La messe des moissons
Des Producteurs de pommes de terre témoignent.
Ce Dimanche 28 Aout avait lieu dans la paroisse « la messe des moissons » . Cette Eucharistie célébrée en plein air veut nous rendre attentif à ce qui se vit dans le monde agricole. L’an dernier nous avions mis en valeur la vie des hommes et la production du lait, cette année nous avions choisi de donner la parole à ceux qui travaillent à la production de la pomme de terre.
Voici quelques témoignages
EDOUARD
« Technicien dans une société commercialisant du plant de pomme de terre, j’ai en charge le suivi des productions chez les agriculteurs.
Mon métier m’amène à rencontrer des personnes de régions très différentes (de la Marne à la Normandie en passant par l’Eure et l’Oise et bien sur le Pd-Calais). Ces échanges sont riches en enseignements, au fil des visites l’accueil se fait de plus en plus chaleureux et malgré les discussions commerciales les portes des cuisines s’ouvrent et c’est devant un café que les relations de confiance se tissent. Leur métier d’agriculteur les contraint à mêler vie privée et vie professionnelle. Comme je le disais à l’instant, je connais leur lieu de vie, leurs épouses, leurs enfants et leurs parents dont l’ombre est encore souvent présente dans les cours de ferme : c’est là que l’on apprend à connaître les Hommes avec qui l’on travaille au quotidien, c’est là que des relations sincères se créent. Tributaire de la météo, de l’arrivée des camions et des départs des bateaux, il est difficile de tout programmer avec exactitude. En permanence nous devons trouver des arrangements, chacun essayant de faire de son mieux pour aider l’autre, et de trouver, ensemble, des solutions satisfaisant tout le monde.
Ces agriculteurs sont bien évidement des chefs d’entreprise, et leur souhait reste de faire prospérer leurs activités, d’améliorer leurs conditions de travail et celles de leurs salariés. C’est donc soucieux de participer à leur développement que j’essaie de choisir les productions à leur proposer. Et quelle satisfaction de voir en dix années les changements opérés et les évolutions chez « mes » agriculteurs. Encore une fois la réussite, commune, passe par la connaissance des Hommes et de leurs outils de production pour mettre en lien nos attentes et les leurs, avec l’objectif de réussir dans les meilleures conditions possibles.
Malgré la volonté sincère de faire vivre les liens entre les Hommes et de les aider dans leur développement économique et donc personnel, il y a des défaites… Certains ne souhaitent qu’une relation strictement financière : les rapports étant donc fades et sans saveur les échanges présentent peu de plaisirs. D’autres, malgré le soutien, ont des difficultés à maintenir le cap et sont vite dépassés… Difficile de constater ces échecs en ayant déjà essayé de trouver des solutions !
Enfin, mon métier c’est de faire produire pour acheter et revendre… la finalité est évidement le gain d’argent chose normale pour un entreprise… Mais cet objectif, pécunier, peut être réalisé en travaillant avec sincérité et humanité avec ses interlocuteurs. Je pense que ce sont ces valeurs qui donnent un sens au quotidien. »
SYLVIE
Depuis maintenant 2 ans, je travaille pour une société Belge, un négociant en PDT, coté Flamand… petit détail qui a son importance … puisque je ne parle pas Flamand !
Moi qui aimais tant les langues étrangères, les cultures différentes de la mienne et aller vers les gens d’autres horizons… en bref : établir un échange, une communication avec quelqu’un de différent, j’avoue que cette fois ci, je reste un peu perplexe ! Est ce mon âge qui avance qui fait que je m’adapte moins bien ? Je ne sais pas…
Toujours est il que l’immersion totale est un peu difficile, je reste imperméable à cette langue et les échanges sont parfois plus difficiles que je ne me l’imaginais.
Mais malgré tout, cette société me permet d’exporter partout dans le monde et de rêver un peu, du bord de mon ordinateur. Toutes les communications se font par internet et par cette magie, on a la réponse du client dans les minutes qui suivent. Les milliers de kilomètres qui nous séparent ne semblent plus être un problème.
Vos pommes de terre Messieurs et Mesdames, les PDT du Nord, partent parfois en containers vers l’Afrique, le Moyen Orient, l’Asie, la Russie… Au début surprise, je suis heureuse de m’habituer peu à peu à l’accent Sénégalais ou de la Côte d’Ivoire.
Pas experte en géographie, j’apprends tous les jours… « Pouvez vous me livrer un container de PDT à Conakry ?? » çà se trouve où çà Conakry ?? … en Guinée ! on apprend alors que les gens déchargent tout à la main là-bas. Pas de Fenwick ni même de transpalette ; que vos PDT, Oignons ou Carottes sont vendus sur les petits marchés locaux, en plein soleil.
Mon plus lointain client se trouve aux Caraïbes… c’est le seul client pour lequel j’espère un problème à l’arrivée pour y aller… mais non, il est toujours content des PDT !
Pour finir, un petit mot sur le marché maintenant :
Début juillet, on annonçait un manque de PDT, un manque de rendement à cause de la sécheresse et des vitreuses en perspective…
Aujourd’hui, après toutes ces pluies, les arrachages ont repris normalement, les conditions météorologiques sont idéales pour faire pousser et la prédiction de catastrophe annoncée il y a quelques semaines fait maintenant partie du passé.
Il y aura bel et bien une récolte, pas autant que l’année passée certainement, mais il y aura une récolte ! La question maintenant sera de trouver le bon prix !!
LUCIEN
« Quand Hubert nous a demandé de parler de PDT, à l’occasion de la messe des Moissons, nous nous sommes bien demandés ce que nous allions raconter. Je n’allais quand même pas faire un bilan de campagne lors d’une célébration…
La PDT est pour moi avant tout LE légume qui a permis de supprimer la famine dans notre pays au Moyen Age et je pense qu’avec un peu de recherche et de développement, elle pourrait encore jouer ce rôle dans les pays où les populations ne mangent pas à leur faim.
En France, et en particulier dans notre région, cette culture permet de faire vivre de nombreuses exploitations. Plus près, dans notre Cuma, elle a permis la création d’un groupe de travail en commun pour l’arrachage et la plantation. Ce groupe est aujourd’hui un moteur important pour notre communauté de travail.
Lorsque je parle PDT dans mon métier, c’est souvent pour discuter du mildiou. N’oublions pas que cette maladie fut responsable d’une terrible famine au 19ème siècle en Irlande, avec plus d’un million de morts. Je travaille essentiellement pour trouver ou tester des nouvelles méthodes de lutte, connaître de nouvelles variétés, plus tolérantes aux maladies ou moins gourmandes en eau. Je teste aussi de nouvelles molécules, plus respectueuses de l’environnement.
L’année 2010 a été particulièrement défavorable aux maladies et ravageurs ; seuls quelques pucerons nous ont çà et là embêtés. Revers de la médaille : pour les irrigants, le travail fût ardu.
La récolte sera sans doute un peu moins abondante que les autres années mais qu’importe, elle permettra encore de nous faire vivre cette année.
Cette culture est aussi souvent une production de passionnés et que demander de plus lorsque l’on peut travailler une culture qui nous passionne ?
Alors : « gardons la frite et bonne récolte à tous » !!
« Je suis agriculteur, producteur de pommes de terre en GAEC « groupement agricole d'exploitation en commun» et travaillant en CUMA « coopérative d'utilisation de matériel en commun»
Nous sommes pour l'instant 6 à produire des pommes de terre ensemble, le groupe est toujours ouvert vers l'extérieur. Quand un nouvel adhérant frappe à la porte ,nous cherchons toujours une solution pour qu'il puisse adhérer au groupe:
Soit en achetant du matériel plus performant
Soit en optimisant l' organisation du travail des hommes On peut s'apercevoir que plus le groupe est important en hommes et plus les possibilités de se faire remplacer sont importantes en cas de coup durs : maladie, accident, voir décès.
Le groupe peut faire face. Aujourd’hui certains agriculteurs de la Cuma, non adhérents au groupe pommes de terre, ont fait le choix de passer en agriculture biologique avec des petites surfaces, Ie problème de l'investissement onéreux en matériel ne se pose pas, ils paieront le même prix que les anciens adhérents .
Dans la Cuma je suis responsable des plantations et des arrachages, au début nous éions trois adhérents, le travail me prenait beaucoup de temps surtout en période d'arrachage : Pas simple de gérer entre famille, GAEC, vaches laitières…. Aujourd'hui Ie groupe est passé à 6 et bientôt à 8 adhérents.
C'est pourquoi en 2009 nous avons fait le choix d'un salarié chauffeur et mécano, pour me soulager et pour entretenir le parc matériel .La vie de groupe est obligatoire si nous voulons nous en sortir économiquement sur nos petites exploitations du Nord de la France. Le plus difficile dans un groupe c'est l'homme, avec ses idées, ses incompréhensions et ses modes de fonctionnement. et pourtant c'est ce qu'il y a de mieux! «