Homélie de Mgr Leborgne - Messe chrismale 2024

Basilique ND de Boulogne – 26 03 2024

Messe Chrismale 2024 – Basilique ND de Boulogne

 

Il y a 60 ans, le concile Vatican II rétablissait le diaconat en tant que « degré propre et permanent de la hiérarchie » (constitution Lumen Gentium sur l’Église, n° 29).

C’est en réfléchissant à la mission de l’évêque, « ministre de la communauté », et en établissant l’épiscopat comme degré suprême et plénitude du sacrement de l’ordre, que le concile a perçu la nécessité de remettre le diaconat en lumière dans son exercice permanent. Le diaconat n’avait pas formellement disparu mais il n’était plus qu’une étape avant l’ordination sacerdotale et avait perdu sa consistance propre.

 

Le diaconat permanent établit un ordre de collaborateurs de l’évêque pour « le service ». Mais ce service a quelque chose de spécifique que le lien à l’évêque manifeste clairement. Tout chrétien, de par son baptême, est appelé à entrer dans le service de son Seigneur et à exercer la charité. Il n’y a là rien de propre au diaconat. Mais par son ordination et le lien sacramentel qui l’unit à l’évêque, le diacre est au service de la construction de l’Église, de la communauté.

 

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction », déclare Jésus, proclamant dans la synagogue de Nazareth un passage du prophète Isaïe, « il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable pour le Seigneur. » Et Jésus précise, en refermant le livre : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Aujourd’hui, c’est le jour où Jésus a pris la parole, le temps de son incarnation. Dans la grâce du mystère pascal, c’est aussi aujourd’hui, la période dans laquelle nous vivons. Aujourd’hui, la promesse de Dieu s’accomplit en Jésus. Il y a donc une immense nouvelle à annoncer avec, en et par Jésus. Aujourd’hui. Elle est le salut que le monde espère et qu’il crève de ne plus pouvoir nommer. Il y a donc une urgence de l’annonce.

 

Le diacre est au service de ce que Jésus réalise par son Église. Dans la grâce de l’Esprit, avec le Fils sorti du Père pour « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52), au nom de l’évêque, il a pour mission de constituer l’Église en prenant soin des frères et sœurs éloignés, soit qu’ils soient physiquement empêchés comme les malades et les prisonniers, soit qu’ils soient en retrait par sentiment d’indignité ou peur de ne pas trouver leur place, comme parfois les plus démunis de nos frères et soeurs. Leur présence auprès de l’autel, quand bien-même est-elle essentiellement silencieuse, est de ce point de vue très significative : le diacre porte dans la prière de l’Église et dépose sur l’autel tous ceux qui sont appelés à construire le Corps du Christ et qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent pas être là. Les sacrements que les diacres célèbrent, baptême et mariage, sont aussi des sacrements qui constituent l’Église.  

 

Chers frères diacres, chers frères prêtres, chers frères et sœurs fidèles et disciples du Seigneur, évoquer ainsi avec vous le ministère diaconal me réjouit. Non seulement parce qu’il est toujours bon de fêter les anniversaires et d’honorer ceux que le Seigneur m’a donnés comme collaborateurs dans l’ordre des diacres, mais aussi et peut-être plus encore parce que cela touche au cœur de la transformation pastorale dans laquelle nous sommes engagés depuis un an maintenant.

 

La question qui préside à notre démarche : « Seigneur que veux-tu pour notre diocèse ? » peut clairement se décliner en cette autre question : « Seigneur, quelle communauté nous appelles-tu à devenir ? »

 

La question est importante. Nous sommes marqués par l’héritage que nous avons reçu, par notre société et son évolution si rapide, marqués par les défis de nos générations diverses qui ne se comprennent pas toujours, par le progrès de la technique et la mondialisation qui, à la fois, élargissent les horizons et, en même temps, creusent le lit d’un individualisme exacerbé. Dans ce cadre, la question de la communauté se pose de manière aigue.

 

La question de la communauté humaine semble se déliter, tant par la situation internationale qui se désagrège un peu partout dans le monde, que par l’effondrement du cadre éthique qui régit notre société, réduisant la vie à une variable d’ajustement soumise à nos désirs, notre confort et l’intérêt financier de quelques-uns.

 

La question est aussi celle de la communauté ecclésiale, de notre Eglise, de nos communautés paroissiales, des mouvements auxquels nous participons. Que nous le voulions ou non, nous sommes marqués par une conception individuelle de la pratique religieuse et de la foi. Or il me semble que c’est l’un des points où le Seigneur vient tout particulièrement nous chercher, nous bousculer aujourd’hui, et nous appeler à la conversion.

 

Je bénirai dans quelques instants le saint chrême, dont ceux qui reçoivent le baptême sont oints. Par le baptême, le Seigneur construit son Eglise pour le monde, et c’est toujours un frère ou une sœur qu’il nous donne. Frères et sœurs, ce ne sont pas des mots gentillets que je récite devant vous. C’est la réalité de ce qui advient à chaque baptême. Qu’en faisons-nous ? Voulons-nous les « assimiler » à ce qui existe ou sommes-nous prêts à entendre la parole que Dieu nous adresse par eux ? L’Eglise que le Seigneur construit les uns par les autres est une communion toujours ouverte. Elle doit permettre à tous et chacun, à commencer par les plus pauvres de nos frères et sœurs, de trouver sa place dans cette communauté de salut qu’est l’Eglise.

 

Ainsi, l’Eglise est missionnaire ou elle n’est pas. Le Pape François ne cesse de le rappeler.  L’enjeu de notre transformation pastorale n’est pas de tenir un territoire comme nous l’avons tenu hier ou de maintenir un appareil, une organisation, envers et contre tout. Ce serait évidemment une impasse.

 

Après avoir consulté le peuple de Dieu qui a été invité à discerner et à se prononcer sur quelques intuitions, 4 axes émergent pour l’avenir de notre diocèse. A la fin de cette célébration, ils vous seront présentés à travers une lettre que j’ai intitulée « Paix à cette maison », reprenant la parole que Jésus adresse aux disciples quand il les envoie en mission : « Quand vous entrerez dans une maison, dites : ‘Paix à cette maison » (Lc 10,5)

 

Nous sommes appelés à devenir d’authentiques communautés missionnaires et catéchuménales (axe 1), dans une recherche renouvelée d’articulation entre eucharistie, fraternité et proximité (axe 2), en nous laissant confirmés et équipés pour la mission (axe 3) et en revisitant notre gouvernance à tous les niveaux (axe 4).

 

Le temps que nous vivons, aussi déstabilisant soit-il, porte aussi des opportunités. Il porte une grande grâce de renouveau, je crois, pour notre Église diocésaine. Saisissons-la ! « Ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation » dirait le Pape François, ni celle de « la communauté ». « Ne nous laissons pas voler l’Espérance ! » (Exhortation apostolique, La joie de l’Evangile, n° 83,92,87)

 

Je sais pouvoir compter sur vous tous, quels que soient vos états de vie, vocations, ministères ou missions.  Je sais pouvoir compter sur les 99 adultes qui seront baptisés la nuit de Pâques dans notre diocèse. Je me réjouis, en cette année du 60ème anniversaire du rétablissement du diaconat dans son ordre propre et permanent, de pouvoir compter notamment sur vous, chers frères diacres, envoyés pour rejoindre les plus éloignés de nos frères et sœurs, appelés eux aussi à constituer l’Église du Seigneur Jésus, afin qu’elle devienne ce qu’elle est, « sacrement universel du salut », pour reprendre encore une expression du Concile Vatican II.

 

« Ne nous laissons pas voler l’Espérance ! » Que le Seigneur soit béni !

 

 

+ Olivier Leborgne

Evêque d’Arras

 

 

 

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  • Messe Chrismale 2024

 

En ce Mardi Saint a eu lieu la Messe Chrismale en la basilique Notre-Dame de Boulogne-sur-mer. Durant cette célébration, l’évêque a béni les saintes huiles, et les prêtres du diocèse ont renouvelé leur engagement.

De plus, cet événement est venu clôturer la démarche diocésaine lancée lors de la messe chrismale 2023. Monseigneur Leborgne nous a donné les axes de transformation pour le diocèse d’Arras qui découlent de la consultation du Peuple de Dieu.

 

Lettre de Monseigneur Leborgne "Paix à cette maison" téléchargeable ici

 

Plan de travail 1