Les enjeux du rapport du GIEC août 2019

D’après l’analyse publiée le 27 juillet 2019 sur le site national du CCFD-Terre solidaire: Le 8 août 2019, le GIEC a publié un nouveau rapport, qui aborde des questions cruciales aux yeux du CCFD-TerreSolidaire...

Le 8 août 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat  a publié  un nouveau rapport, qui aborde desquestions  sur lesquelles le CCFD-Terre Solidaire se mobilise depuis longtemps :

-Quels sont les impacts des bouleversements du climat sur l’agriculture et la sécurité alimentaire?

-A contrario, quelles sont les conséquences de nos pratiques de gestion des terres pour le climat ?

 

Les interactions entre agriculture et climat:

 

Nos systèmes agricoles et alimentaires sont une cause importante  du réchauffement de la planète. Ils sont responsables d’environ un tiers de nos émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’agriculture est notamment la première source d’émissions anthropiques de  deux les gaz aux impacts détestables pour le climat : le méthane et le protoxyde d’azote.

Les dérèglements climatiques ont en outre des conséquences fâcheuses sur les terres en  accélérant la dégradation des sols et la désertification. Ils affectent également la vie des populations paysannes.

 

Depuis plusieurs années le CCFD-TS demande, aux côtés de ses alliés, la prise en compte des interactions entre dérèglements climatiques, terres et insécurité alimentaire dans les négociations internationales. En 2015, nous obtenions la mention de cet enjeu dans le Préambule de l’Accord de Paris. Ce rapport du GIEC sur les questions des terres, de l’agriculture et de la sécurité alimentaire va aussi dans le bon sens : la prise de conscience progresse.

 

Dérèglements climatiques et dégradation de l’environnement : des menaces sur la sécurité alimentaire :

 

Un récent rapport scientifique alerte sur les méthodes de l’agriculture intensive, notamment sur le risque de disparition des pollinisateurs. Or, 75 % des cultures destinées à l’alimentation humaine sont dépendantes ce ceux-ci.  Autre phénomène inquiétant, la dégradation des sols par l’érosion de la biodiversité et les pratiques agricoles intensives a réduit de 23 %  la productivité de l’ensemble de la surface terrestre.


Le dernier rapport sur l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde (15 juillet 2019), fait état de 821 millions de personnes souffrant de la faim. Un chiffre en hausse pour la 4e année consécutive. D’ici 2080, pourraient s’y ajouter  près de 600 millions de personnes supplémentaires, au  seul titre de la seule cause climatique.

 

La politique de l’autruche :

 

Le précédent rapport du GIEC (octobre 2018) dit clairement la nécessité d’entretenir et de recréer des puits de carbone, c’est-à-dire d’utiliser les terres pour séquestrer le CO2 et éviter qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère. Mais il est également impératif de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, y compris dans le domaine agricole.

Or, les dirigeants ont tendance à privilégier les politiques de séquestration du carbone dans les sols agricoles et à ignorer l’impératif de réduction des émissions.  Ces stratégies mises en œuvre pour séquestrer du carbone dans les terres agricoles font la part belle aux multinationales et à leurs « solutions » : OGM, pesticides, monocultures motorisée.

 

Dans le même temps, la déforestation se poursuit à un rythme effréné sous la pression de l’expansion de l’agriculture intensive, détruisant les puits de carbone que sont les grandes forêts primaires. Il faut s’alarmer de cette situation, car séquestrer du carbone est un processus long, laborieux et sans garantie de résultat. Planter une forêt de jeunes arbres ne peut compenser la perte d’un puits de carbone ancien et stable tel que l’Amazonie.

 

Surtout, il convient d’insister sur un point : séquestrer n’est pas réduire. La priorité doit impérativement être donnée à la protection des puits de carbone existants, tels que les forêts primaires, et à la réduction drastique de nos émissions.

 

Loin de réorienter l’agriculture mondiale vers un modèle soutenable, la fuite en avant se poursuit. En 2015, les pays de l’OCDE ont injecté environ 100 milliards de dollars d’aides financières dans une agriculture potentiellement nuisible pour le climat.

 

De vraies solutions…

 

C’est notre système agricole et alimentaire tout entier qui est à repenser. Et les alternatives existent. Aux côtés de nos partenaires du Sud, nous travaillons chaque jour à la mise en œuvre d’une autre voie : celle de l’agroécologie paysanne.

 

Cette révolution sociétale permet de mettre en place un vrai changement de paradigme. Ses émissions sont très faibles par rapport à l’agriculture industrielle. Elle comporte des pratiques qui permettent de séquestrer du carbone, sans détruire les puits existants. La restauration des sols est mieux assurée, la biodiversité mieux préservée.

 

L’agroécologie paysanne est plus résiliente face aux changements climatiques et permet d’assurer aux populations une alimentation abondante et nutritive. Enfin, cette agriculture favorise le développement économique et social en favorisant les marchés locaux et l’organisation territoriale des acteurs sur l’ensemble de la chaine de valeur.

 

Après ce rapport, enfin le tournant tant attendu ?

 

Le GIEC mettra en évidence la corrélation entre dérèglements climatiques et insécurité alimentaire. Nous espérons qu’il mettra également en exergue la nécessité et l’urgence de changer radicalement notre système agricole et alimentaire.

 

La capacité d’influence du GIEC est importante. Difficile pour les États de continuer à ignorer des milliers de scientifiques parlant d’une même voix. Voir apparaître ces conclusions dans leur rapport en fera un argument de poids pour faire peser cette question dans les prochaines négociations internationales sur le climat, notamment la COP25, au Chili en décembre prochain et avant cela le Sommet Action Climat, à New York en septembre.

 

Article publié par Guy Jovenet - CCFD Terre Solidaire • Publié • 1042 visites