Syrie: réflexion et prière des Jésuites

Rédigé par des Jésuites de Damas

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Méditations sur les événements actuels en Syrie.

 

Nous, les Jésuites en Syrie, sommes bouleversés par les événements récents qui ont lieu dans ce pays qui nous est cher. Nous nous sommes rencontrés pour prier ensemble, pour intercéder en sa faveur, et pour méditer sur ce qui s’y passe. Ce texte est le fruit de notre prière, nous désirons le partager avec vous.

 

La Syrie, pays agent de civilisation


Notre patrie, la Syrie, est le pays des multiples civilisations qui se sont succédées sur notre terre et ont enrichi notre patrimoine. Une grande partie de cette richesse provient de la communication et de l’harmonie entre des personnes de culture, de religion et de spiritualité différentes. Ensemble, ces personnes ont constitué une unité dont nous sommes fiers et à laquelle nous tenons, ce qui nous fait porter une grande responsabilité pour préserver cet héritage grandiose. L’histoire de notre pays s’est distinguée par l’esprit d’hospitalité et d’ouverture à l’autre, quel qu’il soit. Cet esprit d'hospitalité, de recherche de l'unité dans la différence, ainsi que tous les efforts qui conduisent à la construction de l'unité nationale sont, sans aucun doute, aux fondements de la société syrienne et en font une belle et vivante mosaïque.

 

Les événements récents


Depuis quelques mois, surgissent dans notre pays, comme dans la plupart des pays arabes, des revendications de réformes des structures politiques et sociales. Ces réformes visent à conforter l'état de droit et la conscience citoyenne, dans le respect des libertés individuelles. De telles revendications sont un droit légitime et reconnu pour tous, permettant à chaque citoyen d'être un acteur de la transformation de cette société. Malheureusement, c'est la confusion qui a pris le dessus, ouvrant la voie à la violence. Le refus de l’autre, comme nous le savons tous, est la cause principale de la violence qui appelle à son tour une autre violence.

 

Nous observons en ce moment des tentatives visant à fomenter des troubles et une guerre confessionnelle qui mèneraient à l’effritement de notre société. Face à ces évènements sanglants dont l'intensité, la dureté et la violence augmentent de semaine en semaine, et qui font des victimes innocentes, nous ne pouvons que pousser un cri d'appel à la conscience de nos concitoyens, quelle que soit leur appartenance. Ces circonstances difficiles ne constituent pas la première crise que vit notre peuple, et malgré cela et dans chaque crise, nous avons trouvé dans l'Évangile le chemin à suivre nous indiquant le juste choix à faire, la patience pour marcher sur ce chemin, ainsi que le courage du silence quand il est nécessaire et de la parole quand elle s’impose.

 

En effet, l'Évangile nous appelle à témoigner au cœur de notre monde, à renforcer le dialogue avec tous et à promouvoir la justice pour tous. C’est pourquoi, nous nous trouvons maintenant appelés à exprimer notre total soutien à cette patrie et à son peuple, et à témoigner des valeurs que nous tirons de notre foi et que nous pensons pouvoir partager avec nos compatriotes des différentes confessions religieuses et spirituelles, et des différents courants philosophiques. Nous le pouvons parce que nous partageons avec eux tous l’héritage de la noble civilisation arabe et que nous partageons avec eux le même souci de l’unité nationale et le même respect de tous. 2 Les mutations à l’œuvre dans le monde arabe, et les troubles actuels qui en ont résulté dans la société syrienne, sont porteurs d'une espérance nouvelle qu’il faut prendre en considération. Cette espérance se caractérise en tout premier lieu par la liberté d’expression et la liberté d’opinion, ainsi que par la recherche commune de la vérité. Les réformes sociales et politiques sont devenues une nécessité pressante que nul n'a le droit d'ignorer.

 

La priorité de l’unité nationale
 

 

Ce qui caractérise une communauté humaine, c’est la diversité de ses composantes. Il n’y a pas de vie sociale s’il n’y a pas de différences. La véritable paix nationale ne peut pas se construire par le rejet d’une partie de la population contre une autre ; elle suppose tout au contraire une véritable vie en commun. Cette vie n’est pas possible dans la perception négative de la présence de l’autre, dans une simple “existence côte à côte” ; elle requiert une véritable convivialité où chaque membre a un rôle efficace dans la société. C’est pourquoi, nous partageons les craintes de notre peuple devant les défis actuels ; ces craintes surgissent face à tout changement des structures. Quel est donc le rôle positif que nous pouvons jouer dans les circonstances actuelles, si complexes soient-elles? Sans doute est-il vrai de dire que nous, chrétiens, considérons l’unité nationale comme le garant de notre existence même, et la perte de cette unité comme une menace de disparition, de durcissement et d’effritement. C’est pourquoi, nous entendons jouer le rôle qui nous permettra de renforcer l’unité nationale, en réactivant les valeurs qui sont essentielles à nos yeux.

 

Le dialogue et la liberté d’expression


Il ne nous est pas possible de mentionner toutes les causes de la crise actuelle, mais nous nous demandons comment dépasser cette situation douloureuse pour aboutir à une tentative de dialogue sincère entre toutes les parties. Ce dialogue n’est pas chose facile car il suppose d’abord la confiance dans l’autre et l’écoute de sa parole. Il nous faut aussi prendre sérieusement en considération les idées de l’autre, même si elles sont différentes des nôtres.

 

Il n’y a pas de dialogue véritable sans acceptation préalable que “personne ne possède la vérité complète”, ce qui veut dire que le but essentiel du dialogue est la recherche commune de ce qui se rapproche le plus de la vérité; cette recherche commune suppose d’y convier toutes les parties, sans exclusive aucune. Un tel dialogue nécessite d’être suffisamment conscients afin de ne pas être entraînés par différents canaux d’informations tendancieuses. Le chrétien adulte se libère de ses idées négatives préconçues ; il tente par le dialogue, et par l’humilité du dialogue et de l’écoute, de connaître les données objectives afin de constituer un pont entre les courants antagonistes au sein de la société. Le chrétien adulte est un acteur efficace dans la constitution d’une opinion publique modérée, condition essentielle pour une réforme réussie.
 

Le rejet de la violence


Nous invitons sincèrement toutes les parties à rejeter la violence. Cette option pour la nonviolence ne provient pas d’un sentiment de peur ou de faiblesse ; elle est l’expression d’un principe évangélique essentiel et un élément constitutif de notre vie humaine et de notre foi. L’Église nous enseigne la nécessaire distinction entre la violence issue de la haine et l’usage légal de la force pour arrêter une agression contre la société, à condition que ceux qui usent légitimement de la force respectent pleinement la dignité de toute personne, quelles que soient ses prises de position à leur égard.

 

Nous refusons d'entrer dans le cercle vicieux qui engendre la peur de l'autre et étouffe toutes les bonnes intentions qui cherchent à édifier la patrie. Chaque croyant doit purifier son cœur du mépris et de la haine ainsi que de la peur qui justifierait pour lui l’appel à l’usage de la violence. De plus, chaque croyant doit être, dans tous les domaines de sa vie sociale, tant en famille que dans la rue ou au travail, un élément efficace dans la réalisation de l’unité nationale. Il ne peut pas se réfugier dans une neutralité négative mais doit être un instrument de paix. Dans ce contexte, nous espérons que les sentiments nationaux sincères, qui ont animé beaucoup de personnes pendant les jours passés, ne sont pas une excuse pour l’usage d’un discours qui refuse l’autre et le méprise, ce qui annihilerait toute possibilité de communication avec lui. Nous exprimons notre profonde tristesse à toutes les familles des victimes; et nous nous engageons à œuvrer autant que possible, à les aider toutes, sans aucune distinction, pour alléger leurs souffrances.

 

En conclusion, au regard de la gravité de la situation, au nom de tous ceux qui ont versé leur sang, nous implorons les Syriens de tous bords, à se mobiliser sans tarder pour construire un dialogue national sincère en vue d’une issue à cette crise. Nous implorons le Très-Haut afin que notre premier objectif à tous, soit l'intérêt et la dignité de chaque citoyen syrien. Ainsi nous renoncerons à tout exclusivisme étroit en cherchant, envers et contre tout, à sauvegarder le salut de la nation.
Damas, le 3 juin 2011 (traduit de l'original en arabe) 

 

 

Témoignage de Libyen réfugié à Calais.


"Je souhaite vivre en France en paix", explique Hassan, un Libyen de 25 ans qui a fui son pays en guerre et trouvé refuge à Calais, comme plusieurs de ses compatriotes, dans l'espoir de se reconstruire. Après avoir pensé rallier l'Angleterre, il s'est ravisé sur les conseils de l'antenne calaisienne du HCR (agence des nations unies pour les réfugiés) et a entamé des démarches pour demander l'asile en France.


Ce jeune homme chétif à la peau d'ébène explique calmement avoir fui la Libye après avoir été enrôlé de force dans l'armée. "Je suis contre la guerre, contre tuer des innocents", explique-t-il. Lorsque la compagnie pétrolière britannique qui l'employait comme ingénieur a été attaquée par "des jeunes ou des rebelles libyens", il a dû ramener un des véhicules de l'entreprise à Tripoli. Il a alors été contrôlé par l'armée, "présente partout", puis enrôlé contre son gré. Quelques semaines plus tard, il a profité d'une permission pour déserter et embarquer clandestinement pour les côtes italiennes, d'où il a rejoint Rome, puis Marseille, Lyon et enfin Lille, en train. "Si j'avais refusé de rejoindre l'armée, je serais sous terre.

 

On ne peut pas dire: "non, je n'irai pas dans l'armée de Kadhafi, c'est impossible", explique-t-il. "Je n'aurais jamais imaginé quitter mon pays un jour. Je déteste Kadhafi, mais comme tout le monde, je m'étais un peu habitué à la situation". Hébergé depuis quelques semaines dans un foyer à Lens, il regarde, dubitatif, une pelleteuse éventrer les vestiges de l'usine désaffectée qui a été son premier refuge à Calais. Ce squatt baptisé "African house" par les dizaines de migrants de passage sera bientôt un quartier d'habitations. En raison du manque de places en hébergement d'urgence, de nombreux migrants sont, contrairement à Hassan, sans domicile fixe et subissent "une pression policière importante avec des contrôles répétés de leur identité", selon Mathilde Tiberghien, du HCR. "J'ai vécu toute ma vie illégalement, la police me suit partout, j'espère trouver une solution", explique d'ailleurs Idriss, 30 ans, qui a également fui la Libye, mais avant la guerre, en raison de son opposition au régime.

 

Comme Hassan, il a déposé une demande d'asile. Il se souvient d'une manifestation, à Londres, où il vivait encore il y a quelques mois. "Nous avons essayé d'écraser l'ambassade libyenne, mais nous avons été repoussés par les policiers britanniques. Au vu de la répression, on ne pouvait pas agir dans la demi-mesure", s'excuse-t-il presque. Il est alors contrôlé, et, sans papiers, renvoyé vers la France. Il souhaitait retourner chez lui, ne serait-ce que pour avoir des nouvelles de sa famille, dont il ne savait même pas si elle avait survécu, mais les autorités britanniques ont refusé de le renvoyer en Libye: "trop dangereux". Pour lui, "la guerre de l'Otan est insuffisante: tant qu'il n'y aura pas d'opération à terre, ça ne pourra pas marcher". En attendant que la situation se stabilise, il a décidé de se reconstruire en France, où il se verrait bien reprendre ses études de journalisme. Hassan, lui, espère apprendre le français et obtenir le statut de réfugié, pour faire venir sa femme, restée au pays.
Nicolas Gubert AFP, le 16/08/02011 

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 10447 visites