40 ans après Humanae vitae

Dominique Fontaine, vicaire général de la Mission de France analyse

dominique fontaine dominique fontaine    Il y a quarante ans, juste après mai 68, le Pape Paul VI publiait l’encyclique Humanae vitae (25 juillet 1968).  
À cette occasion, j’ai interrogé des couples membres de la Communauté Mission de France. Il m’a semblé que c’était plus à eux d’en parler qu’à un célibataire comme moi…
Certains m’ont dit qu’ils n’avaient jamais tenu compte de cette encyclique. D’autres qu’ils avaient eu des cas de conscience, mais que la méthode des températures, dite naturelle, était si compliquée et si artificielle qu’ils l’avaient abandonnée. Des médecins m’ont dit combien l’obsession de « l’amour à dates fixes » avait déstabilisé des couples. D’autres, plus âgés, m’ont raconté que beaucoup de leurs amis avaient quitté l’Église catholique sur la pointe des pieds, suite à cette encyclique.  
Mgr Gilson, évêque émérite de la Mission de France, a écrit à propos d’ « Humanae vitae » : « L’Eglise donne l’impression de s’être fourvoyée dans des problèmes de comportement et une philosophie de la nature qui enferme les personnes dans la loi. Une distance s’est opérée entre la règle éthique donnée par l’Église et les comportements des couples. Pour moi, c’est un drame. » (1)
Quand on relit l’histoire, on découvre que le texte de l’encyclique est en contradiction avec les conclusions des commissions créées par le pape et qui avaient travaillé pendant trois ans. Composées de cardinaux, de théologiens, de couples et de médecins, elles avaient très majoritairement demandé au pape de laisser les personnes décider en couple leurs moyens de contraception de façon responsable. Paul VI n’a pas tenu compte de l’avis de ces commissions. Pourtant il avait dit des paroles fortes et pertinentes sur l’amour, le respect et la responsabilité dans les couples.
On a constaté une rupture dans la réception de l’encyclique par les catholiques jusqu’à aujourd’hui. Mais paradoxalement, cela a révélé aussi l’émergence d’une liberté de conscience réfléchie et avertie chez les couples catholiques.  
Ceux que je connais me disent combien la vie de couple, malgré les difficultés, est source de joie extraordinaire, combien l’étreinte sexuelle, dans le respect et le don mutuel, est essentielle pour le progrès de leur couple, y compris au plan spirituel.  
Une plus grande confiance des responsables de notre Église vis-à-vis des couples aiderait ceux qui aujourd’hui cherchent des moyens de contraception plus respectueux de la vie et de l’évolution de leur couple. 
Dominique Fontaine
vicaire général de la Mission de France

(1) Mgr Georges Gilson, Mon pain quotidien, Bayard, 2002, p. 110-111.

(2) lire le texte de Paul VI 

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Pour le Journal La Croix, Isabelle Gaulmyn publie dans son blog:

Humanae Vitae, signe de contradiction?

Les quarante ans de l’encyclique Humanae vitae ne sont passées inaperçues ni en France (voir le dossier de La Croix ce vendredi) ni à Rome. Un intéressant éditorial du Directeur de la rédaction de l’Osservatore Romano, l’historien Gian Maria Vian, vient aujourd’hui rappeler toute la crise qui a suivi la publication du texte. L’encyclique, écrit-il, a, dès parution, soulevé « une opposition sans précédent à l’intérieur même de l’Eglise catholique ». Le journal du Vatican reconnaît ainsi que, en prenant la décision de condamner les moyens de contraception, Paul VI est même allé contre l’avis d’un certain nombre de cardinaux, réunis au sein d’une commission pontificale, qui, elle, avait préconisé l’inverse.
« Rarement un texte de l’histoire récente du Magistère est devenu à ce point signe de contradiction comme cette encyclique, que Paul VI a écrit à partir d’une décision qui fut pour lui profondément douloureuse » notait en 1995 le cardinal Ratzinger…Contradiction portée, donc, jusque dans les plus hauts rangs de l’Eglise. Certains voient là la marque propre du "prophétisme" de Humanae vitae, qui le premier, a souligné tous les risques d’une conception séparant totalement procréation et sexualité. Mais cette « contradiction », au-delà du contenu du texte lui-même, ne fut pas sans conséquence sur le ministère du pape et la manière dont les catholiques peuvent le recevoir aujourd'hui. Le cardinal Roger Etchegaray, dans ses mémoires, parle ainsi du « premier schisme après le concile », un schisme « silencieux, mais qui a fragilisé partout l’autorité du magistère ».
Isabelle de Gaulmyn