Mgr Leborgne, évêque d'Arras, a présidé une messe à l'intention du pape émérite Benoît XVI et à sa mémoire, mardi 3 janvier 2023, en la cathédrale d'Arras. Retrouvez ci-après son homélie.
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Communiqué de la Présidence de la Conférence des évêques de France en réaction au décès du pape émérite Benoît XVI
"En confiant à Dieu le pape émérite Benoît XVI, les catholiques rendent grâce à Dieu pour ce qu’il a donné à l’Église, visiblement et invisiblement. En leur nom, nous remercions celles et ceux qui ont voulu ou voudront lui rendre hommage. Nous invitons également tous ceux qui le voudront bien à prier avec instance pour le pape François. Qu’il poursuive sa mission avec courage et persévérance, dans la force du Christ et de l’Esprit-Saint, pour que soit loué le Nom de Dieu."
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Homélie de Mgr Leborgne – Cathédrale d’Arras, 3 janvier 2023
Lectures du jour : 1 Jn 2,29-3,6 Jn 1,29-34
Quiconque demeure en lui [Jésus] ne pèche pas ; quiconque pèche ne l’a pas vu et ne le connait pas.
Frères et sœurs, cette dernière phrase du passage de la 1ère lettre de Jean que nous avons entendue il y a quelques instants nous donne une indication décisive sur le péché. Celui-ci est toujours une crise de foi, une rupture de la relation, une perte de connaissance (qui dans l’Écriture n’est pas d’abord intellectuelle – même si elle l’est aussi – mais relationnelle et amoureuse).
Le péché est perte de connaissance, au double sens du mot : perte de relation, et perte de vie. Dans la rupture de la relation avec Dieu s’inaugure toujours en l’homme un travail de deshumanisation, de violence et de mort. L’apôtre Paul le dira clairement : le salaire du péché c’est la mort (Rm 6,23).
Le pape Benoit, dès son enfance, a été profondément marqué par l’horreur de la dictature athée qu’était le nazisme. Adolescent, il pressentait déjà la violence déshumanisante et dévastatrice, tant pour la personne humaine et que pour la vie sociale, de la dictature – c’était aussi la grande période Stalinienne – et savait que seul Dieu pouvait nous en libérer, restaurer en l’homme la capacité fraternelle, être notre paix, notre salut et notre vie.
Le théologien, l’archevêque, le cardinal préfet pour la congrégation de la doctrine de la foi puis l’évêque de Rome n’aura alors de cesse de faire écho à la parole du Baptiste qui concluait l’Évangile de ce jour : Voici l’Agneau de Dieu… c’est vraiment lui le Fils de Dieu. Celui qui s’offre en sacrifice pour le salut du monde est vraiment le Fils de Dieu ; le Fils de Dieu et Dieu lui-même, par amour de nous, ne veut pas choisir d’autre voie pour nous sauver que celle de l’offrande désarmée de sa vie. Là est la seule véritable puissance.
L’œuvre théologique de celui qui allait devenir Benoît XVI, ses 3 livres sur Jésus de Nazareth, ses encycliques, nous ramènent sans cesse au Christ Agneau de Dieu et Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai homme, vérité fondamentale de la foi sans laquelle tout s’écroule non seulement en christianisme, mais pour l’humanité.
Serviteur du Christ Vérité et Vie, amoureux de la vérité non pas comme un système – et quel théologien et intellectuel d’exception ce fut ! – mais comme un visage, une personne, un événement, Jésus le Christ, qui nous révèle le cœur du Père et son dessein pour l’homme.
C’est parce qu’il croyait de tout son être au grand amour du Père qui a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu (1ère lecture), c’est parce qu’il savait que Dieu voulait que nous soyons semblables à Jésus (1ère lecture), qu’il a mis tout son être – et pas seulement son intelligence – au service de l’homme tant aimé de Dieu, et donc au service de la vérité contre tous les mensonges qui avilissent l’homme.
L’amour de Dieu manifesté en Jésus dans la grâce de l’Esprit Saint, l’amour de Dieu reconnu, confessé et reçu (comment ne pas citer cette si belle encyclique Dieu est amour ?) transperce le cœur de l’homme pour être vécu non seulement dans les relations interpersonnelles mais aussi dans la vie sociale. Benoît XVI y est sans cesse revenu.
Cet homme de grande charité – tous ceux qui l’ont rencontré l’atteste, le pape Benoît était d’une humilité et d’une charité qui n’avaient d’égale que cette prodigieuse intelligence qui le rendait libre pour aimer – avait une grande conscience des défis du monde horizon de la charité chrétienne.
Dans Caritas in Veritate par exemple, il demanda qu’une place soit faite au principe de gratuité dans la vie économique et sociale. Cela surprit, et fut par certains accusé de romantisme et de naïveté. Pourtant, aujourd’hui, ils sont nombreux à y voir un appel décisif pour l’avenir. Il est bon de réentendre ces lignes : « Nous devons préciser que […] si le développement économique, social et politique veut être authentiquement humain, il doit prendre en considération le principe de gratuité comme expression de fraternité » (n°34). Il percevait aussi les mensonges et les dégâts de la dictature de l’argent.
Amoureux du Christ qu’il désirait toujours mieux connaître et faire connaître, témoin du salut que Dieu veut pour l’homme, il était serviteur de la vérité. Cela a nécessité parfois de nommer clairement le mensonge quand il se présentait. Ce n’est pas ce qu’il aimait le plus faire, mais il ne voulut pas s’y dérober : il savait trop depuis l’enfance comment les mensonges avilissent l’homme, l’enferment dans la peur, la haine et la violence. Seule la vérité rend libre.
Il le fit, nous le savons, sur la question des abus dans l’Église. Il est le Pape qui le premier a parlé de tolérance zéro et a engagé l’Église de manière déterminée dans le travail de purification et de vérité nécessaire et la lutte contre les abus.
Le pape Benoît est décédé la veille de la fête de Sainte Marie Mère de Dieu. Il devait aimer cette fête. Non seulement parce qu’il aimait Marie, mais parce ce titre de theotokos, Mère de Dieu, est une affirmation christologique majeure. Marie a donné naissance à Jésus vrai homme et vrai Dieu. Revenir à Jésus, Verbe fait chair, crucifié et ressuscité, revenir à Jésus sauveur de l’homme, telle a été l’un des axes de la vie du pape Benoît. Pour l’Église, mais bien plus que pour l’Église, parce que le Christ est la plénitude de l’homme. Il a voulu servir la vérité (« serviteur de la vérité », telle était sa devise) ce bien qui dépasse tout, la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur (Ph 3,8), cette connaissance du seul Dieu vrai Dieu et de celui [qu’il] a envoyé, Jésus Christ, cette connaissance qui est par elle-même vie éternelle (cf. Jn 17,3).
Le pape Benoît aimait le Christ, il aimait l’Église (sa renonciation en a été une surprenante mais extraordinaire démonstration – quel homme libre aussi), il aimait les hommes. Ses derniers mots ont été : « Jésus, je t’aime. » Confions-le au Seigneur, rendons grâce à Dieu pour tout ce qu’il nous a donné par lui, et demandons-lui de pouvoir dire en vérité, dès maintenant : « Jésus, je t’aime… ».
+ Olivier Leborgne
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Benoît XVI et Benoît Labre
Le Pape Benoît avait un lien direct avec notre Diocèse. En effet, il était né un 16 avril, jour de la St Benoît Joseph Labre. Il a par ailleurs porté les deux prénoms du Saint d'Amettes, comme baptisé et comme Pape.
Benoît XVI disait de Benoît Labre, en 2012, la veille de ses 85 ans :
«Le jour de mon anniversaire et de mon baptême, le 16 avril, la liturgie de l’Église a placé trois signes qui m’indiquent où conduit la route (…). En premier lieu, il y a la mémoire de sainte Bernadette Soubirous puis il y a Benoît-Joseph Labre. (…) le pieux pèlerin mendiant du XVIIIe siècle qui, après plusieurs tentatives inutiles, trouve finalement sa vocation de partir en pèlerinage comme mendiant - sans rien, sans aucun soutien, à travers toute l’Europe, dans tous les sanctuaires de l’Europe, un saint vraiment européen ! Nous pouvons également dire : un saint un peu particulier qui, en mendiant, vagabonde d’un sanctuaire à l’autre et ne veut rien faire d’autre que prier et, avec cela, rendre témoignage à ce qui compte dans cette vie : Dieu. (…) Ainsi, c’est un saint de la paix, précisément dans la mesure où c’est un saint sans aucune exigence, qui meurt pauvre de tout et qui est pourtant béni par chaque chose. »