Implorer la guérison

desert desert  L’itinéraire chrétien se comprend et se vit comme un permanent passage de la mort à la vie. L’être humain se laisse saisir par le Christ pour mourir au péché et savourer déjà tous les fruits de la vie nouvelle et éternelle. Cette victoire est déjà acquise en Jésus, mais elle doit encore se révéler et se dévoiler dans nos existences personnelles et dans celle de l’humanité.
Le temps du carême nous fait mieux découvrir ce voile qui nous empêche de savourer pleinement notre condition d’enfants bien-aimés du Père et de membres de son unique famille. La cécité dont nous sommes atteints nous cache à nous-mêmes notre grandeur, notre dignité, notre identité.
Dans son message de carême 2017, le pape François nous renvoie à l’Évangile de saint Luc au chapitre 16, versets 19-31. Un homme riche est tellement enfermé dans ses biens, ses certitudes, sa religion, ses relations, ses artifices qu’il ne voit plus personne et surtout pas le plus pauvre. Tout lui est dû, y compris l’accès parmi les bienheureux. Les êtres humains n’ont d’intérêt que s’ils sont à son service. La Parole des prophètes n’a aucune valeur. Seul un prodige qui lui permettrait de sauvegarder, malgré tout, son système et son clan est susceptible de trouver grâce à ses yeux. Cet individu n’est que riche.
Ce passage nous rapproche finalement de Jésus confronté au diable dans désert, dans l’Évangile selon saint Matthieu, au chapitre 4, versets 1 à 11. Le Seigneur se manifeste sous des traits totalement opposés à ceux de l’homme riche. Le Christ a toutes les capacités pour être riche et puissant à la manière de cet homme. Il lui suffit d’utiliser à son profit sa qualité et sa puissance de Fils de Dieu.
Pour Satan, Jésus peut exister et s’affirmer pleinement par lui-même et pour lui-même sans se soumettre à un Père. Il lui est possible de remodeler la création à son avantage, de faire en sorte que des pierres deviennent du pain.
Pourquoi Jésus ne défierait-il pas son Père, pour réaliser ses désirs les plus fous puisque Dieu promet qu’il sera soutenu par ses anges ?
Mieux encore, le Fils de Dieu n’a qu’un geste à faire pour devenir le possesseur de tout le l’univers et en user à sa guise. Non, il ne devra plus rien à un Père dont il aura en quelque sorte subtilisé le patrimoine.
Tout cela est tentant, mais a un prix : sortir de la relation d’amour qui unit le Père et le Fils dans l’Esprit, la renier pour reconnaître le règne du tentateur et s’y soumettre.
L’homme riche aurait tiré grand profit des trois réponses du Christ à Satan : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. », c’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »
Ces mots tracent pour nous le chemin de la conversion. Ils soulèvent le voile et nous font découvrir la réalité que Dieu dans son immense amour ne cesse de projeter et de réaliser pour nous. Elle nous est offerte en Jésus-Christ mort et ressuscité.
Parce qu’il avait pleinement succombé, sans s’en rendre compte peut-être, aux sollicitations du tentateur, le riche de l’Évangile est perdu. Il ne voit plus, n’entend plus, ne comprend plus Dieu qui parle par les prophètes, le pauvre qui git à sa porte et finalement lui-même.
Le désespoir qui l’habite pourra être guéri, la distance infranchissable qui le sépare d’Abraham et de Lazare sera comblée par Jésus. Fidèle à ce qu’il dit de son Père au diable, il donnera sa vie par amour. Sa croix sera le pont qui abolit les limites et donne accès à la Miséricorde infinie de Dieu.
Il n’est pas bien difficile d’examiner notre propre situation sous le regard de Dieu en compagnie du Fils de Dieu, dans le voisinage tellement réel et si peu perceptible du démon, sous la conduite de Lazare, dans le dialogue poignant entre Abraham et l’homme riche.
Le carême nous appelle à entrer dans une relation toujours nouvelle avec Dieu, avec nos frères et sœurs de la famille humaine. Nous marcherons soutenus par la prière, le jeûne et l’aumône. Nous y ajouterons le sacrement de la réconciliation et de la Pénitence.
Le calendrier veut que ce carême 2017 corresponde en grande partie à une importante campagne électorale. Nous connaîtrons prochainement la liste officielle des candidatures. Chacun d’entre nous trouvera et prendra personnellement et collectivement les moyens de l’analyse, de la réflexion et du débat. Viendra l’heure de choisir.
Sans déterminer le nom inscrit sur le bulletin que nous déposerons dans l’enveloppe électorale, il n’est pas impossible que la méditation des deux textes évoqués dans ces quelques lignes nous suggère quelques critères sûrs et fiables de discernement.
Dans la prière de l’Église que font monter quotidiennement vers le Seigneur les moines, les moniales, les prêtres, les diacres, les chapitres de nos cathédrales, les religieux, les religieuses et les consacrés, il est fréquemment fait mention des réalités quotidiennes et des responsables qui reçoivent particulièrement la charge de les gérer. La période que nous traversons invite tous les fidèles à découvrir cette prière et à s’y associer. La prière du Corps entier de l’Église touche toujours le cœur de Dieu !
Dès à présent, j’invite tous les membres de la communauté diocésaine à participer à la Messe Chrismale qui sera célébrée le Mardi Saint 11 avril 2017 en la cathédrale d’Arras.
Bon parcours vers Pâques !
+ Jean-Paul Jaeger