Du Mardi 04 août au Samedi 31 oct


 Egalité

 

J’écris comme les choses me viennent, sous le coup de l’émotion.
Je reviens du cimetière. Une personne vient d’être mise en terre. Mise en terre… Sans caveau, sans rien. Demain, sa tombe ressemblera à un petit monticule sur lequel pousseront des mauvaises herbes, comme les trois autres tombes voisines. On vient de mettre un homme en terre, parce que la famille n’avait pas les moyens de payer une sépulture.
Je n’en veux pas aux pompes funèbres. Les employés ont fait leur travail avec beaucoup d’humanité. Ce n’était d’ailleurs pas simple pour eux d’ajuster leur planning, puisque les autorisations d’inhumer ont tardé. Je n’en veux d’ailleurs à personne de particulier, mais plutôt à un système qui me semble profondément injuste.
L’Etat  a le devoir d’honorer ses citoyens. Tout homme a le droit au respect. Je suis en colère quand une famille, parce qu’elle est pauvre, doit enterrer l’un des siens sans un minimum de considération.
Merci aux personnes qui ont animé un temps de célébration au cimetière. La famille croyante n’a pas pu venir à l’église parce que cela coûtait plus cher. Non pas que l’église réclamait de l’argent (la cérémonie aurait été gratuite, bien évidemment), mais il aurait fallu payer un transport de corps supplémentaire. Je rage !
Je rage aussi quand j’entends qu’ailleurs, une famille sans ressource, ait dû transporter elle-même le cercueil de leur jeune enfant. Ici, quel scandale, l’autorisation a été donnée pour véhiculer le corps ! Et quel scandale plus grand encore, quand on apprend que la famille demande aux voisins des pelles pour creuser la tombe. Parce que les services municipaux ne pouvaient pas le faire !
J’hurle devant l’injustice. Qu’elle est cette société où l’on ne se soucie que des riches ? Quelle est cette humanité qui admire le cercueil couvert d’or des stars ? Quel est ce monde qui semble n’en avoir rien à faire des paumés ?
Pardon. Je sais bien que beaucoup se démènent pour que les écarts sociaux soient réduits. Je les remercie. Je le sais, je le constate souvent, de nombreux politiques, de nombreux membres d’associations, de nombreux anonymes agissent pour plus de justice sociale. Merci à chacun.
J’écris seulement cette lettre pour attirer l’attention sur ce qui s’est passé dans la ville, chez nous, tout près. Au cimetière tout à l’heure, j’ai entendu la colère des miséreux. Ô, ils ont suffisamment de dignité pour ne pas la montrer. Pourtant leurs réactions étaient vives. A la peine d’avoir perdu l’un des leurs, s’ajoute l’incompréhension, le sentiment d’être rejetés. Ne pas compter, ne pas exister…
Amis de bonne volonté, lecteurs de cette lettre ouverte, je vous invite à écrire à vos élus pour que partout en France, toutes les personnes, quelques soient leurs situations financières, puissent recevoir un dernier hommage dans la dignité. Dans l’égalité ! Merci.
Abbé Xavier Lemblé