Homélie de Mgr Leborgne - Messe chrismale

Mardi 4 avril 2023, Monseigneur Leborgne, évêque d'Arras, présidait la messe chrismale en la cathédrale d'Arras. Retrouvez ci-après son homélie.

Homélie de Mgr Leborgne – Messe chrismale – Cathédrale d'Arras, mardi saint, 4 avril 2023

 

 

« L’Esprit du Seigneur est sur moi car le Seigneur m’a consacré par l’onction ». L’expression du prophète Isaïe reprise par Jésus à la synagogue de Capharnaüm pour en dire en lui la réalisation plénière établit un lien direct en l’onction et la venue de l’Esprit Saint chez le serviteur de Dieu.

 

Dans quelques instants, je vais bénir les saintes huiles, celles qui accompagnent les sacrements de la vie chrétienne. Ces huiles avec lesquelles les évêques, les prêtres et les diacres font l’onction sur les nouveaux baptisés ou sur les malades pour leur transmettre au nom du Seigneur la grâce de l’Esprit Saint. A travers un rite si simple se « joue » quelque chose de tout à fait inouï. Un homme ou une femme reçoivent la force de Dieu pour le combat spirituel, deviennent fils ou fille de Dieu pour vivre dans la grâce de l’Esprit la vie même du Christ ressuscité. Par l’onction, les mêmes sont encore confirmés dans l’amour du Père, pour déployer toutes les richesses de l’Esprit au service de l’Eglise et du monde. Par l’onction les mêmes encore reçoivent l’Esprit quand cela est nécessaire pour traverser l’épreuve et vivre du mystère pascal dans un moment difficile de leur vie. Quelques-uns, par l’onction du saint chrême et la prière de l’Eglise, sont configurés au Christ pasteur et deviennent prêtres ou évêques pour se mettre au service du corps entier du Seigneur et de la vie baptismale de leurs frères et sœurs.

 

La messe chrismale porte ainsi en ses rites spécifiques la naissance, la croissance, l’accompagnement et le dynamisme du peuple de Dieu, de sa vocation et de sa vie. Par l’onction, le jaillissement de l’Esprit Saint qui unit à Jésus, déploie dans l’épaisseur de la chair la folie de l’amour du Père et du Fils dont il ne cesse de constituer le Corps, réconforte dans l’épreuve et consacre ceux que Dieu appelle au service de la croissance du Corps du Christ qu’est l’Eglise pour le monde, communion et mission.

 

La messe chrismale porte en elle cette promesse de la synodalité à laquelle l’Eglise nous appelle. Synodalité… nous mettre ensemble sous la motion de l’Esprit pour discerner ce que l’Esprit dit à l’Eglise, ce à quoi Dieu nous appelle pour le mettre en œuvre ; nous laisser entrainer ensemble par le souffle de l’Esprit reçu au baptême et à la confirmation pour, dans l’union à Jésus toujours plus désirée, devenir la communauté d’espérance que le Père attend de nous pour notre temps.

 

Acte de foi que la liturgie d’aujourd’hui nous oblige à poser : sais-tu que depuis le jour où tu as été plongé dans la mort et la résurrection de Jésus et confirmé dans l’amour du Père, l’Esprit réside en toi ? Dans très frères et sœurs aussi, mais jamais les uns sans les autres, et donc en toi ? « N’éteignez pas l’Esprit Saint » demandait avec insistance l’apôtre Paul aux chrétiens de Thessalonique (1,9).

 

Frères et sœurs, nous sommes à un moment spécifique de la vie de notre diocèse. Alors que l’Eglise a été déstabilisée par ses propres infidélités avec la crise des violences et abus, mais aussi par un monde qui évolue à une vitesse peut-être jamais connue jusqu’ici, alors que notre société perd les repères qu’elle croyait avoir patiemment et durablement construits depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (économiques, sociaux, politiques, scientifiques et techniques), il me semble que le Seigneur, à l’occasion de cette messe chrismale, nous relance fermement cet appel : « N’éteignez pas l’Esprit Saint ! »

 

Quand je regarde l’avenir du diocèse, quand je l’évoque avec vous au cours de mes visites pastorales, quand nous cherchons ensemble ce à quoi précisément le Seigneur nous appelle en cette terre de Pas de Calais avec ses spécificités sociales et religieuses, il me semble entendre un appel à le laisser réveiller en nous la puissance de l’Esprit Saint.

 

Il est très clair que notre organisation, dont la fécondité a été si manifeste pendant des décennies voire des siècles, n’est plus pertinente aujourd’hui. Elle nous fatigue là où elle donnait de l’élan à nos prédécesseurs. Alors que nous devons tenir notre vocation d’espérance au cœur d’un monde qui en manque cruellement, je croise trop de chrétiens en fatigue d’espérance. Parce qu’on est perdu par rapport à l’évolution du monde, parce qu’on a perdu trop de moyens, parce qu’on s’abime entre frères aussi. Frères et sœurs, nous ne pourrons jamais faire l’économie de ce que le monde bouge et évolue. Nous ne pourrons non plus jamais faire l’économie de nos diversités dans ce qu’elles ont d’enrichissant, mais aussi dans ce qu’elles peuvent parfois nourrir la division. Il y aura toujours des frères et sœurs, des prêtres, des diacres ou des laïcs en responsabilité, avec lesquels nous n’aurons pas beaucoup d’affinités, voire avec lesquels nous serons en désaccord. Avec l’évêque peut-être même. Les Actes des Apôtres manifestent clairement que cela existait déjà dans l’Eglise primitive.

 

Cela ne doit aucunement empêcher en nous le travail de l’Esprit et la reconnaissance en tous nos frères et sœurs du travail de ce même Esprit. L’Eglise n’est pas un club de copains toujours d’accord, une communion affective molle, elle est ce peuple que le Seigneur ne cesse de susciter même si sa forme peut évoluer dans l’histoire, ces frères et sœurs qui ne se sont pas choisis – car nous ne nous sommes pas choisis – mais qui sont donnés les uns aux autres, marqués par l’onction, pour vivre de l’Esprit et de l’Evangile au cœur du monde.

 

Bénir les saintes huiles, ce n’est pas seulement préparer l’onction de ceux qui seront agrégés au Peuple de Dieu, confirmés dans l’amour du Père, configurés au Christ Pasteur pour leurs frères et sœurs ou visités par l’Esprit consolateur au cœur de l’épreuve, c’est en demander le réveil puissant en chacun d’entre nous.

 

C’est de cette manière seule que l’Eglise pourra être renouvelée pour ce que Dieu veut. Cette de cette manière seule que nous pourrons être initiés à une synodalité authentiquement évangélique et missionnaire.

 

C’est l’enjeu de la démarche qui vous sera présentée à la fin de cette messe chrismale : dans le souffle de l’Esprit, entrer ensemble dans un travail de style synodal pour poser les fondements de la transformation pastorale dont notre diocèse a aujourd’hui besoin. La question qui m’habite, frères et sœurs, n’est pas d’abord de savoir comment faire évoluer la structure de notre diocèse mais bien plus fondamentalement de savoir comment aujourd’hui servir votre vie baptismale pour que vous puissiez vivre de l’Esprit au cœur de notre monde et de notre temps, et que nous redevenions communauté de profonde espérance.

 

Je n’en dis pas plus dans le cadre de cette homélie, mais je demande au Seigneur, alors que je m’apprête à bénir les saintes huiles, que nous n’éteignions pas l’Esprit, mais qu’au contraire nous en vivions chaque jour davantage, personnellement et communautairement. Et que la grâce de l’onction reçue nous éclaire pour l’avenir.

 

 

+ Olivier Leborgne

 

Lors de la messe chrismale 2023, Mgr Leborgne a appellé les chrétiens du Pas-de-Calais à entrer dans une démarche diocésaine d'une année, jusqu'à la messe chrismale 2024. 

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page dédiée à la démarche diocésaine.

Article publié par Service Communication • Publié • 1360 visites