Homélie ordination diaconale- Christophe

Texte intégral de l'homélie de Mr Jaeger.

 Evangile : la parabole des talents, en Matthieu 25.

 

Mgr Jaeger Lens ordination diaconale  
Mgr Jaeger
Mgr Jaeger
La liturgie nous offre la lecture d'Evangiles, comme ce dimanche, la parabole des talents… Avant d’entrer dans une nouvelle année avec le premier dimanche de l’avant qui nous mènera à Noel. Vous avez lui comme moi que la fin d monde était annoncée pour la fin de monde à 11h. Il eut été dommage de préparer l’ordination diaconale de Christophe en pure perte de temps : 6 ans de séminaire pour un cataclysme, nul ne peut imaginer un tel scénario dramatique et stérile. Les chrétiens n’ont pas peur de la fin, de l’achèvement, de la mort elle-même. Ils savent depuis le matin de Pâques que tout être humain est fait pour la vie.

Toute forme de disparition est un passage vers la vie plus forte que tout, plus forte que la mort. Certes, nous sommes avec ces affirmations dans le domaine de la foi. Si nos capacités humaines peuvent pressentir la réalité que ces formules expriment, elles ne nous permettent pas encore d’en accueillir et d’en partager la pleine et parfaite réalisation. Unis au Christ qui a vaincu la mort, greffés sur lui, faisons route avec Lui, nous percevons les signes de ce renouveau de la vie dans l’existence humaine. La vie que nous qualifions d’éternelle, nous est déjà offerte, même si le voile de notre faiblesse, de notre pauvreté, de nos limites, de nos péchés la dissimulent encore à nos yeux, et la cache dans nos réussites et nos échecs, dans os espoirs et nos déceptions, dans nos solidarités et dans nos égoïsmes.


La contemplation des tympans des cathédrales nous fait souvent frémir, nos y voyons rôtir en enfer des papes, des évêques, des prêtres, des moines, des religieux et religieuses. Mais ces sculptures laissent parfois supposer qu’un jugement implacable doit servir de laissez-passer pour entrer dans l’éternité bienheureuse. La Parole de Dieu ne nous dit pas tout-à-fait cela. Certes, nous devons rendre des comptes. L’évangile nous le redisait à l’instant. Mais il ne s’agit pas de nous préparer en toute hâte à une ultime revue de détail pour passer une porte, d’ajuster en dernière minute tous les élements d’une vie, d’en ravaler d’urgence la façade pour qu’elle puisse séduire et attendrir le Juge. C’est aujourd’hui et ici-bas que s’apprécie déjà la valeur et la richesse de la vie humaine. C’est aujourd’hui et ici-bas que se vérifie la fidélité la loyauté de notre engagement à la suite du Christ. C’est aujourd’hui et ici-bas que le chemin du quotidien reçoit déjà saveur d’éternité.

 

Non! Dans l’Evangile, le Christ ne parle pas d’un jugement dernier mais de sa venue. Il ne vient pas à la rencontre de justiciables, mais de serviteurs à qui il a confié ses biens. A l’instant même que peut-il nous être reprochés à nous qui sommes ici ? Tout simplement d’attendre béatement, de restituer intact le dépôt de la vie de l’amour du bonheur que le Seigneur remet entre nos mains pour le bien de tous. Où trouvons-nous la joie ? La réponse est claire d’après l’Evangile. En étant d’authentiques serviteurs.

 

La parabole utilisée par Jésus prend un relief particulier et que malgré l’austérité du moment nous ne pouvons pas nous empêcher d’accueillir avec humour. Placer l’argent et y retrouver en retour les intérêts, relève, à l’heure qu’il est d’une douce naïveté ou d’un imprudent quitte ou double, même si le conseil est donné par Jésus. Si d’aventure le voyage du maître dont parle Jésus a pour but tel ou tel pays d’Europe qu’une élémentaire charité m’empêche de citer, c’est vraiment la ruine.

 

En revanche, le Christ lui-même nous indique une voie humaine qu’en des temps difficiles nous serions bien inspirés de suivre. C’est en serviteur qu’il nous revient de gérer les biens dont nous ne sommes que les usagers transitoires. C’est en serviteur qu’il nous faut partager dans l’intérêt de toute la famille humaine. C’est en serviteur qu’il nous faut promouvoir une justice, une paix, une vérité, un respect qui trouvent dans l’amour leur origine et s’épanouissent en fraternité.

 

Le diaconat que va recevoir dans quelques instants Christophe ne constitue pas une forme atténuée du ministère des évêques et des prêtres. Il ne peut pas non plus être considéré comme un brevet de bons et loyaux services rendus à la société et dans l’Eglise. Le ministère diaconal façonne un être humain à l’image du Christ qui se fait serviteur de son Père et de ses frères quand il prend chair de notre chair, habite chez les hommes, donne sa vie par amour, et reçoit la vie nouvelle et éternelle au matin de Pâques.


A l’occasion du concile Vatican II dont nous fêterons l’an prochain le cinquantième anniversaire de l’ouverture, l’Eglise a rétabli le diaconat comme l’une des formes permanentes du sacrement de l’Ordre. Elle affirmait ainsi que si le Christ est l’unique pasteur du peuple de Dieu, signifié par ses évêques et ses prêtres, il est aussi le signe du serviteur par excellence, le modèle et l’accomplissement de tout service au bénéfice de l’humanité qui aspire à son salut.

 

Ces mots ne renvoient pas seulement à de belles définitions théologiques ou à un catéchisme, lesquels entrent bien sûr dans le cadre de la formation du peuple de Dieu. Les évènements qui agitent actuellement la planète donnent à ces mots une signification bien concrète, douloureuse pour trop d’hommes et de femmes si notre terre, tout près de nous ou loin de nous. En nous tournant vers l’avenir absolu de l’humanité, le Christ utilise une image qui met en scène l’argent. Les craintes qui se manifestent à travers le monde et le monde entier gravitent depuis quelques mois autour de cet argent. Il est un instrument utile et nécessaire qui se transforme trop souvent en être tyran nique et redouté. Quand l’argent devient une idole, il se retourne lui-même contre ceux qui lui ont donné une existence factice, ont voulu jouer avec lui, par lui et se sont joués de lui. On sait quels drames se produisent, quelles catastrophes les humeurs de l’argent engendrent. Les plus faibles, les plus pauvres, les plus démunis en sont toujours les premières victimes.

 

Il appartient au citoyen que nous sommes, aux responsables que nous appelons à nous représenter, de revenir à la réalité et d’honorer les vrais talents qui ne se monnayent pas et pour entrer dans la joie de Dieu qui nous donne la vie, du Fils de Dieu qui nous relève, de l’Esprit de Dieu qui vient faire dans le monde toute chose nouvelle. L’Eglise ne remplacera jamais la Banque centrale européenne ou le FMI. Elle ne se substituera jamais aux instances économiques, sociales et politiques, même s’il est heureux et nécessaire que certains de ses membres au nom de leur citoyenneté s’y engagent résolument.


Christophe, tu vas servir avec le Christ, en qualité de ministre ordonné, tu vas servir les enfants de Dieu et l’humanité. Tu les inviteras à se laisser habiter par la Parole de Dieu, Bonne Nouvelle que tu annonceras pour eux et avec eux. Tu leur communiqueras la vie de Dieu par les sacrements. Tu leur montreras qu’en passant de la domination et de la possession, de la spéculation et de la manipulation au service, l’être humain entre déjà dans la joie de son Père et qu’il reçoit des frères. C’est toujours et maintenant que le Seigneur vient. Non, l’authentique serviteur n’a pas à redouter les pleurs et les grincements dont il était question dans l’Evangile. Peu lui importe le jour et l’heure d’une fin du monde toujours programmée et remise à plus tard. L’authentique serviteur célèbre déjà le bonheur qu’il a reçu de Dieu comme un inestimable trésor à partager. Il n’en est que le gestionnaire il n’a trouvé en son Seigneur : le serviteur n’a que l’amour à donner. Mais son investissement reçoit en retour l’abondance : quelle belle banque.


La situation de notre monde et de notre société nous invitent, en ce jour d’ordination à proposer en tous lieux et à tous les âges le bien unique et inestimable de l’amour qui vient de Dieu ; à accueillir, à rejoindre et accompagner les hommes et les femmes, surtout les jeunes, qui aspirent à être reconnus comme les enfants du même Père les frères et les sœurs d’une même famille. Ce projet qui nous dépasse est vraiment divin. Le Seigneur a l’audace de nous associer à sa réalisation parce qu’il est possible et nécessaire de travailler à ce projet d’amour. Christophe est ordonné diacre.
 

Mgr Jaeger