Funérailles du chanoine Léon Berthe

Mot d'accueil de Michel Beirneart

 
M Michel Beirnaert est l'actuel successeur du père Léon Berthe. A ce titre il lui était demandé de présenter ce que fut la vie de notre ami. 
Le chanoine Léon BERTHE nous rassemble une dernière fois autour de lui ce matin.

 

Bien que je ne fasse pas partie du Collège sacerdotal, mais parce qu’il m’a invité il y a près de 7 ans à poursuivre son œuvre, il m’a été demandé de retracer l’itinéraire de ce prêtre devenu historien et archiviste.

Il m’y aide lui même par des notes qu’il avait rédigées à l’occasion de son jubilé et par sa réponse à une enquête sur la vocation dont il n’est pas indiscret en cette circonstance d’extraire quelques éléments.

 

 

Un prêtre.

Léon Berthe 2002 Léon Berthe 2002  Léon BERTHE est né le 25 décembre 1923 à Beuvry, deuxième d’une famille de cinq enfants où il est le seul garçon. Une famille rurale profondément chrétienne du Bas-Pays de La Bassée.

 

Tout jeune il est marqué par le mouvement de la Croisade eucharistique animée par le chanoine Vitel. Et dès l’âge de dix ans, il pense à devenir prêtre.

 

Sa vocation s’affirme au Collège Saint-Vaast de Béthune, où il entre en octobre 1934. Pourtant, il ne souhaite pas prendre la soutane à la fin de l’année de Première, en juin 1940, comme cela se faisait. Il veut échapper à toute pression. Et, il l’a écrit lui-même, c’est en toute liberté qu’il décide d’entrer au Grand Séminaire après la Terminale. Il y passe les 4 dernières années de la guerre, 1941-1945 sous la direction du chanoine Louis Léger, et se rapproche du sacerdoce.

Mais il est  appelé au service militaire pour un an, juste avant la fin de la 3° année de théologie, de février 1945 à mars 1946. Il dit l’avoir vécu « en pleine pâte humaine comme une école de vie d’un très grand prix, malgré l’oisiveté et l’ennui ». Au retour, son Supérieur lui conseille de prendre du recul et d’entrer au Séminaire Académique de Lille pour y préparer une licence d’Histoire.

 

Ce fut un tournant de sa vie qu’il vécut avec intensité.

 

Il apprécie les journées bien remplies, les confrères cultivés et ardents au travail, les maîtres éminents qu’il admire, notamment Mgr Wicquart. Et ce n’est qu’ une fois la licence achevée, trois ans plus tard, en juin 1949, qu’il reprend ses études de théologie et se décide résolument et avec joie pour le sacerdoce. Il a le privilège de recevoir les Ordres des mains de trois évêques : le cardinal Liénart le fait sous-diacre à Lille, Mgr Evrard lui confére le diaconat, et il revient à Arras pour être ordonné prêtre le 2 juillet 1950 par Mgr Perrin. Il est alors âgé de 27 ans. Il reste encore à Lille pour la cinquième année de théologie, détaché à l’Institut Catholique des Arts et Métiers comme surveillant.

 

A l’été 1951, il peut enfin se mettre au service du diocèse d’Arras, et il est nommé professeur d’histoire et de géographie à l’Institution Saint-Bertin à Saint-Omer, puis à Saint-Paul et à Sainte-Ide à Lens.

 

Jusque là, comme tout séminariste et tout prêtre débutant, il consacre ses vacances aux jeunes de sa paroisse de Givenchy-les-La Bassée : patronage, camps, excursions, veillée de Noël. Il dira souvent avoir beaucoup aimé ces premières années d’enseignement concret et d’animation. Sa bibliothèque est encore remplie de ses carnets de chants.

 

Mais bientôt son intelligence le conduit vers un autre ministère. Léon Berthe devient un prêtre historien.

 

Depuis 1950 la famille de Fosseux lui a ouvert ses archives. L’abbé Berthe sait en percevoir l’intérêt et il est encouragé à les exploiter. En septembre 1954, il est nommé Professeur ( on disait alors Directeur ) au Grand Séminaire d’Arras et à la Faculté des Lettres de la Catho de Lille. Cette nouvelle mission implique qu’il consacre du temps à la recherche. Il débute alors les travaux qui le conduisent par étapes, avec l’aide du Centre National de la Recherche Scientifique, à soutenir en 1967 devant un jury de la Sorbonne une thèse de doctorat d’histoire : « Dubois de Fosseux, secrétaire de l’Académie d’Arras ( 1785-1792 ) et son bureau de Correspondance ». Une thèse magistrale qui lui a coûté 13 ans de longues et minutieuses recherches, sans le dispenser de son enseignement au Grand Séminaire. Une thèse utile que des historiens spécialistes du monde entier consultent encore aujourd’hui.

Par la suite il oriente ses recherches nouvelles sur la vie du diocèse et il participe à plusieurs colloques universitaires. On l’invite à présenter et expliquer l’attitude du clergé et des chrétiens du Pas-de-Calais pendant la seconde guerre mondiale. Il rassemble aussi de nombreux témoignages de militantes des débuts de la JOCF  et les publie sous le titre. «  JOC je te dois tout ».

 

Cette double responsabilité d’historien-chercheur et de professeur au Séminaire finit pourtant par lui peser. C’est avec soulagement qu’il apprend sa nomination en 1971 comme archiviste diocésain

 

 

Léon Berthe, archiviste diocésain.

 Il est chargé par Monseigneur Huyghe de créer les archives historiques du diocèse. Avec le soutien de l’abbé PENTEL et l’aide scientifique et technique de Monsieur BOUGARD, archiviste départemental, il se lance dans une inlassable collecte des traces de la vie de l’Eglise dans le diocèse. Un formidable travail de sauvetage du patrimoine spirituel et intellectuel des générations de prêtres et de fidèles depuis le Concordat. Faute de locaux adaptés, beaucoup de documents sont d’abord déposés dans le fonds privé du diocèse aux Archives départementales. Plus tard, quand il dispose d’une aile du Séminaire, il crée trois grandes séries homogènes : le fond des évêques, le fonds des prêtres, le fond des œuvres  et des mouvements et il amorce un fonds des laïcs militants.

C’est avec plaisir et joie qu’il accueille et guide dans leurs travaux des promotions successives d’étudiants de l’Université qui trouvent dans les fonds organisés matière à de belles recherches.

 

Son activité dépasse les limites du diocèse. Il contribue à la création et à l’animation de l’Association des archivistes de l’Eglise de France. Il est de ceux qui se sont battus inlassablement pour faire comprendre l’ardente obligation morale et canonique de garder la mémoire du passé pour construire l’avenir dans la Fidélité.

 

Grâce à ses compétences d’historien et d’archiviste Léon BERTHE est aussi l’un des derniers clercs d’une longue lignée, à avoir représenté avec éclat l’Eglise de ce diocèse au sein de la société scientifique et savante du Pas-de-Calais.

 

Enfin, parallèlement à cette activité d’historien et d’archiviste, Léon Berthe a été élevé en 1975 à la dignité de chanoine titulaire de la cathédrale d’Arras, et il s’est attaché jusqu’au bout de ses forces à remplir fidèlement toutes les obligations de cette charge.

 

A tous ceux qui ont eu la chance et l’honneur de le rencontrer aux étapes de sa longue vie active, il a laissé le souvenir d’un homme affable, curieux, simple, heureux. Il partageait volontiers des moments de la vie familiale de ceux qui lui faisaient cadeau de leur amitié. Et on était toujours étonné de découvrir que ce Bon Homme en compagnie de qui on venait de passer des moments agréables, était un grand savant, un prêtre pieux, affilié à l’Union sacerdotale de Saint-François-de-Sales, attaché à son Eglise, un Serviteur fidèle du Dieu auquel il a consacré toute sa vie.

 

Beaucoup de ses confrères prêtres lui ont souvent posé la question « à quoi servent des archives ? » Il y a répondu de toutes sortes de manière. L’une de ces réponses s’impose aujourd’hui : « rendre justice à ceux qui nous ont précédés ! ».

 

Si les épreuves des derniers mois de la vie de Léon Berthe ont altéré son image, la postérité trouvera toujours dans l’œuvre qu’il laisse les preuves de sa vie rayonnante et féconde, utile pour le présent et pour l’avenir.

 

Michel Beirnaert

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