Respecter l'homme dans sa vie et sa mort

Texte d'interview à Radio rcf T.O.

 

Interview lundi 8 décembre 2008

 

« Je suis tout à fait bouleversé d’apprendre qu’une fois de plus, les tombes du carré musulman du cimetière Notre-Dame de Lorette ont été profanées. C’est une grande tristesse pour moi et une cause de révolte que je partage très volontiers avec tous les Musulmans de chez nous qui sont heurtés par cette nouvelle atteinte grave qui touche à la dignité humaine.
 
Je voudrais bien dire combien je suis proche de tous ceux qui souffrent et qui sont heurtés, blessés et scandalisés par ce qui arrive à nouveau. C’est une attitude que tout être humain qui a un peu de conscience partage.
 
Les représentants de la communauté musulmane avaient rencontré Nicolas Sarkozy lors de la dernière profanation déjà. Il y avait donc ce souhait de sécuriser ce cimetière. Vous pensez que c’est vraiment quelque chose maintenant qu’il faut vraiment faire ?
 
C’est une question qu’il faudrait poser parce qu’effectivement il est impossible, en l’état actuel des moyens dont nous disposons, d’assurer la sécurité, le repos et la tranquillité de ces hommes qui sont morts en combattant sur la terre de notre pays. Il faut s’entendre pour trouver des moyens qui permettront de contre-carrer toutes les formes de la bêtise humaine. »
  Mgr+ Jean-Paul Jaeger.
 

Interview le jeudi 11 décembre 2008 

 

 

La communauté musulmanne choquée se rassemble Cimetière national de Lorette Profanation  
La communauté musulmanne choquée se rassemble
La communauté musulmanne choquée se rassemble
Les anthropologues s’accordent pour reconnaître que, dans la chaîne de l’évolution, le passage de l’animal à l’homme a été constaté au moment où l’être vivant a commencé à enterrer ses morts. Il est clair, pour eux, que le respect dû aux défunts et le culte qui les entoure constitue un signe d’humanité. En revanche, le refus de la sépulture se comprend, dans certains peuples, comme une suprême condamnation, un ultime signe de rejet, de mépris et d’exclusion.
 
Aujourd’hui encore, il est toujours grave et déshumanisant de porter atteinte aux lieux où reposent celles et ceux que la mort a emportés. Ce geste sacrilège affecte la mémoire et donc la personne des trépassés. Il blesse leurs familles, leurs groupes et leurs communautés. Il entame et dévalorise la dignité de ceux et celles qui le commettent.
 
Pour la troisième fois, des tombes de militaires, musulmans pour la plupart, Juifs pour quelques-uns, ont été profanées dans le cimetière de la colline de Notre Dame de Lorette. Cet acte répété qu’il devient difficile d’imputer à l’inconscience heurte la raison de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté. Nous partageons l’épreuve et la colère de proches qui souffrent d’un tel dédain. Nous nous sentons proches de communautés religieuses qui ressentent cet outrage comme une agression à l’égard de leur foi.
 
Quand des hommes ont été envoyés au front pendant la grande guerre, il ne leur a pas été demandé à quelle religion ils appartenaient. Les sangs se sont mêlés. Tous ont combattu pour défendre les mêmes valeurs, la même citoyenneté. Ils ont le droit au même repos, au même hommage, au même respect.
 
La mort n’a pas fait de distinctions. Serait-elle plus sage que l’intelligence, que le cœur d’hommes qui se plaisent à se dresser contre d’autres êtres humains qui ont, à leurs yeux, le tort de marquer à leur égard quelques différences ? La solidarité, l’unité, la confiance entre les personnes, les groupes, les peuples, les religions auraient-elle toujours besoin d’un ennemi pour se manifester et s’affirmer ?
 
J’ose croire que les actes odieux qui se sont produits sur la colline de Notre Dame de Lorette ne sont le fait que d’une poignée d’individus. Plaise à Dieu qu’ils n’en mesurent la portée et qu’ils puissent, un jour, la découvrir et la regretter !
 
Notre humanité est fragile. Elle peut, vite et souvent, être entraînée dans le tourbillon de la haine, de la division, de la guerre, de la dégradation.
 
L’indignation est légitime. Il nous faut aller plus loin. Par fidélité à tous les combattants dont la mémoire a été bafouée, il nous reste à mener ensemble, toutes religions et formes de pensée confondues, d’autres combats pour la promotion de la paix, de la justice, de compréhension, du développement. Nous avons à sauvegarder notre planète pour le bien commun des générations présentes et à venir.
 
N’attendons pas que des tombes soient souillées pour relever ce défi !
 
         Mgr Jean-Paul Jaeger