AMABELLA , Partenaire CCFD : temps forts d'une visite dans notre diocèse 22-25 mars 2018
Bapaume, Frévent, Lens : trois rencontres au cours du séjour d'Amabella Carumba , représentant "Mouvement des peuples pour la paix à Mindanao"(Philippines) partenaire du CCFD-TS
Mars 2018: Trois temps forts de la visite d’Amabella: Bapaume, Frévent , Lens
Notre diocèse a accueilli la semaine passée Amabella Carumba, invitée du CCFD-Terre Solidaire, représentante du Mouvement Populaire pour la Paix à Mindanao (Philippines). La région des Hauts de France avait fait ce choix en cette année du Centenaire de la Paix ; elle a tout lieu de se réjouir des moments partagés avec l’envoyée de MPPM.
Bapaume, soirée partage du jeudi 22 mars 2018
Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées à l’invitation de l’équipe d’animation de la paroisse Notre-Dame-de-Pitié du Pays de Bapaume, qui accueillait l’animation proposée par les délégations diocésaines CCFD d’Arras et Cambrai.
Amabella, soutenue par un montage audio-visuel simple, a d’abord rappelé (par le truchement de Laura son interprète) le contexte géographique et l’histoire conflictuelle de Mindanao et des trois communautés qui la peuplent : les populations indigènes (10% de la population totale), les Moro, (populations musulmanes des provinces occidentales, 20 % du total) travaillées par les mouvements séparatistes, et les Katawhang "colons" venus en masse des autres îles des Philippines. Trois actions majeures de MPPM ont alors été présentées :
-la campagne en faveur de l’autodétermination des communautés et le rôle médiateur du Mouvement entre le Front Moro de Libération Islamique (MILF) et le gouvernement, afin de faciliter les négociations ;
- les stratégies déployées pour promouvoir la compréhension mutuelle entre communautés, déraciner les préjugés et l’ignorance réciproque, faciliter le dialogue et la rencontre, désarmer la conflictualité, en particulier auprès des jeunes ;
-la campagne actuelle pour la pleine reconnaissance de l’identité culturelle et des droits politiques et économiques des populations autochtones dans la loi fondamentale de la nouvelle entité autonome Bangsamoro; droits négligés ou ignorés dans les négociations antérieures.
Amabella se prête volontiers au jeu des questions/réponses avec le public. Occasion aussi pour elle d’attirer l’attention sur certains aspects de son pays moins connus et pourtant cruciaux ; ainsi les risques des politiques d’investissements favorables à l’agrobusiness et à la construction, qui menacent les communautés locales et l’environnement. Ou encore l’importance considérable des migrations internes ou extérieures aux Philippines, et le poids des envois d’argent des immigrés (les « remises ») dans l’économie du pays.
Les questions sur telle ou telle facette moins brillante du tableau national ne la rebutent pas – ainsi de la prostitution et du trafic humain. A vrai dire, elle n’en élude aucune ; pas même la menace islamique et les événements de Marawi qui ont non seulement meurtri la minorité chrétienne mais aussi touché et déplacé –du fait de l’assaut de l’armée contre les djihadistes- près de 600 000 personnes en majorité musulmanes qui vivent toujours dans des camps. MPPM accuse le choc : l’affaire remet en cause une partie de ses efforts, et conforte à nouveau les préjugés contre les Moros. La recherche d’un apaisement et d’un dialogue interreligieux sont plus que jamais à l’ordre du jour ; un nouveau chantier s’ouvre avec les jeunes déplacés privés d’une vie normale qui veulent faire entendre leur voix.
Après un temps de méditation et de prière, l’assistance s’est régalée de soupe et de salade de pommes de terre dans une ambiance sympathique et bon enfant. Que tous soient ici remerciés pour leur accueil et leur générosité, au même titre que l’équipe de préparation.
Deux photographies jointes
Collège du Sacré Cœur, Frévent, vendredi 23 mars
En cette fin de matinée plutôt frisquette, Amabella est chaleureusement reçue par l’équipe d’animation pastorale du collège. Une quarantaine d’élèves de cinquième attendent sa visite ; tous ont travaillé sur les « témoins de la paix » comme en témoignent les murs de la classe où s’affichent des textes et photos qui présentent de grandes figures de la paix. Alors, quoi de plus pertinent (et de plus stimulant peut–être) que de rencontrer un « faiseur de paix » en chair et en os ? C’est aussi une expérience nouvelle pour Amabella, qui travaille habituellement avec des jeunes gens Philippins plus âgés.
Après avoir présenté à grands traits son pays et son île, notre invitée aborde cette fois les choses sous l’angle des droits humains, à partir de « deux situations très perturbantes, qui dérogent aux droits humains et font obstacle à la paix aux Philippines » :
-la négation des droits juridiques et humains dans la lutte violente entreprise par l’état, à l’instigation du président Duterte, contre le trafic et la consommation de drogues ; près de 14 000 personnes y ont perdu la vie, dont 58 enfants.
-la situation des enfants de Mindanao vivant dans les camps de personnes déplacées, victimes de la guerre, de l’injustice et de l’incompréhension entre communautés – ou de catastrophes naturelles. Leurs droits à la sécurité, à l’éducation, à la santé sont ainsi remis en cause.
Ici les questions ne sont pas à sens unique ; tout au long de la rencontre, Amabella en adresse quelques-unes aux élèves. On découvre ainsi que parmi les « figures de la paix » découvertes cette année la jeune pakistanaise Malala Yousafzay les a particulièrement impressionnés, autant que mère Thérésa. Au fil des réponses –d’abord timides, puis plus nourries- on comprend que ces adolescents n’ignorent la chance qui est la leur, ni leur propre implication dans la construction quotidienne de relations pacifiées.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Amabella sait s’adapter à ses publics … Cela se vérifie aussi dans sa présentation synthétique et accessible de MPPM et des efforts qu’il déploie là-bas. Se dévoilent aussi au détour des réponses et des relances son refus de la souffrance des enfants, un sens aigu de la justice, et un attachement profond au pays qu’elle souhaite voir vivre en paix.
Photographies :
- deux vues prises en classe au cours de l'intervention;
- photo souvenir avec une partie du groupe
- l'après midi , avant d'aller à Vimy , visite du site de Lorette et présentation du projet "Faites la Paix"...
- Amabella a souhaité voir de plus près ce qu'était le pays minier : la matinée du lendemain , samedi 24 mars, a été consacrée au site de Loos-en-Gohelle.
« Bouge ta planète ! », Lens, samedi 24 mars
Chaque année, vers la fin du Carême, l’organisation des « Bouge Ta Planète» dans les diocèses témoigne d’un volet essentiel de la mission du CCFD-Terre solidaire: l’éducation au développement, qui ne concerne pas que les adultes, et fondée dès l’origine sur la conviction que le changement « là-bas » implique « ici » une prise de conscience précoce, informée et active... Le « BTP » propose donc aux jeunes de 11 à 18 ans de « Bouger la Planète»… Cette démarche vécue en groupes culmine dans un « événement festif » à la fois ludique et « militant ». Dans sa forme canonique, elle se décline autour de trois temps soutenus par divers jeux et ateliers, supports écrits ou audio-visuels : « réveille-toi ! » (découvrir), « engage-toi !»(comprendre), « agissons ensemble !» (entreprendre). Cette trilogie s’accommode de multiples déclinaisons annuelles, selon le thème retenu et l’ingéniosité des équipes d’animation. Pour le coup, en cette année de Centenaire, le BTP 2018 est devenu « BT-Paix »…
Le "BTP" de Lens est toujours fréquenté et coloré ; ce samedi on comptait plus de 70 jeunes, aux couleurs de leurs troupes scoutes. La République Centrafricaine et les jeunes « artisans de la paix » de la PIJCA (Plate Forme Interconfessionnelle)- objet du spécial OKAPI 2018- fournissaient le premier support d’une démarche de réflexion sur la paix ; c’est d’ailleurs une mise en scène expressive du conflit et de la fracture civile qui amorçait le propos.
Dans ce cadre, la contribution d’ Amabella consistait d’abord à animer un des « ateliers » où les jeunes participants se mettaient en quête d’informations , d’expériences et de solutions possibles dans la prévention et la résolution des conflits. Elle a donc accueilli trois petits groupes successifs, de composition un peu différente (par l’âge notamment). Et mené l’affaire avec un certain talent pédagogique, en faisant appel à leur expérience personnelle de la dispute dans le cadre familial ou scolaire, en jouant des analogies avec la Centrafrique,
en suggérant des liens entre la démarche vécue au cours du BTP et celle de son propre Mouvement. Sans cacher non plus les aléas de la démarche de paix, la difficulté du pardon et les lenteurs de la réconciliation.
Un Bouge Ta Planète se conclut par un temps collectif de mise en commun. Amabella était conviée là à partager son regard sur ce qui a été vécu et échangé ; ce qu’elle a fait…
Au bout du compte, cette invitée qui au départ appréhendait un peu les rencontres programmées avec les plus jeunes a jugé que les moments passés en leur compagnie compteraient parmi ses meilleurs souvenirs. C’est particulièrement à eux que s’adressait son dernier souhait : que chacun là où il vit soit témoin et artisan de la paix, et en inspire d’autres.
Photographies : Jean Yves Six / Guy Jovenet