Homélie Mgr Leborgne

Ordination diaconale Edouard Maillard

Ordination diaconale Edouard Maillard

3ème dimanche de Pâques – 4 mai 2025 – Saint Omer

 

« Ils leur interdirent de parler au nom de Jésus… » Dans le passage du livre des Actes des Apôtres que nous avons entendu en première lecture, nous avons assisté à la comparution des apôtres devant le conseil suprême. Ils n’ont pas obéi à l’interdiction d’enseigner au nom de Jésus qui leur avait été fait. Ils n’y obéiront pas plus après, trouvant même leur joie dans le fait « d’avoir été jugé dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. » « Car il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » déclarait Pierre.

 

Parler au nom de Jésus engage. Parler au nom de Jésus, aussi bien par la parole que par les actes – l’engagement pour les plus démunis est une parole forte qui déjà par elle-même parle de Jésus mort et ressuscité pour le salut de tous les hommes, sans exception – peut produire de vives réactions – et Jésus est très clair dans l’Evangile sur ce point – jusqu’ à la persécution.

 

Dans quelques minutes, Edouard, je t’ordonnerai diacre. Non seulement, tu recevras par cette ordination un ministère spécifique au service de la Parole de Dieu, mais ta vie, consacrée à Jésus, sera appelée à devenir en elle-même parole, signe du Christ Serviteur.

 

Ce qui est une joie pour toi – t’engager pour la vie à la suite de Jésus-Christ pour devenir diacre puis prêtre, recevoir du Seigneur la grâce du diaconat – est le début d’une aventure dont tu ne sais pas où elle te mènera mais qui, si tu y es vraiment fidèle, t’unira chaque jour davantage à ton Seigneur. Parler de Jésus, parler en son nom est toujours un risque. Le Seigneur, pour nous libérer du péché débusque ce qui nous aliène et nos propres complicités avec le mal et la mort. Ce qui est en jeu, c’est le salut, la « vie vivante » pour tous.

 

Il ne s’agit jamais de rechercher la contradiction. Et n’appelons pas résistances ou oppositions à l’annonce de l’Evangile ce qui n’est généralement que le fruit de notre péché, de ce péché qui nous empêche de devenir pleinement ce à quoi le Seigneur nous appelle et ce que l’ordination fait de nous. Il n’en reste pas moins vrai que le ministère dans lequel tu t’engages te mènera à la suite de ton Seigneur sur des chemins escarpés. Le Christ a pu devenir pour certains comme une habitude. Des lois récentes semblent montrer que quelques-uns désirent qu’il ne soit pas plus que cela. La vie dans l’Esprit pourtant est jaillissement, éternel commencement, charité toujours élargie, vérité toujours désirée, fraternité déjà engagée, travail déjà commencé en nous du Royaume, chemin vers le Père, notre plénitude et notre espérance, en Celui qui est sauveur et unique médiateur.

 

Il s’agit bien sûr de vérifier que l’enseignement que nous donnons est bien « au nom de Jésus. » Parler dans le nom de Jésus commence par faire de la conversion notre identité, apprendre à nous recevoir chaque jour de lui, comme Pierre, jusque dans nos faiblesses voire nos trahisons. Apprendre à nous recevoir de Jésus, par la prière – et la prière de l’Eglise à laquelle tu t’engages n’est pas seulement une mission que tu acceptes pour le monde, c’est aussi une grâce que le Seigneur te fait, par laquelle il veut te façonner pour devenir le ministre qu’il t’appelle à devenir. Apprendre à nous recevoir de Jésus par les sacrements, cette « économie » de l’Esprit dont l’action incarne dans l’épaisseur de la chair et de nos histoires l’inouïe du don de Dieu, qui nous décentre de nous-même en nous libérant du moi accapareur pour nous redonner à nous-même dans la plénitude de son agape sans laquelle rien n’a de sens, en tous les cas aucun acte de notre ministère. Apprendre à nous recevoir de Jésus en renonçant à vivre le ministère comme une profession libérale, mais toujours dans la tradition de l’Eglise (nous ne nous suivons pas nous-mêmes, ni même telle ou telle opinion, telle ou telle sensibilité, mais bien le Christ Jésus sauveur, fils unique du Père, Vrai Dieu et vrai homme) et la communion du Corps du Christ qu’est l’Eglise. Ici, la synodalité est une grande grâce, elle qui nous convoque à discerner ensemble ce que l’Esprit dit à l’Eglise aujourd’hui. Apprendre à nous recevoir du Seigneur, jusque dans l’audace de la correction fraternelle aussi, celle qu’on ose quand cela est nécessaire – les trop nombreuses démissions de ce point de vue ont favorisé dans l’Eglise la crise des abus – mais surtout et d’abord celle que l’on reçoit des frères et sœurs, des fidèles eux-mêmes, pas toujours bien exprimée, parfois pour un part injuste, mais par laquelle le Seigneur vient nous parler.

 

Nous ne pouvons devenir nous-mêmes tel que le Seigneur nous désire dans le cœur du Père sans consentir à nous laisser déplacer. Il n’y a pas d’identité statique en christianisme. L’amour fou qui nous suscite à la vie et qui t’appelle à le suivre comme diacre est toujours plus grand que ce que nous pouvons imaginer, toujours il nous déplace et nous élargit.

 

Oui, parler au nom de Jésus. Ne pas oublier aussi que pour cela le Seigneur t’appelle avec tout ce que tu es, ne pas oublier que c’est par toi Edouard si plein de richesses mais aussi marqué par un certain nombre de fragilités – n’en soit jamais complice, mais n’en aie pas peur, le Seigneur saura s’en servir pour sa Gloire – que le Seigneur veut se donner. Il aime celui que tu es et désires devenir en lui.

 

Alors dans cette dynamique, dans la grâce de l’Esprit Saint, être donné avec Jésus. Alors oser parler au nom de Jésus et enseigner son nom, le laisser faire de ta vie une parole adressée. Aider ainsi les fidèles du Christ à devenir toujours davantage disciples du Christ dans la grâce de leur baptême et la force de l’Esprit au cœur du monde. Tu plairas à certains quand tu accompagneras la croissance de la vie spirituelle et prêchera avec passion sur la Trinité ou la prière, tu plairas à d’autres quand tu rappelleras que l’agape divine, qui n’est rien d’autre que l’Esprit Saint, à évidemment une portée politique, parce que la bonne nouvelle du salut n’est pas seulement une annonce individualiste mais que le Christ est réellement mort pour tous. Tu plairas à certains quand tu rappelleras au nom de Jésus la dignité inaliénable de la personne humaine de la conception à sa mort naturelle, et tu plairas à d’autres quand tu rappelleras que le pauvre, le précaire ou l’exilé ne peuvent pas être traités comme des objets ou être sacrifiée à l’intérêt général. Tu plairas à certains quand tu prendras le temps de la rencontre personnelle – n’oublie pas de visiter les malades -, tu plairas à d’autres quand tu rappelleras les exigences de la mission dont tu sais qu’elle préside à la transformation pastorale du diocèse en cours.

 

Mon cher Edouard, nous avons tous besoin de reconnaissance. Le ministère te donnera sans doute de vivre aussi quelques belles amitiés, de celles qui nous soutiennent et nous aide à nous construire comme homme et comme ministre ordonné. Je te souhaite la grâce de l’amitié avec des couples, le sacrement du mariage est une grâce aussi par lequel le Seigneur nous fait grandir à sa suite.

 

Mais il te faudra être vigilant. Il nous faudra l’être ensemble. Je vois trop le poids de mon péché et la manière dont il obscurcit mon ministère, et je vois bien aussi combien le Malin en profite parfois pour vouloir me faire confondre détermination et obstination, recherche de la vérité, fermeté et raideur, mais aussi douceur et mollesse ou charité et silence démissionnaire.

 

Il s’agit de parler au nom de Jésus, d’enseigner son nom. C’est l’une des grâces immenses de notre ministère. Tu verras, source de tellement de joie. Tu le goûteras d’autant plus dans cette dynamique éducative qui t’habite et dans laquelle tu vas continuer à te former.

 

Il s’agit de parler au nom de Jésus, d’enseigner en son nom. Aventure à laquelle tout diacre est associé, tant par le ministère de la parole qui est le sien que par le signe du Christ Serviteur qu’il devient et qui fait de sa vie une parole de Dieu au cœur du monde. Aventure vertigineuse aussi, tellement est grand le don de Dieu. Vertigineuse encore, tant elle nous amène à entrer dans l’unique service de Jésus qui se concentre dans le mystère de la Croix. Vertigineuse toujours, tant elle nous décale des logiques mondaines, y compris intra ecclésiales…Mais aventure source d’une joie que nul ne pourra nous ravir.

 

Grande joie donc, mon cher Edouard, de t’ordonner diacre. Joie grave, mais joie profonde.

 

« C’est le Seigneur » disait saint Pierre. Avec lui, jetons-nous à l’eau ! Que le Seigneur soit béni !

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