Homélie de Mgr Olivier Leborgne lors du dimanche de la Pentecote - 23 mai 2021

Cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Vaast d'Arras

Messe Pentecote 23 mai 2021 - Arras Messe Pentecote 23 mai 2021 - Arras  © JE CzapnickLa semaine que nous venons de vivre a été marquée par quelque chose qui ressemble à une nouvelle fraicheur, un nouvel espoir. Même s’il pleuvait mercredi, certains ont tenu absolument à aller boire un verre en terrasse pour trinquer à l’avenir retrouvé. De quoi serat-il fait ? Bien malin qui pourra le dire. Mais à nouveau nous pouvons sortir d’une certaine sidération ou apathie pour retrouver nos relations et envisager l’avenir.

Nous avons été dépouillés par ces derniers mois, et cela n’a rien eu de romantique. Cela nous a couté. Parfois même abimé. Ma question en cette fête de Pentecôte est la suivante : qu’allons nous faire de ce dépouillement ? Nous pouvons le remplir le plus rapidement possible de ce que faisions avant. Et pourquoi pas ?

 

Cependant, nous avons trop souffert de cette pandémie et de ses conséquences qui n’ont pas fini de nous déstabiliser pour ne pas profiter de l’opportunité qui nous est proposée : ne reprends pas trop vite la main sur ton dépouillement, invoque l’Esprit pour qu’il vienne te recréer.

 

« L’Esprit vous conduira vers la vérité tout entière » nous disait Jésus il y a quelques instants. La vérité n’est pas d’abord une doctrine ou un système de connaissance que nous pourrions assimiler, la vérité c’est quelqu’un, Jésus lui-même. L’œuvre de l’Esprit c’est de nous conduire à Jésus, de nous ouvrir à lui. Il n’y a pas là quelques boniments pour consacrés saints et émouvants mais appel pour tous ceux, sans exception, qui ont reçu le baptême. « Lui [l’Esprit Saint]me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaitre. Tout ce que le Père possède est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » Ces paroles de Jésus sont extrêmement denses. Permettez-moi de vous partager un peu de ce que j’en comprends :

  • Jésus trouve sa gloire en ce que l’Esprit nous partage ce qui vient de lui, c’est-à-dire ce qu’il est lui-même. La gloire de Jésus, sa joie et sa plénitude si je peux parler ainsi, c’est de nous faire vivre, par le don de l’Esprit, du mystère pascal, de sa résurrection, de la vie divine.
  • Car ce qui est à lui, c’est tout ce que le Père possède. Le Père est éternelle donation dans le Fils qui est éternelle réception. Ce que le Fils veut nous partager c’est la plénitude de la vie trinitaire. Je sais bien que les mots sont trop petits et notre intelligence incapable d’entrer dans l’inouï absolu de ces mots de Jésus. Pourtant, ne tergiversons pas et ne nous replions jamais, sous prétexte qu’il y a là quelque chose qui nous dépasse complètement, dans la médiocrité.
     

L’Esprit de Pentecôte nous révèle l’incroyable audace de Jésus et du Père pour nous. Nous avons trop rabattu l’Evangile à une morale, où à une tradition aussi belle et importante soit-elle. Nous avons trop voulu enfermer Dieu dans le religieusement correct, ce qui nous parait devoir correspondre à Dieu et à la manière dont Dieu devrait agir dans le monde pour correspondre à sa dignité. Une certaine théologie s’y est sans doute laisser enfermer.

 

La sortie de pandémie recèle pour nous une opportunité toute spéciale : ce dont nous avons été vidé, ne pas vouloir le remplir trop vite mais invoquer l’Esprit pour nous laisser recréer par le Père.

 

« Frères, je vous le dis, marchez sous la conduite de l’Esprit Saint », déclarait saint Paul il y a quelques instants. Je me demande ce que cela peut vouloir dire précisément. Mais qu’importe. Il nous faut encore et encore l’invoquer. Permettez-moi de vous redonner cette prière du Pasteur Duplessis que je vous donnais lors de mon installation comme évêque d’Arras il y a 6 mois, une prière à dire chaque matin au réveil : « Bonjour Esprit Saint, je t’aime Esprit Saint, que tout se passe pour moi aujourd’hui selon ta volonté. »

 

Il est vrai que cette prière est risquée. Parce qu’elle est efficace. Elle nous ouvre à l’Esprit Saint qui nous insère de la relation de Jésus à son Père et nous recrée. Et cela peut nous donner de revisiter beaucoup de choses. Non seulement notre vie familiale et nos relations, mais aussi nos vies professionnelles. Il est clair que l’Esprit de vérité nous obligera à sortir de nos petits arrangements entre amis ou avec notre conscience – qui sont à la source de toute culture de l’abus -, il est clair que l’Esprit pourrait conduire à l’audace de l’objection de conscience, au risque de sa réputation voir même de son activité professionnelle, mais il est encore plus clair que Jésus est sauveur et qu’il veut la vraie vie pour nous. Et que, quels que soient les risques – mais depuis quand rêve-t-on d’un christianisme qui nous mènerait sur un autre chemin que celui dont nous prétendons vouloir être les disciples, à savoir le chemin de la Croix, - le Seigneur est fidèle. Nous pouvons rester dans la médiocrité mondaine et ses appâts, ou oser L’Esprit qui est la vie. « Puisque l’Esprit est notre vie, laissez-vous conduire par l’Esprit » disait Saint Paul.

 

Frères et sœurs, l’enjeu est capital pour notre diocèse. Certains me font part de leur désarroi : le christianisme que nous avons connu n’est plus. La transmission de la foi aux plus jeunes générations est une inquiétude forte pour beaucoup d’entre vous. Ne nous replions pas en cherchant l’officine qui pourrait nous préserver de ce monde, cela ne mènera à rien. Comme je comprends ce désarroi tant des grands parents que de certaines familles. Invoquons encore et encore l’Esprit. Qu’il vienne, lui et lui seul, remplir ce dont nous avons été dépouillés. Il y a une opportunité unique pour le diocèse.

 

Dans le récit des Actes, je notais la double action de l’Esprit Saint : d’une part il donne à chacun de s’exprimer selon le don de Dieu. Comme évêque, je demande au Seigneur une nouvelle Pentecôte pour notre diocèse. Je sais que notre organisation actuelle ne tiendra pas. Je crois même que l’Esprit veut mettre un coup de pieds dedans. Mais il ne le fera qu’en donnant à chacun de s’exprimer selon le don de Dieu. Chers frères et sœurs, j’ai absolument besoin de vous. Que vous meniez votre vie sous la conduite de l’Esprit. Je ne pourrai rien faire si chacun de vous ne commence par laisser l’Esprit Saint conduire sa vie.

 

D’autre part, l’action de l’Esprit fait que chacun entend parler des merveilles de Dieu dans sa propre langue. Entendez bien, l’Esprit saint ne rend pas polyglotte, c’est tout autre chose : il donne à chacun de s’exprimer selon le don de Dieu pour que tous entendent dans leur langue, c’est-à-dire au plus intime d’eux-mêmes, dans ce qu’il y a de plus singulier et personnel de leur histoire, dans ce qu’ils ont d’absolument unique, chanter les merveilles de Dieu. Parce que Dieu fait merveille. Et pas d’une manière générale, mais d’une manière unique pour chacun qui correspond à ce qu’il est en profondeur et à ce dont il a besoin.

 

Viens Esprit Saint. Pour que tous les baptisés puissent s’exprimer selon le don de Dieu – condition indispensable du renouveau de ton Eglise et de la mission – donne à chacun d’entendre ce matin, là, tout de suite, chanter les merveilles de Dieu dans sa propre langue. Je t’en supplie.

 

Je t’aime Esprit Saint. Viens Esprit Saint. Que tout se passe pour moi, pour nous, pour notre diocèse selon ta volonté.

 

+ Olivier Leborgne