Témoignage Aumonerie hospitalière

101010-Rejoindre la personne là où elle en est, dans sa vie

 Jacques Bonnet, membre de l’équipe d'aumônerie de la polyclinique de la Clarence, à Divion.

 

Le contexte


Je suis animateur de l’équipe d’aumônerie de la polyclinique de la Clarence à DIVION (diocèse d’Arras), depuis son ouverture il y a trois ans. Nous sommes neuf laïcs bénévoles accompagnés d’un prêtre et avons été nommés par notre Evêque pour une durée de 3 ans.
Lors de mes visites à la polyclinique, après avoir pris un temps de prière dans le bureau qui nous est octroyé et avoir pris connaissance des renseignements notés sur le cahier de liaison, mis mon badge « Aumônerie Catholique », je prends contact avec l’infirmière responsable du service dans lequel je me rends. Nous travaillons en étroite collaboration et les personnes qui ont besoin d’un soutien moral, spirituel ou isolées, sans famille, nous sont signalées.

 

Le récit d’une visite
 

accompagner le malade accompagner le malade  Un jour, une infirmière du service chirurgie ambulatoire me suggère d’aller voir une dame âgée de 80 ans. Cette personne s’est fracturé le col du fémur et exprime le désir de mourir. Sa fille accompagnée de son ami sont présents dans la chambre. Après avoir dit bonjour et m’être présenté comme membre de l’équipe d’aumônerie catholique de la polyclinique, la fille de cette dame me dit avoir essayé de la consoler, la raisonner sans résultat. Elle-même culpabilise de ne pouvoir consacrer plus de temps à sa maman.


J’écoute la dame âgée et après lui avoir laissé exprimer ses souffrances, je lui demande si elle souhaite que l’on prie pour elle. Avec son accord, sa fille et moi avons pris un temps de prière, j’avais posé main sur la main de la vieille dame. Nous avons récité le Notre Père, Je vous salue Marie. Puis j’ai fait un signe de croix sur le front de la dame avec mon pouce en disant « que Dieu vous bénisse ».


Le monsieur qui accompagnait sa fille était également présent et a simplement assisté à ce temps de prière en restant un peu en retrait. Puis j’ai raconté ce passage de l’Ancien Testament (Nombres 21,4-9) où le peuple hébreu murmurait contre Dieu et contre Moïse qui les avaient fait sortir d’Egypte et leur reprochaient de les faire mourir dans le désert sans pain et sans eau. Suite aux morsures des serpents que Dieu avait envoyés, ils demandèrent à Moïse de prier Dieu pour eux, ce que fit Moïse. Une oasis se laisse voir au lointain Le désert vu d'Arad  
Une oasis se laisse voir au lointain
Une oasis se laisse voir au lointain
Ceux qui avaient été mordus par un serpent dans le désert devaient regarder vers le Serpent d’airain que Moïse avait fabriqué, pour être sauvés. Il préfigurait le Christ Jésus, mort sur la croix et ressuscité, vers qui nous pouvons nous tourner lorsque l’épreuve nous atteint. Je lui ai dit que c’est ce que je faisais dans les moments difficiles, que je m’appuyais sur Lui en toutes choses et que sans Lui je ne sais pas comment j’aurais fait pour tenir. Jésus est quelqu’un sur qui on peut s’appuyer à qui on peut parler.


Cette personne a demandé à recevoir la Communion. Je lui ai donc apportée le dimanche qui a suivi. Elle était polonaise, fortement attachée à la tradition catholique, j’ai été surpris de ce qu’elle accepte de recevoir la communion des mains d’un laïc.


Lors d’une autre rencontre, c’est sa fille qui s’est confiée à moi dans le couloir, durant trois quarts d’heure. Hors situation sacramentelle bien sûr, je me trouvais quasiment dans la situation du prêtre qui reçoit la confession d’une personne. Je lui ai dit que Dieu ne la condamnait pas, citant Jean 3,17 « Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger mais pour sauver » qu’elle n’abandonnait pas sa mère parce qu’elle ne vivait pas avec elle et ne pouvait lui consacrer plus de temps. Elle s’est sentie déculpabilisée.


J’ai su par la suite que sa maman avait accepté de partir à l’issue de son séjour à la polyclinique, dans une maison de convalescence, alors qu’au départ elle ne voulait pas.

J’ignore totalement quels effets ont eus mes paroles et mes actes envers l’ami de la fille de cette dame, qui était présent dans la chambre lors de mes visites, mais il a écouté. J’ai toujours à l’esprit cette parole : « Ne retiens pas une parole qui peut sauver » Siracide 4, 23 (Ecclésiastique)
Dans ma démarche je suis, autant que possible, la pédagogie de Jésus dans le récit des pèlerins d’Emmaüs (Luc 24, 13-32) – Il s’approche des disciples, Les rejoint , marche avec eux, leur demande ce qui les préoccupe, les écoute, puis leur explique ce qui le concerne dans les Ecritures, se laisse retenir (donne son temps gratuitement), partage le pain.

 

Le récit d’une autre visite


Dernièrement, alors que j’étais rentré chez moi assez tard, après une longue journée de formation pour les membres de SEM, je partageais le repas avec ma famille. Il était presque 21 H00 lorsque le téléphone à sonné. Une femme en pleurs était à l’autre bout du fil. L’infirmière du service pneumo lui avait donné les coordonnées de l’aumônerie et elle souhaitait que quelqu’un vienne voir son père qui avait été hospitalisé d’urgence en fin d’après midi. Le médecin avait annoncé à la famille qu’il était en phase terminale d’un cancer des poumons après 18 mois de cette maladie. Je demande si la famille souhaite la présence d’un prêtre et il m’est répondu « non », le père n’étant pas pratiquant. Je dis que je viens dans les instants qui suivent.
 

Après le temps d’accueil mutuel, j’écoute chacun des membres de la famille présents. L’épouse, le frère, deux filles. Puis je propose un temps de prière pour monsieur G, ( qui est sous morphine) : une bénédiction de fin de vie.( la recommandation des mourants). J’explique la démarche puis nous entrons dans la célébration. Arrivé au temps de la Parole, je lis un psaume puis Jean 14, 1-4 : « Que votre cœur ne se trouble pas, croyez en Dieu et croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père il y a de nombreuses demeures. Sinon je n e vous aurais pas dit que je m’en vais pour vous préparer une place. Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai près de moi de sorte que vous soyez aussi là où je suis. » Je pose la main sur l’épaule du malade et j’invite la famille à en faire autant ou à lui tenir la main pour manifester la tendresse de Dieu.
Nous récitons le notre Père en nous tenant la main et celles de Mr G.


Puis la bénédiction, après avoir cité Osée 11, 4. Quand Dieu nous bénit, il regarde, le meilleur de nous mêmes, nous dévoile les liens d’amour avec lesquels il nous a menés, qui nous unissait à lui. Il nous relève, nous donne sa vie… « Que le Seigneur, Dieu de tendresse vous bénisse ». Au nom du Père…….St Esprit. Après avoir salué la famille je me retire et les laisse dans l’intimité.
Mr G est décédé dans la nuit.
Le lendemain le téléphone sonne, c’est l’une des filles qui me dit que la famille a décidé de faire des funérailles religieuses alors que jusque la veille, il n’en était pas question.

 

Relecture

 

Une attention particulière est portée aux personnes en fin de vie et dans ce cadre, une collaboration entre le personnel soignant et l’équipe d’aumônerie s’est mise en place. Il s’agit vraiment d’une collaboration différenciée, chacun concourt au bien de la personne hospitalisée, en fonction de sa spécificité. La personne est ainsi traitée dans sa globalité, sans dissocier « corps – âme – esprit ». Il s’agit d’une reconnaissance mutuelle de la part du personnel soignant et de l’équipe d’aumônerie, qui sont complémentaires.

 

la Parole de Dieu est la sorce de notre foi Bible  
la Parole de Dieu est la sorce de notre foi
la Parole de Dieu est la sorce de notre foi

Avec le prêtre qui nous accompagne, nous relisons chaque mois notre mission en équipe. Nous partageons la Parole et prions ensemble.Une seule fois, depuis ces trois ans, je n’ai pu annoncer quoi que ce soit, la personne m’a demandé de sortir, elle n’avait pas de temps à perdre. Son épouse était présente et pour peu de temps. Je me suis excusé et suis parti.

 

Le coup classique est : « S’il y avait un bon Dieu tout ça n’arriverait pas ». Comme si Dieu était responsable de tous nos maux. Dans ce cas mon attitude est tout simplement de laisser la personne exprimer ses sentiments, sa révolte, écouter. On a parfois l’impression que rien ne s’est passé, mais si, on a permis à quelqu’un de se libérer de ce qu’elle avait sur le cœur…

 

Je pense aussi parfois aux situations dans lesquelles j’ai été comme Pierre, reniant ma foi en Jésus-Christ, tout simplement en ne disant rien alors que, comme la jeune servante dans la cour de la maison du grand prêtre, on me dit implicitement : N’es-tu pas toi aussi un disciple de cet Homme-Là ? Soyons alors heureux de dire oui, je le connais et de le faire connaître ; et pour conclure je voudrais vous lire le début de la 1ère lettre de Jean : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, car la Vie s’est manifestée, nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons pour que vous aussi soyez en communion avec nous….Tous ceci nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète. »