtres-Iaïcs. La responsabilité des équipes locales d'animation autour des pasteurs dans les paroisses nouvelles. Formation de leurs membres. Précision des rôles. Comment d'autres instances se mettent-elles au service de cette responsabilité essentielle?

6 -Diversifier les permanents laïcs selon les besoins. Réflexion globale et concertée sur leur

répartition, leurs terrains d'investissement, la durée de leur mandat, les formations lourdes et les nouveaux champs où ils sont attendus. Leur soutien personnel et spirituel.

 

7 -Des structures pour vivre et libérer. Relecture et réécriture éventuelle des différents documents qui déterminent les finalités et en codifient le fonctionnement.

8 -Le ministère presbytéral à tous les âges. Bilan sur le statut des prêtres aînés dans le diocèse. Leurs attentes et celles des communautés, mouvements ou services. Évolutions éventuel- les. À quelles conditions concrètes et par le biais de quelles décisions, le ministère des plus jeunes prêtres sera-t -il fécond, épanouissant et appelant ?

9 -Le diaconat permanent. Insertion des diacres dans un diocèse qui découvre encore la spécificité de leur ministère. Les différentes missions qu'il paraît aujourd'hui opportun de leur confier.

10 -La liturgie. L'eucharistie dominicale, les baptêmes, mariages, enterrements. Comment vivre et mettre en oeuvre l'indispensable responsabilité des différents intervenants et un partenariat bien compris et formé ? Comment procéder quand les ministres ordonnés viennent à manquer?

11 -La formation chrétienne initiale. Les innovations à promouvoir et les recherches à effectuer au bénéfice des adultes et les jeunes qui entament un parcours catéchétique en dehors des années habituelles et programmées. Développement du catéchuménat. L'aide aux néophytes, aux jeunes confirmés.

12- La joie d'appeler. Comment et pourquoi? Initiatives à encourager et à stimuler pour que tous les fidèles du Christ, les prêtres, notamment les plus jeunes, retrouvent le désir d'appeler au ministère ordonné et à la vie consacrée. Comment rendre à tous la responsabilité en un domaine qui ne peut être remis entre les mains de quelques spécialistes ?

13 -Les jeunes. Comment les comprendre, les accueillir? Quels appels leur adresser et comment leur faire place? Quels modes nouveaux d'annonce de l'Évangile sont susceptibles de les ouvrir à la relation avec Dieu ?

14 -Les ressources du diocèse. Que faire ? Comment solliciter les donateurs dans le contexte cultuel et ecclésial de notre époque?

15- Les dépenses. Comment les orienter ou les réorienter? Les économies possibles.