Funérailles de Jérôme Régnier,

Homélies et textes lus ou recueillis en hommage

Homélie des funérailles par le père Bruno Cazin,

Chapelle de la Maison diocésaine Charles Borromee  
Chapelle de la Maison diocésaine
Chapelle de la Maison diocésaine
 prononcée par le père Bruno Cazin, vicaire épiscopal, vice-recteur de l’Université Catholique de Lille.


Passionné par la vie des hommes et les questions sociales, Jérôme s’est pleinement investi dans l’action. Il défendait avec ardeur l’importance de donner corps au salut dans l’histoire, dans l’existence concrète des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Il dénonçait volontiers l’accent excessif mis sur l’au-delà par la prédication et la piété des siècles passés. Par humilité, par modestie, il préférait se taire devant le mystère de la vie après la mort et s’investir totalement dans le présent pour y manifester la puissance de l’amour de Dieu à l’œuvre. Telle était la tâche qu’il s’était donnée, pardon, qu’il avait reçue comme prêtre, missionnaire de l’Evangile.


Ainsi, vous l’avez compris, prononcer l’homélie pour l’eucharistie de ses funérailles est un exercice délicat pour l’ancien étudiant des cours de théologie morale de la fin des années 80 et l’humble successeur que je suis au poste de vice-recteur de l’Université Catholique de Lille. Néanmoins, alors que nous saluons la mémoire de celui qui nous a quittés après une longue vie de service, il nous est facile de voir l’action de Dieu dans le ministère fécond de Jérôme et, par là-même, de faire le lien entre le quotidien de l’histoire et le bonheur de la vie éternelle en Dieu. Ce lien, nous le faisons volontiers avec Jérôme et avec toute l’Eglise ; nous le célèbrerons dans un instant dans l’eucharistie.

 

Ce lien, c’est le Christ en sa Pâque qui nous permet de le faire. C’est lui qui manifeste de manière éclatante combien l’amour vient de Dieu, combien l’amour est Dieu, puissance de vie et de résurrection, plus forte que le mal et tout ce qui anéantit l’homme. Aussi les paroles de St Jean dans sa première lettre résonnent cet après-midi avec une acuité particulière : « Parce que nous aimons nos frères, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie. Voici à quoi nous avons reconnu l’amour : lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. »


Jérôme était ancré dans cette expérience de foi, enraciné solidement dans l’espérance de l’Eglise. C’est ce qui lui permettait d’être le témoin infatigable de l’amour de Dieu pour les hommes. Il a mis toute son énergie, son intelligence, son humour au service de l’annonce de l’Evangile. Nous lui avons connu ce regard malicieux, ce visage pétillant de vitalité et de bienveillance, ce rire légendaire qui témoignait d’une grande liberté intérieure. Il transmettait volontiers sa flamme à ses élèves et à ses nombreux interlocuteurs.

 

Facultés catholiques de Lille lille.jpg Facultés catholiques de Lille lille.jpg   Curieux de tout, il était à l’écoute des attentes de ses contemporains, sensible à leurs questions. Il avait l’art d’entrer en dialogue avec ceux qui ne partagent pas notre foi ou à ceux qu’on appelle volontiers les chrétiens du parvis. Il avait le souci de rendre la foi crédible, mesurant l’abîme culturel qui s’était créé au fil des siècles entre l’Eglise et des pans entiers de la société. Au séminaire d’Arras puis à l’Université Catholique de Lille, il a pu déployer ses talents de pédagogue et communiquer son enthousiasme pour tout ce qui contribuait à faire grandir l’homme et à humaniser la société.

 

Comme l’écrivait mon prédécesseur comme vice-recteur de la Catho, le Père Bernard Podvin dans un message très sympathique : « S’il usa d’une étonnante liberté d’expression envers les Institutions au point de taquiner les mitres, c’était par primauté de l’humain et sacramentalité de l’Eglise. » Jérôme a traversé les profonds bouleversements du siècle dernier dans un esprit d’accueil et d’ouverture, à l’unisson du Concile Vatican II, de sa bienveillance pour l’homme d’aujourd’hui et de son souffle missionnaire. Comme directeur de l’EMACAS « école des missionnaires d’action catholique et sociale » puis de l’IPER, institut pastoral d’études religieuses, comme vice-recteur auprès de Michel Falise, et comme enseignant-chercheur en théologie morale et en éthique, Jérôme contribua largement au dynamisme et au rayonnement de l’Université Catholique de Lille et au virage heureux pris après les soubresauts de Mai 68.


Aujourd’hui, nous rendons grâce à Dieu pour la vie et le ministère de Jérôme. La peine de la séparation ne peut l’emporter sur le bonheur communicatif que Jérôme nous a transmis. Dans la foi, nous reconnaissons la source de ce bonheur dans le Christ que Jérôme a suivi tout au long de sa vie. Prêtre, il était signe de cet amour de Dieu offert à tous les hommes, signe de cette confiance filiale que Jésus nous donne en partage dans l’Esprit Saint. C’est dans le Christ qu’il puisait sa joie et sa liberté, ainsi que cette aptitude à donner et à se donner. En lui, en effet, il avait appris à se recevoir de Dieu. Demandons au Seigneur d’accueillir son serviteur ou plutôt son ami. Gageons que Jérôme ne sera pas dépaysé au Ciel et pourra découvrir en pleine clarté ce pourquoi il a vécu et même combattu en ce monde : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive, et là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » Amen

 

Mot d'accueil par M. François Rolin

 

Nous voici rassemblés dans cette chapelle du Grand Séminaire pour célébrer dans la Foi et l'amitié le départ vers Dieu et l'entrée dans la pleine communion des Saints, de notre frère et ami, Jérôme Régnier. Jérôme, appelé ainsi amicalement par tous, a occupé longtemps une place tout à fait particulière et peut-être même essentielle dans le diocèse d'Arras. D'abord professeur de théologie morale au séminaire, puis directeur d'une Ecole de Formation Permanente en Pastorale et en Action catholique (EMACAS) dans la suite, l'Institut Pastoral d'Etudes Religieuses de Lille (IPER) et, dernière étape de sa vie, Vice-Recteur de l'Université Catholique de Lille.

 

Le Père Régnier a marqué profondément de nombreux séminaristes, prêtres et même évêques, religieux et laïcs, par la formation théologique et morale qu'il a donnée, par son dynamisme et son ouverture au monde. D'une grand intelligence, d'un sens pastoral très aigu, audacieux et courageux avec une grande liberté intellectuelle et un humour toujours appelant à l'optimisme, Jérôme n'a eu de cesse, toute sa vie, de témoigner de sa Foi en Jésus-Christ et de servir l'Eglise qu'il voulait « servante et pauvre », selon l'expression du pape Jean XXIII au concile Vatican II. Concile qu'il a suivi avec enthousiasme en le préparant, en l'expliquant et en mettant en oeuvre toutes ses recommandations. Combien de conférences, de sessions et d'écrits sur le thème de « Gaudium et Spes » C'est ainsi que beaucoup de chrétiens ujourd'hui reconnaissent en lui un grand prophète de notre temps.


Passionné des hommes et passionné de Dieu, Jérôme avait une foi en Jésus-Christ profonde et rayonnante. L'humanité de Jésus était pour lui la révélation du visage de Dieu. Toute sa vie, il a lutté pour désaliéner Dieu de toutes les fausses images. Son itinéraire de croyant a été constamment inspiré du conseil donné par le prophète Michée : « On t'a fait savoir ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d'autre que d'accompagner la Justice, d'aimer avec tendresse et de marcher humblement avec Dieu ».


Jerome était profondément humain. Peut-être se référait-il souvent à Marcel Légaut qui écrivait : « On ne devient pas chrétien si l'on ne devient pas humain » ou au Pere Chenu, son theologien conciliaire préféré « Que l'homme soit davantage homme et Dieu sera davantage Dieu ». Deux convictions évangéliques animaient et donnaient sens à sa vie : la premiere est qu'il est impossible de croire en Dieu si l'on ne croit pas en l'homme. La deuxième, qui découle de la premiere, est que nous serons jugés non pas sur nos pratiques religieuses, mais sur les relations entretenues avec nos frères les hommes.


« Faire bien l'homme » comme disait Montaigne et promouvoir un vivre-ensemble fraternel digne pour l'homme et harmonieux, étaient chez lui le fondement de la Justice qu'il enseigna toute sa vie. Dans une approche humaine, plus pastorale que doctrinale, ii préconisait une morale de la miséricorde et de la compassion et non celle, rigide, étroite et intransigeante, trop courante encore aujourd'hui. II pensait, à la suite de Paul Ricoeur, que la morale de conviction et la morale de la responsabilité étaient intrinsèquement unies et qu'elles se fécondaient l'une l'autre. Merci à Jérôme de nous avoir ouvert, parfois avec audace, les voies de l'humanisation et de nous avoir toujours appelés à l'excellence en humanité.


La vie et le discours de Jérôme Régnier qui nous rassemble aujourd'hui, ont toujours porté haut et fort le message de la communion fraternelle et universelle et des signes du Royaume, en particulier l'amour du pauvre et la reconciliation. A la suite de Saint Paul, il disait : « Nous sommes des ambassadeurs de la réconciliation ». SeIon lui, le pardon, et le pardon des ennemis, sont la clé du message chrétien. La fraternité universelle était chez lui l'expression de l'amour de Dieu pour son peuple. Ces derniers temps, il aimait citer la phrase du païen Celse au IIème siècle : « Les chrétiens sont des gens curieux, leur premier législateur leur a dit qu'ils étaient frères et ils l'ont cru ».


Pour lui, la mission essentielle de l'Eglise, à laquelle il était radicalement attaché, est de témoigner du message de la fraternité et ainsi de mettre les hommes à la suite de Jésus-le-Christ. J'ai eu la grâce de vivre plus près de Jérôme dans les derniers moments de sa vie. C'est ce discours de fraternité qu'il répétait sans cesse. Il me parlait de tous ses frères prêtres qui étaient partis avant lui, il revoyait leur visage et se souvenait même précisément de leur année de naissance. Sans doute, avec l'humour qu'il n'a jamais perdu, il me faisait un clin d'oeil et répétait souvent, à mesure que le grand passage approchait : « Je suis au bout du rouleau », « A la grâce de Dieu », « Je vis dans la confiance... ».
Que le pain partagé à la table eucharistique autour de Jérôme nous convertisse en hommes de partage.
D'auprès du Père, Jérôme, j'en suis sûr, ne manquera pas de nous faire un clin d'oeil I
François Rolin 21 juillet 2011
 

Texte de Mgr Jaeger, évêque d'Arras

 

Dans la discrétion de l’été, une forte voix s’est éteinte. Nous confions le Père Jérôme Régnier à son Seigneur, Celui qu’il a suivi et servi avec fidélité et conviction.


Absent et loin d’Arras, il ne m’est pas possible de présider l’assemblée qui célèbre l’Eucharistie de ses funérailles. Je m’unis à la prière et à l’hommage de sa famille que je salue, de ses frères prêtres, de la communauté de l’Université Catholique de Lille, de tous les étudiants qui, à un titre ou à un autre, ont bénéficié, bien au-delà de nos frontières, du ministère et de l’enseignement du Père Régnier.


Jérôme fut un ardent promoteur de la Doctrine sociale de l’Eglise. Il était entré dans celle belle tradition qui, dans l’Eglise, a fait le renom de notre région et de son Université Catholique. Il ne s’est pas contenté de faire découvrir des textes et une histoire. Il a contribué à inscrire dans les recherches et les réalisations de notre société la Parole du Christ venu apporter la Vie à tout homme.


Nous garderons mémoire de son enthousiasme, de sa liberté de ton et de son humour. Ils égratignaient parfois les structures, les pouvoirs et les hiérarchies, mais traduisaient un profond attachement au Christ, à l’Evangile, à l’Eglise, à notre humanité. Une authentique fraternité l’emportait toujours sur les débats jamais clos et les remises en question permanentes.


Le Père Régnier a gardé le constant souci de révéler dans notre monde le Royaume que le Seigneur évoque Lui-même si humble et petit. Que par la grâce de Dieu, la mort et la résurrection de Jésus, le Christ, il en savoure maintenant la plénitude !


Notre chemin se poursuit. Que la lumière qu’a allumé et entretenu pour nous, Jérôme Régnier illumine notre route !

 

+Jean-Paul Jaeger
 

 

Textes lus par Madame Geneviève Lebrun,

présidente-recteur de la faculté de théologie de Lille, 

 

Texte écrit par le Père Arnauld Chillon,

curé de la Cathédrale de la Treille (Lille) :

 

« Un passionné d' un évangile de liberté et d' une Église au service de l’humanisation de la vie. Un chercheur engagé pour un christianisme audible, crédible, heureux du monde de maintenant, s offrant en partenariat pour que grandisse l’être humain, et humble aussi. Il croyait en un Dieu qui croit et espère sans cesse en tout être vivant. Il nous a appris une morale porteuse de cette espérance libératrice, responsabilisante, compatissante, jamais culpabilisante ou condescendante. Il aimait ce monde et s’en sentait solidaire, jusque dans ses interrogations et ses recherches. Il est de ceux qui nous ont appris que dire quelque chose au monde au nom de Dieu demandait d' aimer Dieu et le monde, sous peine de parler faux ou creux. C’est chance que de l’avoir rencontré et de l’avoir eu comme éducateur pendant la formation au séminaire ».

 

Texte écrit par Monsieur Gaston Vandecandelaere,

Président-Recteur Honoraire de l’Université Catholique de Lille :

 

« Chère Thérèse et Cher Jean [Ndlr : il s’agit de Jean Boulangé, Vice-Recteur Honoraire de l’Université Catholique de Lille], l'annonce du décès de Jérôme m'a beaucoup touché. Je pense qu'il faisait partie de nos Maîtres. Il m'a fait connaître et apprécier en particulier l'enseignement social de l'Eglise, le sens de l'Eglise et la place de chacun dans sa mission, l'essentiel de l'Ethique et tout cela, sans se prendre au sérieux et en sachant se faire comprendre d'un grand nombre... Une grande perte pour la communauté de la Catho, de l'Eglise et plus largement encore. Il aurait été très difficile que je sois présent à Arras cet après midi. Je vous prie de m'excuser auprès de tous nos amis. Je suis près de vous par la pensée, par l'amitié et par la prière ».

 

Texte écrit par Monseigneur Laurent Ulrich,

Archevêque de Lille et Chancelier de l’Université Catholique de Lille :

Le Père Jérôme Régnier, ancien professeur et ancien Vice-Recteur de l’Université Catholique de Lille, a quitté ce monde pour rejoindre le Père qu’il a servi avec grande énergie et intelligence. Il avait particulièrement à cœur d’enseigner, faire comprendre et apprécier la justesse de la doctrine sociale de l’Eglise, chacun s’en souviendra. Ceux qui l’ont écouté ou lu en auront été marqués. Il avait des auditeurs et des étudiants venus du monde entier, et beaucoup de prêtres, de diacres, de religieux, beaucoup de laïcs ont suivi son enseignement avec passion et grand intérêt pour leur vie personnelle et pour leur engagement au service des autres et de la société. Prêtre du diocèse d’Arras, il a vécu la presque totalité de son ministère dans le diocèse de Lille auquel il était très attaché et qui lui est reconnaissant. En union avec vous, nous prions pour lui ».

Communiqués par Thérèse Lebrun, Président-Recteur 

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 14860 visites

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