Exhortation du pape sur la famille
Amoris laetitia (La joie de l’amour)
Exhortation du pape sur la famille : Amoris laetitia
(La joie de l’amour)
Le pape a rendu public le vendredi 8 avril les conclusions qu’il retient des deux synodes romains sur la famille 2014 et 2015.
« Former les consciences sans se substituer à elles »
Ni normatif, moins encore sentencieux ou abstrait, le pape s’exprime avec chaleur, réalisme et avec le langage de l’expérience. Avec tendresse aussi, il invite à redécouvrir la famille comme une « œuvre artisanale » toujours à façonner et à parfaire. À cette fin, la Parole de Dieu, à laquelle il se réfère au fil du texte, est présentée comme « une compagne de voyage » et l’Église, comme une aide proche et disponible qui n’exclut pas d’autres secours, comme la psychologie ou les sciences de l’éducation.
Il fait au passage une autocritique des pratiques pastorales à un moment où le nombre de mariages est en baisse, affirmant que défendre la famille ne revient pas à insister « seulement sur des questions doctrinales, bioéthiques et morales ». Il privilégie la formation des consciences, sans « (se) substituer à elles ».
Lire la synthèse sur le site de la Conférence des évêques
Lire le texte intégral sur le site du Vatican
Quelques questions et réponses
Les questions et réponses suivantes peuvent aider à se focaliser sur certains points importants de Amoris Laetitia, « la Joie de l’amour : sur l’amour dans la famille », l’Exhortation écrite par le Pape François à l’issue de deux Synodes des évêques consacrés à ce sujet, en octobre 2014 et octobre 2015.
Ces questions pourraient être posées par des journalistes.
1) Qu’est-ce que cette Exhortation Amoris Laetitia apporte de nouveau ?
Elle puise dans la longue histoire des enseignements de l’Eglise et dans une expérience synodale très intense. Elle met à contribution la nouveauté et la tradition. Ce qui est nouveau, c’est avant tout l’attitude d’accompagnement. Le Pape François, comme ses prédécesseurs, reconnaît la complexité de la vie familiale moderne. Mais il met l’accent sur le besoin pour l’Eglise et ses ministres d’être proches des gens, peu importe leur situation ou combien ils peuvent se sentir loin de l’Eglise : comprendre, accompagner, intégrer, et avoir les bras ouverts en particulier pour tous ceux qui sont blessés. (AL 312)
Ce n’est pas un texte théorique déconnecté des problèmes réels des gens. Le titre même de l’Exhortation suggère l’impulsion joyeuse du document. Il offre continuellement des exemples concrets évoquant la beauté de la vie familiale, malgré tous les défis que cela entraine. Le Pape François écrit de manière éloquente pour montrer combien former une famille signifie prendre part au rêve de Dieu, se joindre à Lui pour construire un monde « où personne ne se sent seul »
(AL321)
2) Pourquoi un si long document ?
Est-ce que les catholiques peuvent le lire et en bénéficier, ou est-il réservé aux experts ?
Dans son introduction, le Pape François écrit que personne ne devrait lire Amoris Laetitia rapidement, que les gens devraient être attentifs à ce qui s’applique le mieux à leurs besoins spécifiques. S’il s’agit d’une lecture essentielle pour les évêques, les prêtres et tous ceux qui sont impliqués dans l’apostolat de la famille, il est très important que l’ensemble des catholiques perçoive les efforts que fait l’Eglise pour être proche d’eux. Par exemple, les couples mariés seront particulièrement intéressés par le quatrième chapitre consacré à « L’amour dans le mariage », par le cinquième chapitre
sur « L’amour qui devient fécond » et par le chapitre sept « Renforcer l’éducation des enfants ».
Le Pape veut aider les couples chrétiens à persévérer avec fidélité et patience, et encourager chacun à être un signe de miséricorde là où la famille manque de paix et de joie. (AL 5) Les lecteurs pourraient être agréablement surpris par la lecture d’Amoris Laetitia, un texte très concret. Avec un cœur de pasteur, le Pape François parle avec simplicité et pourtant avec profondeur des réalités quotidiennes de la vie familiale.
3) Catholiques divorcés et remariés ?
La plupart des controverses entourant le Synode concernaient l’accès à la Communion des catholiques divorcés et remariés au civil. Mais Amoris Laetitia ne se prononce pas de manière définitive sur cette problématique. Pourquoi ? On s’est rendu compte pendant les Synodes que les querelles entre gagnants et perdants n’étaient pas productives. Ce qui s’est avéré productif c’était d’observer en profondeur la vie de famille, le mariage et le Peuple de Dieu qui s’efforce de vivre sa vocation en ces temps troublés et complexes.
Le chapitre huit, « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité », offre un regard très profond sur la manière dont les règles générales ne s’appliquent pas forcément à chaque situation particulière. Il faut donc prendre en considération la complexité de toutes les situations.
Le Pape reconnait que chacun devrait se sentir mis au défi par le chapitre huit. Effectivement, ce chapitre appelle les pasteurs et ceux qui travaillent dans l’apostolat de la famille à écouter avec délicatesse ceux qui se sentent blessés et à les aider à expérimenter l’amour inconditionnel de Dieu.
4) Un mot est important dans ce document : le discernement.
Qu’est-ce que le Pape entend par discernement ? Est-ce que cela signifie qu’on doit chercher un prêtre qui fait preuve de compassion pour s’entendre dire que tout va bien ? Le discernement, c’est l’effort constant de s’ouvrir à la Parole de Dieu afin d’éclairer la réalité concrète de la vie quotidienne. Le discernement nous conduit à être dociles à l’Esprit ; il encourage chacun de nous à agir avec tout l’amour possible dans des situations concrètes.
Le Pape François demande aux pasteurs d’aider à discerner les différentes situations concrètes vécues par les fidèles. Chaque prêtre ou agent pastoral qui s’efforce d’aider les gens à croître spirituellement, sait qu’il n’y a pas de recettes faciles, pas de solutions simples, et d’exceptions aisées.
Dans le même temps, le discernement ne peut jamais être séparé ni des exigences de l’Evangile quant à la vérité et la charité, ni de l’enseignement et de la tradition de l’Eglise. Cela requiert de l’humilité et une recherche sincère de la volonté de Dieu.
5) De nombreux catholiques sont divorcés et remariés civilement, et se démènent pour tenter de bien faire les choses et d’élever leurs enfants dans l’Eglise. Qu’est-ce qu’Amoris Laetitia a à leur offrir ?
Amoris Laetitia leur offre la garantie que l’Eglise et ses ministres se soucient d’eux et de leur situation concrète. Amoris Laetitia veut qu’ils aient le sentiment, et qu’ils sachent, qu’ils font partie de l’Eglise. Ils ne sont pas excommuniés. (AL 243). Même s’ils ne peuvent pas prendre pleinement part à la vie sacramentelle de l’Eglise, ils sont encouragés à participer activement à la vie de la communauté.
Un concept clé d’Amoris Laetitia est l’intégration. Les pasteurs doivent faire tout leur possible pour aider les gens qui se trouvent dans ces situations à être inclus dans la vie de la communauté. Toute personne en situation dite « irrégulière » doit recevoir une attention spéciale. « Aider à guérir les blessures des parents et les protéger spirituellement est un bien pour les enfants aussi, qui ont besoin du visage familial de l’Eglise qui les protège dans cette expérience traumatisante. » (AL 246)
6) Personnes homosexuelles? A un moment donné, le Synode a semblé offrir une importante et nouvelle acceptation des personnes homosexuelles dans l'Église. Aujourd’hui, Amoris Laetitia semble offrir un « précieux peu ». Que s’est-il passé ? L’enseignement de l’Eglise reste clair : le mariage unit un homme et une femme, et les unions homosexuelles ne peuvent être mises au même niveau que le mariage chrétien (AL 251).
« L’Église fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exceptions » (AL 250) Si l’Exhortation se focalise sur le mariage et la famille, elle parle également du nombre incalculable de personnes qui ne sont pas mariées. Cela inclue les parents célibataires, les veufs et veuves, les hommes et femmes célibataires – qui tous ont des liens familiaux. Nous sommes tous “fils” ou “fille” ; nous avons tous une histoire familiale et des amis qui vivent des situations familiales difficiles et douloureuses.
7) Amoris Laetitia se montre critique vis-à-vis d’anciennes pratiques (AL 36, 37, 38) qui mettent l’accent sur des problématiques doctrinales ou morales, et dénoncent un monde décadent sans rien offrir qui soit positif. Est-ce une critique des précédents papes ?
Un coup d’œil rapide aux notes en bas de page montre combien Jean-Paul II est cité dans Amoris Laetitia, et en particulier Familiaris Consortio. Le Pape François fait également référence à Deus Caritas Est de Benoît XVI. Amoris Laetitia offre de l’espoir, et de l’espoir en abondance. Ce n’est pas une liste de règles ou de condamnations, mais un appel à l’acceptation et à l’accompagnement, l’implication et l’intégration.
Même lorsque les gens - pour tant de différentes raisons - n’ont pas été capables de vivre en accord avec les enseignements du Christ, l’Eglise et ses ministres veulent être à leur côté pour les aider dans leur cheminement. « La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère » (AL 296).
8) Couples et naissances
Une des plus grandes préoccupations de nombreux couples est “d’espacer les naissances”, et pourtant ce n’est pas un sujet majeur d’Amoris Laetitia. Pourquoi ?
Amoris Laetitia aborde ce sujet à plusieurs reprises, notamment aux paragraphes (nn) 42, 68, 82 et 222. Si on remarque qu’un accent plus grand est mis sur le fait que les enfants sont un don de Dieu et une joie pour leurs parents, le texte cite également Humanae Vitae, soulignant que les époux doivent avoir conscience de leurs obligations concernant la “paternité responsable. (AL 68)
A la fin, la décision d’espacer les naissances sera le résultat « d’un dialogue consensuel entre les époux » (AL 222) Amoris Laetitia cite le Concile Vatican II, soulignant l’importance de la formation des consciences, où chaque personne est seule avec Dieu. L’exhortation encourage également les méthodes naturelles de régulation des naissances, puisqu’elle respecte les corps et en effet « la personne entière » des conjoints.
9) Quel est le plus grand défi d’Amoris Laetitia ?
Le plus grand défi consiste, pour chacun, à lire ce document sans se presser et à le mettre en pratique. Amoris Laetitia fait des propositions à l’Eglise et ses pasteurs pour qu’ils changent leur approche concernant la famille : pour accompagner, intégrer, rester proche de ceux qui ont souffert des effets d’un amour blessé.
Avant tout, Amoris Laetitia nous met au défi de nous montrer compréhensifs face à des situations complexes et douloureuses. Le Pape François souhaiterait que nous nous approchions des plus fragiles avec compassion, et sans juger, afin « d’entrer en contact avec l’existence concrète des autres et de connaître la force de la tendresse. » (AL 307)