Funérailles de Guillaume Van der Heyden
Monsieur l'abbé Guillaume Van der Heyden est décédé le dimanche 13 janvier 2013 à Arras dans sa 99ème année. Ses funérailles ont eu lieu le mercredi 16 janvier 2013 à 14h30 à la chapelle de la Maison Saint Vaast à Arras. En attendant ses funérailles, son corps à reposé à la Maison Saint-Vaast à Arras.
Né le 1er avril 1914 à Rotterdam. Ordonnée le 3 juillet 1938. Vicaire à Liége en 1939. Etudiant à Louvain en 1942. Vicaire à Desvres en 1945. Curé d'Hulbert en 1951. Curé de St Martin Divion en 1955. Curé Harnes en 1959. Benéf. 2ème cl. en 1960. Secteur paroissial Arras Ouest en 1968. Equipe de Formation Permanente en 1978. Professeur au Grand Séminaire en 1987. Chapitre titulaire le 1er juin 2003.
Texte de Paul Levelink, neveu de Guillaume
Oncle Guillaume
Guillaume, né en 1914 à Rotterdam, est le second d’une famille de cinq enfants. Il finira par devenir une personne unique et spéciale. Tout commence déjà alors qu’il est enfant de chœur pour la paroisse Saint-Joseph. Il y fait la connaissance des parents d’un prêtre qui est Chanoine régulier du Latran. C’est ainsi qu’il se retrouve au Petit Séminaire de Gerpinnes, situé près de Charleroi. Au grand séminaire de Liège, il découvre sa vocation : il veut être prêtre séculier. Il est ordonné prêtre à Liège en 1938, mais il a toujours envie de faire des études. C’est pourquoi il rejoint l’université de Louvain, où il devient étudiant en théologie et philosophie en 1940, au moment du bombardement de Louvain. A l’université, il rencontre le Chanoine Cardijn qui lui dit que la France a besoin d’aumôniers, surtout pour la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, ce qui l’impressionne beaucoup.
Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Guillaume part directement de Liège pour rejoindre Lille. Il fait tout le trajet à pied, accompagné de son plus jeune frère Frans, qui a été sacré prêtre en 1943. Sur leur chemin, Guillaume et Frans sont arrêtés par les Forces de l’Intérieur. Ceux-ci pensent qu’il s’agit de deux espions allemands déguisés en prêtres. Ils sont obligés de passer des examens chez un prêtre belge qui finit par les reconnaître « vrais prêtres ».
Tout au long de ses années en France, sa famille le voit comme un homme chaleureux, persévérant et très sensible, ainsi que comme un prêtre convaincu et passionné. A Divion, nous faisons la connaissance de son ancienne gouvernante Hortense, ainsi que de Céline qu’il connait de Desvres. Céline s’occupe de l’administration et des assemblées pour la jeunesse. Elle lui est d’un grand soutien et l’aide dans son travail.
Guillaume est un intellectuel qui est fortement engagé dans l’approfondissement des développements sociaux et ecclésiaux actuels. L’une des ses missions préférées est l’enseignement. En tant qu’aumônier et prêtre, il aime donner des leçons de catéchisme aux enfants et aux adultes. En tant que professeur au Grand Séminaire d’Arras, il se sent comme un poisson dans l’eau lorsqu’il doit donner des cours de théologie. Il profite intensément de cette période de sa vie.
Guillaume reste en très bon contact avec la famille aux Pays-Bas. Il vient toujours nous voir pendant les vacances.Il aime bien visiter toutes sortes de sites historiques. Il se tient alors dès 9h du matin, son manteau endossé et son chapeau sur la tête, prêt à partir. Le soir, après une longue journée, il demande « qu’allons nous faire demain ? Où allons-nous ? ». Il est infatigable. Sa mère a toujours dit: « Guillaume est le plus fort de mes enfants ».
La ville de Rotterdam est très importante pour lui. Il a beaucoup de choses à raconter sur les vieux quartiers de Rotterdam et en ressort beaucoup de souvenirs. Nous allons aussi souvent en France chez « Oncle Guillaume ». Nous nous rappelons de ces très nombreuses visites à Divion, Harnes, et Nœux-les-Mines. Pendant la célébration de ses 20 ans de sacerdoce à Divion, notre cousine âgée de 4 ans, Marie-Anne, se penche par la fenêtre du presbytère. Son visage complètement barbouillé de rouge à lèvres rouge vif. Et les draps du lit qu’elle a totalement revêtus de cirage à chaussure.
Nous logeons régulièrement chez oncle Guillaume dans le presbytère à Harnes. Nous allons visiter les environs et il nous parle de l’histoire de la région, en particulier de la période de la Première Guerre Mondiale. Nous nous rendons au Mémorial Canadien et à Notre-Dame de Lorette, où nous sommes vraiment impressionnés. Nous allons aussi souvent pique-niquer ; très bien organisé par Céline qui nous accompagne donc également.
Oncle Guillaume est toujours intéressé par notre quotidien et a pour tout le monde un esprit ouvert et une oreille attentive. Il est très doué en relations humaines, et a un grand sens de l’humour. Il donne toujours à son neveu et à sa nièce le sentiment qu’ils valent quelque chose et qu’en tant qu’adolescents ils ont une opinion qui doit être prise au sérieux.
Nous avons appris d’oncle Guillaume que chaque personne, peu importe qui ou ce qu’elle est, a quelque chose à raconter. Il dit toujours : « on peut apprendre de chaque personne ».
C’est ainsi qu’il apprend encore, à 92 ans, comment donner le biberon à Mickey, la petite fille de cousine Monique.Ces dernières années, l’état de santé de Guillaume s’est dégradé. Il voit de moins en moins bien, et sa vue devient si mauvaise que lire, sa passion et sa vie, lui devient impossible. Mais il ne se plaint jamais. « C’est la vie », dit-il alors avec une attitude digne d’admiration.
Sa famille est très reconnaissante qu’il puisse vivre dans la Maison Diocésaine de l’Evêché à Arras. En compagnie d’une douzaine de prêtres âgés.Madame Deléglise et ses assistants s’occupent formidablement bien de lui. Il se sent vraiment comme à la maison avec ses confrères et le personnel.
La famille tient particulièrement à remercier Madame Deléglise et ses aides de soin, qui ont incroyablement bien soutenu Guillaume durant ces derniers temps très difficiles.
Un grand merci particulier également à Monsieur et Madame Chopin. Ils s’occupent de ses papiers depuis de nombreuses années, et sont venus très souvent lui rendre visite. Ils ont été d’un très grand soutien, particulièrement depuis qu’il est malade (of « pendant qu’il était malade »). Un grand merci également à Madame Claudine Delélis de Nœux-les-Mines, elle lui a très longtemps et fidèlement rendu visite.
La famille remercie aussi Père Léonce Hanotte et sa sœur Léontine de Nœux-les-Mines. Ils lui ont été d’un grand soutien pendant son passage à Nœux, ainsi que de nombreuses années après.
La famille remercie Raymond Francois, directeur de la Maison Diocésaine et les Prêtres Agées en messieurs de chanoine.
Je termine avec une citation de Goethe, qui est inscrite sur la carte postale que cousine Marie-José a une fois reçu de Guillaume :
Si l'on ne parle pas des choses
avec une partialité pleine d'amour
Ce que l'on dit, ne vaut pas la peine d'être dit.
Ces propos correspondent très bien à Oncle Guillaume!
Paul Levelink
Mot d'accueil prononcé par l'abbé Emile Hennart
Une très longue histoire s’achève avec le décès de Guillaume Van der Heyden.
Guillaume Van der Heyden est né le 1er avril 1914 à Rotterdam. Ordonné prêtre le 3 juillet 1938, il est d’abord vicaire à Liège. Il reprend des études à Louvain. Il avait connu la France lors des exodes de populations devant l’armée allemande. Il avait lu “France pays de mission” quand il entend l’appel des évêques de France à venir soutenir l’Eglise chez nous. Faut-il rappeler que ce livre des pères Godin et Daniel a encore inspiré très récemment Benoit XVI quand il parle d’une nouvelle évangélisation qui ne soit pas seulement attestataire mais aussi, comme Jésus pour la samaritaine et bien d’autres, une évangélisation vécue d’abord en proximité : “ Comme Jésus au puits de Sychar, l’Église aussi ressent le devoir de s’asseoir aux côtés des hommes et des femmes de notre temps, pour rendre présent le Seigneur dans leur vie…” (message final du synode, §1, 28 octobre 2012
Quand Guillaume se met en route avec son frère, il traverse les lignes américaines du général Patton. Son accent néerlandais est remarqué par nos compatriotes qui les dénoncent comme espions. Arrêtés et traduit devant le général, ils seront libérés après vérification portant sur le bréviaire et le sanctoral.
Guillaume est d’abord vicaire à Desvres, puis curé de Humbert, de Divion, de Harnes. Il parlait souvent de la commune et du maire avec qui il aura de nombreux échanges, religieux et politiques. C’était alors l’époque du Concile et des fortes attentes pour un nouveau visage de l’Eglise. Il est nommé au secteur pastoral d’Arras-Ouest en 1968. Pour autant que je sache, Mgr Huyghe l’avait appelé pour constituer une équipe de prêtres qui puisse rechercher une pastorale plus adaptée aux habitants des grands ensembles en cours de construction : “Des appartements poussent partout. La pastorale ordinaire actuelle n’est pas adaptée. Voyez ce qu’il est possible de faire”. Avec lui arrivent trois OMI (Oblats de Marie Immaculée), dont le père François qui restera de nombreuses années au presbytère de sainte Bernadette, après le départ des deux autres pour la région parisienne. Le père François, homme discret et de grande spiritualité, et Guillaume s’entendaient très bien pour témoigner de l’Evangile dans les nouveaux quartiers d’Arras-Ouest et trouver des chemins nouveaux dans l’esprit du Concile.
C’est en 1970 que j’ai entendu parler de Guillaume, à l’occasion de mon ordination et de mon insertion. Le père Paul-Marie Wecxsteen voulait m’orienter vers un ministère dans les grands ensembles en construction à Arras. Mais, originaire du monde rural, je craignais de ne pas pouvoir m’adapter à ces nouveaux espaces. De plus, des rumeurs très négatives circulaient contre cette nouvelle équipe pastorale. Je n’ai pas accepté la proposition et j’étais nommé dans un autre quartier d’Arras. Deux ans durant, grâce à l’abbé Vannoise, nous avons travaillé ensemble : Arras Ouest et Arras-Sud. Mgr Huyghe me sollicite à nouveau en 1972, et j’accepte alors, en connaissance de cause, pour un ministère dans le secteur d’Arras-Ouest.
J’ai beaucoup appris au contact de Guillaume. Son aptitude à écouter, à faire confiance au sein d’une équipe de prêtres, religieuses et laïcs. La participation active des laïcs à la vie de la paroisse était quelque chose d’acquis, pour lui et pour nous. Guillaume aimait à discuter, à poser des questions et relancer ses interlocuteurs. Sa recherche intellectuelle, sa culture néerlandaise lui avaient permis de s’ouvrir à des sources théologiques différentes (par ex. Schillebeeckx). Avec d’autres, Guillaume nous a aidés à croire sans réserve que “le lieu de Dieu, c’est le monde” (M-D. Chenu). J’ai toujours en mémoire les revues qu’il annotait et surlignait avec différents crayons de couleurs (les marqueurs fluo n’existaient pas encore !).
Beaucoup de choses se cherchaient et se mettaient en place : la recherche catéchétique, la réforme liturgique, la pastorale des sacrements, etc. Il insistait pour qu’aux homélies, comme dans les introductions aux nouvelles lectures de la messe, nous ayons une parole “pour que les gens comprennent”. Il ne suffisait pas d’être fidèles aux rubriques des manuels pour faire découvrir de quel amour Dieu aime ce monde. Nous vivions dans le même esprit la célébration des sacrements : baptêmes et mariages et aussi les funérailles. Ce n’était pas toujours facile de s’adresser à des gens, pour beaucoup fort éloignés de la foi chrétienne et même du langage religieux. C’est dans cet esprit qu’il a su faire grandir une équipe pastorale et nourrir des chrétiens au souffle de Vatican II, pour que toute la paroisse devienne missionnaire. Il était aumônier d’équipes en ACO et au MCC. Guillaume n’a pas eu que des amis ; contre lui il y eut beaucoup de médisances et de calomnies, mais il savait garder son calme et de la hauteur de vue.
En 1978, son contrat terminé, il quitte Arras pour habiter Nœux-les-Mines. Il travaille alors au service de la Formation du peuple de Dieu. Il laissera d’excellents souvenirs auprès des personnes qui viennent l’écouter, des catéchistes en particulier. Comme théologien il participe à la formation des futurs prêtres, à la formation des prêtres en monde ouvrier pour la grande région Nord (Capco).
Lorsque sa vue décline et que le médecin déclare irrémédiable l’évolution, il choisit de se retirer, d’abord chez les Camilliens, puis au Foyer Jean XXIII.
La vie s’est lentement retirée. Chanoine du chapitre cathédral, il a toujours tenu au service de la prière. Samedi dernier, il avait encore demandé de pouvoir souhaiter l’anniversaire de Mgr Leuliet à l’occasion de ses 103 ans.
De nombreux amis l’ont accompagné quand sa santé déclinait. Que toutes et tous en soient remerciés.
Personnellement c’est aussi un grand merci que j’exprime, pour ce qu’il m’a permis de découvrir au tout début de mon ministère : maintenir vif le souci de se former ; vivre la charge et la responsabilité du ministère en prenant le temps de relire ce que nous faisions. Enfin, vivre le ministère en fidélité à la Parole, telle qu’elle fut adressée à Saint Paul (patron de l’église du quartier St-Pol, consacrée en 1968) : “personne ne mettra sur toi la main pour te faire du mal, parce que j'ai à moi un peuple nombreux dans cette ville." (Actes 18, 10)
Abbé Emile Hennart
Mot de l’abbé Maxime Leroy, diocèse de Lille, animateur au Capco, ancien aumônier national de l’ACO et directeur du CIPAC.
“Un homme d’une grande intelligence pastorale et pétri de l’Esprit du concile. Les générations de prêtres qui ont baigné dans le CAPCO et bien d’autres lieux de formation, lui doivent beaucoup. Sa culture néerlandaise lui avait permis de s’ouvrir à des sources théologiques différentes (je pense à Schillebeeckx notamment) et de nous en faire bénéficier. Avec d’autres il nous a aidés à croire sans réserve que « le lieu de Dieu, c’est le monde » (M-D Chenu).
Merci à Guillaume pour sa fidélité si fraternelle et merci au diocèse d’Arras de nous avoir donné le bonheur de le rencontrer.”
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Lectures lors des funérailles :
1 Jean 4, 7, 15
Luc 6, 20-26, les béatitudes.