Benoit XVI "Caritas in veritate"
Caritas in veritate : la force de propulsion sociale de l’amour dans la vérité Aimer en vérité. A propos des questions sociales
Le 7 juillet 2009, Benoit XVI publiait une encyclique sur les questions sociale. Annoncée depuis deux ans, pour commémorer l’anniversaire de Populorum Progressio de Paul VI elle a été plusieurs fois reportée en raison des nouvelles questions posées par la crise économique et financière mondiale. Eglise d’Arras a demandé au Père Luc Dubrulle, du diocèse, et Directeur de l'Institut d'études religieuses - Institut catholique de Paris, de bien vouloir nous en faire une présentation succincte.
Une encyclique, c’est toujours un événement ! Mais une encyclique sociale, ça l’est encore plus ! Pourquoi ? Premièrement parce que, dans l’histoire des encycliques, la première encyclique sociale, Rerum novarum (1891) eut un retentissement considérable. Bernanos écrivit qu’elle fut un « coup de tonnerre ». Depuis, et c’est seulement vrai pour les encycliques sociales, les papes saisissent les anniversaires de Rerum novarum pour en sortir une nouvelle. Deuxièmement, parce qu’une encyclique « sociale » cherche à délivrer un message qui vaut pour toute la société, à la différence d’autres encycliques dont le but est généralement de fortifier la foi des croyants sur un sujet donné. D’ailleurs, Caritas in veritate est adressée « à tous les hommes de bonne volonté », comme la fameuse Constitution pastorale du concile Vatican II, Gaudium et spes.
Caritas in veritate se place dans le sillage de toutes les encycliques sociales, mais particulièrement dans celui de Populorum progressio (1967), que Benoît XVI ose qualifier de « Rerum novarum de l’époque contemporaine » (n°8). En effet, juste quelque temps après la fin du Concile, Paul VI avait consacré une encyclique à la question du développement, arguant que désormais, « la question sociale est devenue mondiale ». Avec deux années de retard, la nouvelle encyclique entend célébrer son quarantième anniversaire. Le développement est le nouveau nom de la question sociale. Caritas in veritate porte donc comme sous-titre : « sur le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité ».
Deux mots-clés : charité et vérité ! Nous sommes faits pour aimer dans la vérité ! C’est notre vocation ! L’axe central de l’encyclique consiste à conjuguer l’amour avec la vérité, de telle manière que cette conjugaison propulse l’humanité vers ce qu’elle doit être dans le dessein de Dieu. Nous le savons, la grande affaire du christianisme, c’est l’amour ! C’est l’amour qui vient de Dieu et dont les hommes sont le fruit avant que d’en devenir eux-mêmes les sujets pour tous leurs frères en vue de Dieu. Mais cet amour doit prendre forme sociale, sinon, il ne serait pas vrai ! Nous resterions dans l’affectivité, dans les sentiments. La foi et la raison élargissent cet amour aux dimensions de toute l’humanité, présente et encore à venir. La Doctrine sociale de l’Église est réponse au mystère de l’amour divin ! Il ne s’agit de rien moins que de rendre la vie sur terre divine !
L'homme au centre de l'agir chrétien. À partir de l'articulation programmatique entre amour et vérité, Benoît XVI ne cesse de poser la centralité de l’homme au cœur du développement mondial, mais de telle manière que l’homme soit toujours compris dans son ouverture à la transcendance de Dieu. De ce point de vue, certains pourront regretter le côté très régulièrement confessant de l’encyclique alors qu’elle est adressée à tous les hommes. C’est que pour le Pape - mais n’est-ce pas finalement une évidence chrétienne ? - le monde ne se sauvera pas sans Dieu. Et que c’est précisément en écartant Dieu qu’il se fourvoie dans des impasses technologiques, économiques, politiques et écologiques. De sorte que le plus grand service social à offrir au monde, c’est de lui proposer de croire ! Et Benoît XVI de plaider la place de Dieu dans l’espace public. En effet, l’ouverture à Dieu est le fondement inaliénable de la compréhension de l’humanité comme une grande famille, et des devoirs que nous avons les uns vis-à-vis des autres.
Au long des six chapitres qui constituent la plus longue encyclique sociale existante à ce jour, le pape veut provoquer l’ensemble des acteurs de la vie sociale à ne pas cesser d’être des chercheurs des fondements et de la finalité de la vie de l’homme et de tous les hommes. Ainsi deviendront-ils des justes qui visent le bien commun pour un vrai développement de chaque personne et de l’humanité. Caritas in veritate veut conduire les hommes à penser plus pour qu’ils aiment mieux ! L’intelligence et l’amour se compénètrent. De cette façon, et c’est une nouveauté, la Doctrine sociale de l’Église se présente comme une force de libération, dynamique et extraordinaire ! On parlait de « proposer la foi dans la société actuelle ». Il convient aussi maintenant de proposer au monde « la charité dans la vérité ».
Quelques phrases de l’encyclique à s’approprier et à débattre :
n°21. « La crise devient une occasion de discernement et elle met en capacité d’élaborer de nouveaux projets. C’est dans cette optique, confiants plutôt que résignés, qu’il convient d’affronter les difficultés du moment présent. »
n°38. « À côté de l’entreprise privée tournée vers le profit, et des divers types d’entreprises publiques, il est opportun que les organisations productrices qui poursuivent des buts mutualistes et sociaux puissent s’implanter et se développer. »
n°42. « Orienter la mondialisation de l’humanité en termes de relationnalité, de communion et de partage. »
n°43. « Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui sont tentés de prétendre ne rien devoir à personne, si ce n’est à eux-mêmes. […] Avoir en commun des devoirs réciproques mobilise beaucoup plus que la seule revendication de droits. »
n°66. « Acheter est non seulement un acte économique mais toujours un acte moral. Le consommateur a donc une responsabilité sociale précise qui va de pair avec la responsabilité sociale de l’entreprise. »
A méditer
Quelques mots et expressions de l’encyclique à laisser résonner, simplement classés par ordre alphabétique :
amour, architecture économique et financière internationale, autorité politique mondiale, charité, coopérative de consommation, démocratie économique, désarmement intégral, développement, écologie, Évangile, finance, force, intelligence, justice, microcrédit, pauvreté, personne humaine, politique, protection sociale, responsabilité, ressources énergétiques, sécurité alimentaire, style de vie, syndicats, transcendance, travail, Trinité, richesse, vérité, vocation
Quelle édition se procurer ?
On peut lire intégralement l’encyclique « à la source » à partir du dossier dans le site diocèsain ou celui de la Conférence des évêques. l’adresse suivante : (corriger Jn 8,22 par Jn 8,32).
Mais beaucoup préféreront une édition papier.
- L’édition « officielle » pour la France est publiée conjointement par Bayard - Cerf - Fleurus-Mame. Elle est préfacée par Mgr Descubes, président du Conseil Famille et Société. C’est la plus maniable, et la mieux reliée pour en user sans fatigue, 130 p., 5 €.
- Le Collège des Bernardins l’a également publiée aux éditions Parole et Silence - Lethielleux. Elle est moins maniable et moins bien reliée, mais propose une introduction, un guide de lecture, un historique et deux réactions. Surtout, elle a l’avantage de proposer 3 index : thématique, noms propres, biblique. 221 p., 6 €.
- L’édition Salvator présente l’inconvénient de reporter les notes en fin d’ouvrage, ce qui ne facilite pas la lecture. Mais c’est la moins chère ! 156 p., 4,90 €.
Père Luc Dubrulle
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Le Vatican a rendu public la troisième encyclique de Benoit XVI « La Charité dans la vérité », « Caritas in veritate », le 7 juillet. c’est aussi à la veille du sommet du G 8 des 8-10 juillet 2009, en Italie. Le document est cependant daté du 29 juin fête des apôtres Pierre et Paul. .
Dans le premier chapitre, le pape reprend les thématiques sociales contenues dans « Populorum progressio », (le développement des peuples, 1967). Ce faisant il renoue avec les papes conciliaires, qui semblaient évanouis dans un passé lointain. L’actualité économique et sociale de cette dernière année souhaitait une parole forte du pape. Mais il n’est pas dans le rôle de l’Eglise de présenter comme venues d’en-haut des solutions immédiates.
Pour mener à son terme la lettre, Benoit XVI s’est entouré de conseillers et de collectifs, de réflexion ; ce n’est donc pas l’œuvre d’un individu « en chambre ». Il est donc heureux que Benoit XVI ait repris une place depuis longtemps vacante, celle d’une Eglise attentive aux questions qui taraudent l’humanité en recherche de progrès pour tous. Les précédentes « encycliques sociales » on été élaborées en temps de crises et pour présenter l’approche faite par le monde catholique. Caritas in veritate ne faillit pas à cette tradition. Elle sera sans doute fort commentée et appréciée, en Eglise comme au-delà d’elle-même. Qu’elle soit publiée à la veille du G8 n’est sans doute pas fortuit.
L'encyclique veut rappeler les fondements d’une économie, d’une organisation « sociale de la société » qui remette au centre l'homme: tout l'homme et tous les hommes. Benoit XVI rappelle les exigences du respect de la dignité humaine, le service du bien commun comme critère de choix. Rappeler les dimensions éthiques de toute activité économique n’est pas un luxe. L’appel à ce que les états prennent davantage leur place, le souhait à ce qu’un ordre politique puisse exister au-dessus des économies rappelle des discours tenus depuis fort longtemps de la part de ceux qui contestaient le tout économique néolibéral qui ne considérait l’homme que comme homo oeconomicus. Elaboré à la demande de Jean-Paul II
La présence active du cardinal Tarcisio Bertone secrétaire d'Etat est à souligner. Avec le cardinal Martino, il s’est beaucoup dépensé pour promouvoir le compendium de la doctrine sociale. Non sans humour, ce dernier déclarait : « La doctrine sociale a longtemps été le secret le mieux gardé de l’Eglise ». Il souhaitait alors que l’enseignement des clercs et des laïcs sur la doctrine sociale soit davantage développée.
Comme pour les deux précédentes encycliques, il faudra bien du temps pour mesurer l’intérêt que porte Benoit XVI à l’homme dans un monde mondialisé qui oublie de placer l’homme au centre de sa réflexion et de ses décisions.
Dossier complet sur http://www.catholique.fr