Vivre le carême -2 : se laisser toucher

Deuxième dimanche de carême :

Gn22,1-2,9a.10-13.15-16       - Ps115 -         Rm,31b-34  -      Mc9,2-10

 

 

                        Vivre le Carême : Se laisser toucher

 

           Marc nous donne à contempler l'espace d'un instant un Christ de lumière "sur une haute montagne": Quand on sait la modestie des reliefs de la Galilée, on comprend que l'évangéliste s'attache moins à la topographie qu'au symbole. La montagne c’est le  décor traditionnel des manifestations divines, tout comme la nuée. En arrière plan on voit ici se profiler les monts de la révélation de l’Ancien Testament, le Sinaï et l'Horeb. D’ailleurs,  Moïse  et Elie sont là ...L’homme du buisson ardent , et celui qui entend Dieu dans la brise légère.. La loi et les prophètes:  les deux piliers de l’ancienne alliance désormais éclairés par un témoin unique. La scène nous donne à comprendre  que Jésus  est plus que la Loi, et plus qu’un prophète : Il est le Fils comme le proclame la Voix  qui retentit dans la nuée.

          Sur la montagne, transfiguré, le Christ reflète donc tout ce qu’il est. La  présence du Père   rayonne à travers  un visage, un corps, des vêtements d’homme. Jésus se montre à la fois dans sa réalité charnelle et dans sa luminosité divine.

 

         C'est que la transfiguration résume ce que Jésus a fait toute sa vie : il a rendu Dieu  « visible » dans le monde, par sa manière de vivre son humanité. Ses paroles, ses regards, ses émotions, ses gestes  reflètent la lumière divine- en termes compréhensibles, « croyables », concrets, imitables, parce que  vécus par un frère en humanité. A travers Jésus transfiguré il n’ y a plus d’obstacle infranchissable entre Dieu et l’humanité ;  dans le Christ l’un donne accès à l’autre, l’un révèle l’autre…

          Solidaire des hommes jusqu’au bout, Jésus est aussi mort pour les autres. C’était toujours une manière de nous révéler un visage divin : Dieu comme amour qui se donne. Le Père "n'a pas refusé son propre fils" [1] ; il a accepté l'offrande du Fils comme l’ultime moyen de « réconcilier le monde avec lui-même » (2Co 5,19), et pour accueillir une multitude de fils et filles libérés de toute entrave.

         Aussi (dira Saint Paul)  le Père a-t-il  confirmé, validé, la justesse de toute l’existence du Christ en le ressuscitant. C’est pourquoi la Transfiguration préfigure aussi la gloire de la résurrection.

 

        La transfiguration éclaire notre regard sur nous-mêmes. A travers Jésus transfiguré  apparaît une sorte d’équivalence entre la Lumière par excellence  et la lumière modeste qui habite en chacun de nous. Créés à l’image de Dieu, nous essayons -chacun comme il peut-de marcher vers la ressemblance, en essayant d’ajuster notre propre humanité à celle du Christ.

         Cela  devrait aussi suffire à éclairer notre regard sur les autres, proches ou lointains, familiers ou étranges : la même étincelle de vie les anime. Nous pouvons "nous laisser toucher par le  visage de l'autre  , la lumière qui en émane, le poids de vie qui s'y inscrit, voir en lui une présence brillante et étincelante"[2]. Bien sûr certains de nos contemporains nous apparaissent rudement opaques…Mais la transfiguration pourrait bien signifier que, malgré tout,  chaque homme est « capable de Dieu », même s’il ne le sait pas encore. Que tout le monde peut découvrir un jour dans le Christ ce qu’il pourrait devenir (c’est sans doute une manière d’aimer ses ennemis que de le leur souhaiter!).

          Nous-mêmes  nous sentons parfois un peu ternes ou éteints... Le carême aiguise la conscience de nos insuffisances ... mais c’est là que Saint Paul vient nous rappeler l’essentiel : « Ce n’est pas par nos seules forces que nous sommes sauvés ". Le salut,  c’est la grâce de Dieu qui nous en fait don ; à nous de le recevoir dans la foi …Et c’est la même grâce qui donne à notre foi d’opérer par la charité.

           Dès lors, "si Dieu  est avec nous, qui sera contre nous ?" Dieu n'attends pas que nous soyons d'abord parfaits; mais que nous le reconnaissions comme un Père toujours prêt à combler la distance . Par le Christ , nous sommes rendus capables de trouver l’attitude exacte que Dieu attend de nous [3] : des fils et des filles… Et du même coup des frères et des sœurs  qui se regardent et   qui essaient de vivre comme tels. Aussi la contemplation de Christ transfiguré n’est-elle  pas  fuite dans le sacré ou le passé ; elle conduit à la rencontre et  à  l’action :il nous faut toujours  (comme Pierre , qui aurait volontiers campé là  haut ) redescendre de la montagne, pour prendre notre part à la rédemption du monde.

 

Guy Jovenet, aumônier diocésain

photographie : dans le choeur de l'église Notre Dame des sables, Berck-plage : le poster de carême , présenté par l'équie liturgique de la paroisse


[1] Deuxième lecture: Paul aux Romains  8, 31b-32

[2] "Vivre le carême", page 10

[3]  Deuxième lecture :  "C'est Dieu qui justifie"... Jésus , mort et ressuscité "intercède pour nous"

Article publié par Guy Jovenet - CCFD Terre Solidaire • Publié • 1316 visites