La province de Rouen fête ses 350 ans
Communauté des Soeurs de l'Enfant-Jésus
Notre première école a été fondée en 1662 à Sotteville- lés- Rouen. C’est bien modestement dans une maison, une salle paroissiale que les "premières maîtresses charitables" accueillaient les petites et jeunes filles des milieux pauvres. Fonder une école… mais, quelle école ? Fallait-il vraiment permettre à la classe populaire la plus défavorisée d’accéder à un minimum de culture ?
Était-ce utile de faire accéder "ces gens-là" à la lecture, à l’écriture… c'est-à-dire de leur permettre, non seulement l’accès à des livres, mais leur permettre l’accès à la lecture des pages de leur propre vie, n’était-ce pas alors éveiller un esprit critique face à l’organisation sociale et politique d’une France en peine de s’ériger en royaume ? Ces "filles de rien" avaient-elles besoin de savoir compter au point de réaliser combien leur vie était coûteuse aux yeux de leurs parents pressés de les placer au plus vite, voire - dans les cas de misère extrême - de profiter d’elles par la prostitution.
Nicolas Barré, religieux minime est nommé à Rouen dans l’actuel couvent des Bénédictines du Saint Sacrement rue Bourg l’Abbé qui était son monastère à l’époque. Sur le linteau du portail d’entrée vous pouvez observer ce petit bas relief représentant un moine minime.
Ce grand spirituel vient de passer de grandes épreuves personnelles : dépression ? découragement ? lassitude ? Deux années passées dans son pays natal de Picardie lui redonnent la santé. Cet intellectuel qui a brillé jusqu’au point d’en être déstabilisé par un travail excessif lié à des jeûnes exigeants, revient de cette épreuve disponible, conscient de la détresse spirituelle de son époque.
Il est aussi un grand amoureux de Dieu. Il prie, médite, lit et écrit beaucoup. Comme un guetteur sur les remparts des villes, il observe à Rouen ces petites masures faites d’une seule pièce au sol en terre battue, enfants et parents partageant la même couche. Il voit le désœuvrement de ces filles qui ne "valent" rien et coûtent beaucoup.
Lorsqu’il prêche à la chapelle de son couvent le dimanche après- midi, le "tout-Rouen" se presse pour l’écouter… Saine distraction qui va permettre à l’une ou l’autre de commencer une sainte action.
Des femmes non seulement s’émeuvent, mais choisissent de changer de vie : Madame de Maillefer en tenue d’apparat, choisit la robe de pauvre au grand dam de son mari désemparé devant une telle folie aux yeux de la haute bourgeoisie et de la noblesse rouennaise. Anne Corneille (cousine de Pierre Corneille), Françoise Duval etc., riches ou pauvres, ces femmes lettrées ou qui le deviendront grâce à leur labeur, répondent à ces prédications en s’engageant comme "maîtresses charitables", elles vont permettre aux filles pauvres de se relever de leur condition par le moyen des petites écoles chrétiennes gratuites.
Au XVIIème siècle, le succès de leur catéchisme sous forme de missions et des écoles posa quelques problèmes : certains curés voient d’un mauvais œil ces femmes catéchistes, les maîtres écrivains rémunérés pour l’enseignement de la lecture et de l’écriture craignent pour leurs revenus, mais c’était sans connaître le vrai projet de Nicolas Barré et de ces premières maîtresses charitables.
"L’Institut est né du cœur de Dieu même, lequel a aimé le monde jusqu’à ce point que de donner son Fils unique pour instruire les hommes et leur enseigner le chemin du salut, afin que ceux qui croient en Lui ne périssent point mais aient la Vie éternelle" (Statuts et règlements, chapitre 1 article 1)
Il ne s’agit donc pas seulement d’une œuvre humaine, mais d’un agir éducatif jailli du cœur même de Dieu. Les maîtresses charitables d’hier comme celles d’aujourd’hui sont appelées, parce que l’amour les pousse, à se donner comme Dieu se donne en et par le Christ, de telle manière que l’éducation offerte aux enfants et plus particulièrement aux pauvres leur soit un chemin de salut.
Aujourd’hui, en lien avec les diocèses, avec l’Enseignement catholique, les Sœurs Enfant Jésus Providence de Rouen et les Sœurs Enfant Jésus Nicolas Barré continuent de se nourrir de la puissance spirituelle de ce Fondateur en adaptant les formes apostoliques dans notre monde en pleine mutation. Par nos divers modes de présence dans les diocèses, dans le domaine scolaire, les associations, les paroisses, nous témoignons de l’actualité éprouvée et fondatrice de cette œuvre.
Année jubilaire du 23 octobre 2011 au 21 octobre 2012