Ordination diaconale de David Godefroit
Homélie
Lectures: Actes 1, 12-14; 1ère Saint Pierre 4, 13-16; Jean 17, 1b – 11a
Imposition des mains et prière à l'Esprit La page d’Evangile qui vient d’être proclamée revêt un double caractère. Elle a, d’une part, des accents pathétiques. Elle nous plonge, d’autre part, au cœur même du mystère de Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu.
Le maître qui vient de laver les pieds de ses disciples sait qu’il marche vers sa mort. Les paroles qu’Il prononce résonnent comme un testament. Elles adressent d’ultimes recommandations. Les apôtres assumeront une responsabilité dont tout dans leur histoire atteste qu’elle les dépasse et qu’elle se heurtera à leurs faiblesses, leurs doutes, leurs intérêts.
Pourtant le Christ ne renie en rien l’appel qu’il a un jour adressé à ses disciples. Il remet en quelque sorte son œuvre entre les mains d’hommes limités et fragiles. N’a-t-il pas annoncé le tout proche reniement de Pierre ? Jésus serait-il naïf, inconscient, désabusé ?
Cette confiance presque aveugle s’explique par l’autre visage de ce passage de l’Evangile selon Saint Jean. Il constitue, en fait, une merveilleuse lettre d’amour. Oui, Jésus va mourir, mais il retourne près de son Père.
Par amour, il est venu chez les hommes, il s’est fait homme. Il a rempli la mission confiée par le Père. Il va l’accomplir dans sa mort sa résurrection. Il sait qu’une fois, encore, quels que soient les circonstances et les chemins douloureux empruntés, Il recevra tout de son Père. Il sera totalement Lui-même dans l’Amour de son Père.
Plus encore, Jésus ne doute pas un seul instant que l’Amour que le Père éprouve pour son Fils sera étendu à tous ceux qui ont cru à sa Parole et l’ont suivi : « … Ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai données les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d’auprès de toi, et ils ont cru que c’était toi qui m’avais envoyé. »
Beaucoup mieux que par une définition théorique et abstraite, Jésus avant de marcher vers sa passion révèle l’identité chrétienne, notre identité : « La Vie Eternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » La vie éternelle, ce n’est pas seulement le dépassement des limites du temps, leur abolition, mais la plénitude déjà offerte d’une intimité profonde et constante avec le Père qui aime, dans le Fils en qui l’Amour blessé est guéri et restauré, par l’Esprit d’amour qui nous saisit et nous habite.
Cet amour passe par la souffrance parce qu’il bouscule les calculs de l’égoïsme, le triomphe de l’individualisme, la démangeaison du pouvoir, l’appât du gain, le nombrilisme des cultures, les complexes de supériorité, l’impérialisme du plaisir, les querelles religieuses
Peu de temps après le retour de Jésus à son Père, l’apôtre Pierre invite déjà les premiers Chrétiens à communier aux souffrances du Christ et à s’en réjouir. Il ne fait nullement l’apologie du masochisme. Il indique le chemin qu’il faut emprunter pour que se manifestent la réussite parfaite et le plein épanouissement de l’homme, il indique, en un mot qui nous est moins familier sa gloire.
Passer par la souffrance. Nous comprenons mieux pourquoi après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, les apôtres se tiennent à l’écart, à l’étage de la maison. Ils ont besoin d’une force qui leur fait encore défaut. Il est nécessaire que la réalisation d’une promesse, un signe, un don viennent réaliser en eux ce que Jésus a promis et annoncé.
Toute la suite du livre des Actes des Apôtres affirme qu’il faudra surmonter des peurs, des incertitudes, des humiliations, des vexations des coups, des emprisonnements, il faudra même compter les morts pour que le Christ soit annoncé, accueilli et reconnu comme source vie éternelle pour tout homme !
Cet après-midi encore, nous sommes réunis d’un seul cœur, dans la prière avec Marie, Mère de Jésus, et une multitude de ses frères. Nous attendons la venue de l’Esprit Saint. Nous le faisons avec toute l’Eglise qui laissera renouveler en elle, lors de la fête de la Pentecôte, la puissance de l’Esprit Saint. Nous l’attendons aussi parce ans quelques instants, par l’imposition des mains de son évêque et le don de l’Esprit Saint, David sera ordonné diacre.
Priant pour ses apôtres, Jésus dit à son Père : « J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. » David, de façon particulière, tu seras désormais donné à Jésus. Dans ton être, tes engagements, ton ministère qui seront souvent sujets d’incompréhension autour de toi, tu seras donné au Christ et uni à son œuvre de rédemption, de miséricorde, de pardon, de service, de liberté. Etre donné au Christ, c’est indissociablement être donné à Dieu, à tes frères humains dans l’Eglise et dans l’humanité.
Une analyse rapide et trop humaine veut qu’être donné à Dieu, au Christ, à l’Eglise signifie immédiatement être arraché à la famille humaine, à ses réussites, à ses réalisations, à ses recherches, à ses échecs. David, tu auras souvent à faire comprendre et découvrir que dans la foi, être donné à Dieu, au Christ appelle immédiatement à la plus grande proximité avec la famille humaine. C’est bien pour cela que Jésus s’est fait homme et qu’il s’est abaissé jusqu’à l’extrême dénuement, rejoignant l’être humain dans ce qu’il avoir de plus pauvre, de plus dégradé, de plus méprisé.
L’apôtre du Christ, le ministre du Christ s’éloignent du monde de la possession et de l’appropriation. C’est à ce même monde, pas un autre, qu’il ouvre par la prière, la Bonne Nouvelle de l’Evangile, l’Eucharistie, le don et le service les chemins d’une vie nourrie de l’Amour fou de Dieu, Amour qui donnent à la paternité et à la fraternité tout le sens et leur avenir.
Le ministère des diacres exprime magnifiquement l’extrême et totale proximité du Fils Dieu, absolument uni à son Père et pourtant tout donné à se frères. Il est grand parce qu’il s’est fait petit. Il règne parce qu’il est devenu serviteur.
Chers amis, vous entourerez David, vous l’accompagnerez. Ne vous contentez pas de l’admirer et de l’encourager. Son ministère n’est pas une denrée rare à consommer sans modération.
L’ordination d’un diacre rappelle à l’Eglise dans le Pas-de-Calais que tous ses membres sont invités à vivre de l’Evangile, de la prière, de l’Eucharistie et du service. Elle nous aide à mettre ensemble en œuvre notre projet diocésain d’évangélisation et de catéchèse. Les ministres ordonnés, notamment les diacres, sont indispensables à l’édification de l’Eglise. Ils n’en épuisent pas la mission, tant s’en faut.
Un diacre de plus, ce n’est pas le confort assuré pour des fidèles heureux de pouvoir se reposer sur une autorité qualifiée et compétente, c’est le surgissement et l’envoi de nouveaux disciples, fidèles laïcs heureux et joyeux d’être soutenus, nourris et guidés pour témoigner du Christ, source de vie nouvelle et éternelle dans toutes les réalités de la vie, à tous les âges, en toutes circonstances.
Le diaconat nous révèle davantage le visage du Christ serviteur. On sait la prédilection que Jésus accorde aux plus petits, à celles et à ceux que la Loi rejette et écarte sous prétexte qu’un handicap physique ou social étale au grand jour un péché caché.
Le plus faible mérite bien évidemment attention et justice. Pour nous Chrétiens, il révèle aussi et de façon explicite le Christ souffrant et défiguré. Nous ne pouvons pas l’oublier à quelques kilomètres d’Amettes d’où partit de chez nous un apôtre des pauvres. Nous ne pouvons pas l’oublier à quelques kilomètres de Norrent-Fontes où des hommes et des femmes, des jeunes et des enfants font halte sur la route de l’espérance et de la dignité. Nous pourrions certainement allonger cette liste des oublis impossibles.
Oui, l’ordination de David donne un crédit actuel à la Parole de Jésus : « Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde. » La Parole de Dieu s’accomplit ici et maintenant !
Mgr Jaeger