Commémorations
Voici la lettre du soldat Le Denen à son épouse (28 octobre 1915).
Commémorations
Plutôt que de raconter la célébration du 11 novembre, voici la Lettre du soldat Le Denen à son épouse (28 octobre 1915). La miséricorde, que l’abbé Bienaimé a lue au cours de la messe. Ne nous invite-elle pas à l’appliquer aux migrants et à construire la paix aujourd’hui ?
-Commémoration à Laventie.
Chère petite Aimée,
Je suis fort surpris de t’entendre parler comme tu le fais au sujet des Prussiens. Toi qui as du cœur. Certes ils ne sont pas tous bons il y en a qui sont de vrais bandits. Si tu voyais les maisons où ils passent, moi-même, tout en étant habitué, j’en frissonne d’horreur et le cœur me saigne en pensant aux pauvres ouvriers qui ne retrouveront rien de tout ce qui est leur unique avoir. Mais il y a des Français qui sont aussi lâches car ils finissent tout ce qui reste. Ne dis pas ces mauvais Allemands certes ce sont eux qui sont la cause de nos souffrances mais ils sont forcés par les chefs qui les contraignent à le faire. Mais les chefs du pouvoir ennemi, eux, oui, sont maudits par leurs hommes et nous-mêmes. Mais ces pauvres pères de famille, nous en avons fait prisonnier un l’autre jour qui a huit enfants en bas âge, ces adolescents de 17 ans que l’on envoie sur le champ de bataille, ces jeunes maris qui laissent une femme aimée au pays, ceux-là ne doivent pas s’appeler les maudits car ils ont coûté bien des larmes à leurs mères qui ont tant peiné pour les élever et qui ont coûté aussi cher que nous à mettre au monde.
-Monuments aux morts à Neuve Chapelle
D’ailleurs le bon Dieu qui est bon ne les aime-t-il pas tous autant que nous ? Il ne nous a pas créé de race inférieure à l’autre et nous sommes tous aussi chers à son cœur. Aussi si par moments en voyant tout le mal qu’ils font je me révolte publiquement, j’entends aussitôt une voix intérieure qui me dit : « fais le bien pour le mal, sois meilleur qu’eux » et je reprends mes sentiments naturels et je les plains en pensant aux responsabilités qu’ils auront plus tard. Si je fais la guerre, je veux la faire honnêtement et sans ressentiments. Si je me bats, c’est pour ne pas laisser égorger mes frères, pour les aider puisqu’on nous attaque. Je le fais de grand cœur et le plus simplement du monde cherchant à m’effacer le plus possible sans D’ailleurs jamais me dérober à aucune difficulté. mes chefs ont dû le remarquer, c’est pour cela qu’ils m’ont choisi pour les misions excessivement graves et ont l’air d’avoir une certaine confiance en moi, j’en suis touché, mais n’en tire aucune vanité puisque c’est mon devoir. Ne hais pas les Boches, prie pour eux.
Soldat Denen
Extrait du journal "Regard en Marche" de janvier 2017, n°236