Dimanche de la santé

Le témoingnage d'un médecin généraliste au cours de la messe à Laventie

 Témoignage d'UN MEDECIN GENERALISTE...

Sr Claire-Yolaine Schmeltz Dimanche de la sante  
Sr Claire-Yolaine Schmeltz
Sr Claire-Yolaine Schmeltz

 

 

Je souhaite tout d’abord dire le plaisir et la joie que j’ai à me retrouver dans cette Eglise qui m’a vu grandir.

Merci à la Communauté Paroissiale Sainte Marie en Alloeu de m’accueillir.

 

Mon témoignage est modeste. C’est celui d’un Praticien de terrain, d’un Médecin Généraliste de campagne qui tente de ne pas négliger la dimension humaine, avec, au cœur de la médecine, la relation médecin-malade pour tendre vers une médecine humaniste qui ne néglige ni le Corps, ni l’Esprit.

 

C’est classiquement en fonction d’une vocation que se décide l’entrée en médecine. Ça n’a pas été le cas pour moi. Je voulais être professeur de mathématiques. Je me suis inscrit à la Faculté sur les conseils d’amis du lycée, qui, eux, n’imaginaient pas un autre choix pour moi. Je pense qu’ils me connaissaient bien.  C’est ensuite, le contact avec l’hôpital, la rencontre avec le malade, qui ont forgé ma vocation.

Je ne peux donc pas dire que ma foi ait guidé ma décision au départ.

 

A plusieurs étapes, il a fallu faire des choix : j’étais très attiré par la pédiatrie, parce que cette spécialité demande un fort engagement dans la relation humaine. Il faut rester « vrai » avec un enfant. Il est impossible de lui raconter des histoires quand il est malade.

 

Et puis, je me suis marié, ici, dans cette Eglise. Je n’ai plus souhaité préparer ni passer le concours de l’Internat, et je suis devenu Médecin Généraliste. A aucun moment je ne l’ai regretté : j’ai très largement mon compte de prise en charge d’enfants...

Médecin de campagne, je me suis installé en 1997, et j’ai ouvert mon cabinet le jour de mes 33 ans. Mon premier patient fût le grand-père de mon épouse.

Depuis le temps a passé très vite. Trop vite ! Mes filles, Clémence et Justine, grandissent, trop souvent sans moi :

-          Souvenir, toujours douloureux, d’une kermesse d’école loupée, arrivée juste à la fin de la danse : j’étais occupé, un samedi après-midi, avec un patient difficile.

-          Soirées et parfois week-ends consacrés à la formation médicale continue, ou, aux tâches administratives de plus en plus nombreuses. De toute façon : tu n’es jamais là !

 

Mais, j’aime être Médecin de Famille. Cette expression semble tellement désuète de nos jours.  J’aimerais être un Bon Samaritain. La parabole (évangélique) explique bien les sentiments et la réponse d’une personne confrontée à un autre être humain qui souffre et qui est dans le besoin. Un Bon Samaritain est quelqu’un qui s’arrête pour répondre aux besoins de tous ceux qui souffrent.                                                       

                                                                       

Evidemment, il y a des moments difficiles :

-          Avoir à prendre des décisions importantes, immédiatement, et, exerçant seul, sans avoir la possibilité, trop souvent, de prendre l’avis d’un confrère avant d’agir.

-          Annoncer une affection grave, sérieuse, très importante, comme une démence, une pathologie tumorale, un cancer avec peut-être un pronostic vital engagé à plus ou moins long terme.

-          Répondre à des questions précises sur l’évolution possible d’une maladie, en essayant de trouver les mots justes ou les bonnes réponses, la Médecine n’étant pas une science exacte.

-          Redonner, pour la énième fois, les conseils d’hygiène de vie à un patient diabétique, ou en surcharge pondérale manifeste, parce qu’il va à la catastrophe, et qu’il écoute à peine.

-          Voir que la boîte de masques est pleine à la porte de la salle d’attente, alors que la grippe sévit et que tout le monde tousse. Il ne faudrait surtout pas être ridicule.

-          Savoir ne pas juger, lorsqu’à l’évidence une famille est particulièrement désagréable, ou lorsque la pathologie d’un enfant est directement liée au comportement des parents. La révolte est tentante en cas d’alcoolisme fœtal, de tabagisme passif, ou de toute autres sévices.

 

Aussi, il y a la prise en charge des proches : la famille, les amis. Il faut réussir à garder le recul nécessaire, la juste distance affective pour pouvoir rester professionnel en faisant abstraction des sentiments :

-Annoncer à son père que le chirurgien refuse de le prendre en charge, et lui dire, droit dans les yeux : « Ne t’inquiète pas, ça va aller », en sachant pertinemment que ce n’est pas vrai, mais qu’il n’est pas prêt pour l’entendre.

-Réussir à convaincre son beau-père de se faire opérer, et être complètement impuissant devant une complication irrémédiable.

-Hospitaliser, en catastrophe, en milieu spécialisé, une amie de longue date, un samedi après-midi, parce que, malheureusement, il n’y a aucune autre alternative, que toutes les possibilités éventuelles ont déjà été utilisées, que la famille est épuisée, et qu’il faut absolument une solution pour le lundi matin.

Alors, dans ces moments-là, la Prière a toute sa place dans la démarche thérapeutique. Elle devient, pour moi, essentielle. 

 Et puis, fort heureusement, il y a des petits instants de satisfaction, voire, parfois, de grand bonheur.

- Un serrement de main appuyé qui réconforte un malade souffrant ; un échange, par le toucher, avec un patient comateux, qui va provoquer une mimique ou une réaction motrice exprimant à son entourage que l’on considère son parent non comme une plante verte, mais comme un être humain digne de reconnaissance et d’amour.

- Le sourire, parfois les éclats de rire, d’un enfant terrorisé en arrivant, qu’on a rassuré avant de l’examiner, et qui vous embrasse, chaleureusement, en quittant le cabinet. 

- Cette dame qui se désespérait de ne pas être mère, et qui s’épanouit à la Vie à la naissance de sa fille, tellement attendue.

- Cet adolescent et sa famille à qui il avait été annoncé une très grave affection tumorale il y a quelques années. Les équipes soignantes, à l’époque, étaient très pessimistes. Il est considéré comme guéri.

 

Alors, dans ces moments-là, je ne peux m’empêcher de repenser à ce que nous disait régulièrement Monsieur l’Abbé  Gérard Dessein : Dieu est Bon. Il nous aime et il est avec nous.