Rendez-vous en Galilée
Assemblée des religieuses apostoliques de la région
Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée,
c’est là qu’ils me verront.
Au cours de l’année de la Vie consacrée, les religieux et religieuses en équipes apostoliques (Fédear) avaient organisé une rencontre nationale à Lourdes en octobre 2015. La réflexion préparatoire reprenait la parole de Jésus aux femmes, selon Matthieu : “Allez dire à mes frères de se rendre en Galilée, c’est là qu’ils me verront” Mtt 28, 10.
A Lourdes, en octobre 2015
De nombreuses équipes ont préparé le rassemblement à Lourdes en cherchant comment, dans le dynamisme de leurs congrégations et communautés, elles avaient pu témoigner du dynamisme et de la joie de la vie religieuse apostolique. De par leur charismes, elles sont proches des lieux de vie de l’humanité actuelle, dans la diversité de leurs insertions. Leurs Galilées portent des noms divers : quartier, maison de retraite, travail, monde rural, prisons, hôpitaux, migrants, paroisse, etc. C’est là que se vivent et partagent les morts et résurrections avec les femmes et les hommes d’aujourd’hui. C’est là que chacun et chacune a rendez-vous. C’est là que la vitalité de la vie religieuse se laisse questionner et bousculer pour être parole vivante de Celui qui est Verbe de Vie.
Au cours de la rencontre nationale des témoignages furent apportés, par forum, avec des titres révélant les questions existentielles de la vie religieuse apostolique :
- Rester en éveil apostolique en foyer-logement, EHPAD, maison de retraite.
- Aux frontières des Droits de l’Homme, avec tous les “sans” liberté, papiers, travail, logement.
- Choisir de vivre en quartier populaire dans un milieu pluri-culturel et pluri-religieux.
- Habiter les espaces ruraux aujourd’hui.
- L’avenir de la Planète “terre”.
- Rien d’ordinaire dans une pastorale “ordinaire”.
Un exemple : leur vie de consacrées avec les “sans”,
Leur vie « SANS » nous rejoint, nous touche, et nous fait bouger dans nos propres «Sans ».
Elle interpelle nos enfermements et notre liberté, notre pauvreté, notre affectivité, notre solitude, notre pouvoir et notre dépendance. Elle est en lien avec nos vœux. Quand nous les vivons, elles nous poussent à nous sentir solidaires des personnes incarcérées qui en font l'expérience avec une très grande intensité et qui nous en parlent ouvertement.
Ces personnes nous renvoient concrètement, en même temps, à la vie de Jésus. Elles nous font découvrir une partie de sa vie, qui leur ressemble : Être arrêté, mis en garde à vue, jugé, humilié, condamné, injurié, abandonné par ses amis (avec tout ce qu'il y a derrière ces situations). Ce n'est pas pour rien que Jésus a dit : "J'étais en prison et vous êtes venus me voir " ... Il en connaît un bout...
- Ce Jésus nous rappelle à vivre tous nos « Sans» «AVEC » Lui,
- à lui parler de tous les « Sans» rencontrés.
- à regarder et partager cette vie avec nos communautés de vie et/ou de réflexion en Fedear, - à faire connaître la vie de ces frères-là,
- et bien sûr, à être présent à ces personnes, nos frères en humanité.
A Arras, le 20 février 2016
La rencontre nationale fut l’occasion d’interventions biblique et spirituelle pour mieux comprendre la parole de Jésus selon Matthieu et recevoir l’appel du Christ pour aujourd’hui. Pour toutes celles qui n’ont pu se rendre à Lourdes, une journée rassemblait religieuses et religieux des trois diocèses à la Maison diocésaine d’Arras.
L’intervention de sœur Marie-Laure Dénés à Lourdes a été revisitée au cours de la journée de février. “Se rendre en Galilée”, qu’est-ce à dire ?
Bien sûr, on aura retenu Galilée comme Galilée des nations, mais encore : n’est-ce pas un appel à prendre au sérieux le chemin de l’histoire, tout comme l’a fait Jésus en s’incarnant dans un pays et une histoire bien particuliers ? Dieu a pris et prend encore aujourd’hui le risque de l’histoire des hommes. Avec Jésus et nous à sa suite, nous nous mettons en situation d’écoute, d’attention, et en capacité de scruter les signes des temps. Se rendre en Galilée, nos Galilées d’aujourd’hui, c’est entrer en sympathie avec le monde, pour y faire entendre une exigence, comme on est exigeant avec ceux qu’on aime parce qu’on les aime. Les Galilées d’aujourd’hui sont diverses et plurielles, autant sinon plus qu’au temps de Jésus. Nous risquons de retenir nos Galilée comme un monde individualiste, en crise, indifférents devant la question de Dieu… pourtant, chemin faisant, nous avons découvert des attentes, ne serait-ce que de relations, nous y avons repéré de nouveaux modes de socialité, par exemple les marches blanches, les grandes manifs, l’après Charlie. Un nombre plus grand de jeunes soucieux de solidarités et de développement, mais autres que nous ne le pensions… Ils cherchent. Saurons-nous les écouter ? Découvrir leurs attentes d’une autre parole à dimension éthique, spirituelle ?
S’engager sur le chemin du dialogue et de la rencontre. L’aventure de la foi est celle d’une rencontre... comme Jésus sur la margelle du puits de Sychar, (cf. le Synode sur la nouvelle évangélisation), comme le rappelle Dei Verbum : “Le Dieu invisible s’adresse aux hommes en son immense amour comme à des amis, il s’entretient avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie divine”. La foi c’est aussi annoncer le Christ ressuscité, comme signe de réconciliation qui appelle à faire un peuple en marche avec l’humanité rencontrée.
Sur les routes de Galilée, c’est partir à la rencontre à la manière de Jésus, tout en acceptant notre propre vulnérabilité, tout comme lui, non pour vivre comme hier, mais pour vivre comme il le ferait aujourd’hui, curieux et intéressé par tout ce qui se vit, se cherche et s’espère, soucieux de la recherche de la vérité et acceptant que la parole de l’autre soit aussi importante que la mienne. Souhaiter que naissent de ces rencontres des paroles qui redonnent vie.
Le chemin de la fragilité
Les fragilités rencontrées ont été évoquées de nombreuses fois dans les préparations de la rencontre : rejoindre des visages multiples, rejoindre des méprisés, découvrir ou redécouvrir que la fragilité est constitutive de notre condition humaine. Aussi sommes-nous appelés à consentir au réel. Accepter de servir la fragilité, restaurer la dignité de tout homme, de toute femme à commencer par les derniers, annoncer à chaque homme qu’il a du prix aux yeux de Dieu et le montrer… Signifier une présence effective avec les marginalisés, les exclus… Peut-être aussi sommes-nous invitées à poser des ruptures, casser des frontières, produire de la réintégration… comme signe de résurrection. Avec les risques de susciter de l’incompréhension…
Marie-Laure Dénés concluait en rappelant que, quels que soient les lieux d’insertion, il est possible de favoriser des processus d’intégration et d’avoir une parole : à la prison, avec les migrants, auprès des personnes du quart-monde, des sans terre, les enfants de la rue, le vieux tout seul au coin de la rue, le dernier de la classe moqué par les autres. Nos moyens sont la force de la résistance, de l’initiative, de la solidarité quotidienne, avec le risque des prix à payer, à l’exemple du Christ et de la Croix. Se rendre dans nos Galilées d’aujourd’hui, c’est avoir une toute autre manière d’être au monde, une façon de l’habiter faite d’écoute, de dialogue et de rencontre, de fraternité.
Compte rendu par l’abbé Emile Hennart
N.B. Marie-Laure Dénés est dominicaine et économiste.
Précisions concernant les trois unions religieuses
Le compte rendu des rencontres ci-dessus concernait les religieux et religieuses de la FEDEAR. Les Religieuses et religieux de vie apostolique, de diverses congrégations, engagés dans un dynamisme missionnaire au nom de l'Église appartiennent à des Unions différentes :
Groupement des Religieuses en Service Communautaire (GRSC)
Religieuses Présentes dans la Santé (REPSA)
Fédération d'Equipes Apostoliques de Religieuses et Religieux (FEDEAR)
Ces Unions sont une aide pour mieux vivre la rencontre avec les personnes, celles et ceux vers qui les religieuses et religieux sont envoyés. (Il faut distinguer religieux et religieuses de vie apostolique d’avec les moines et moniales, ou contemplatives. On trouvera d’autres précisions dans l’annuaire diocésain d'Arras 2016, aux pages 205 et suivantes.)