cinq méditations pour cinq dimanches

Un regard sur les lectures du dimanche et l'éclairage de Laudato Si.

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                                                      PREMIER DIMANCHE

 

 

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                Les Lectures de ce jour nous livrent  les deux récits de TENTATION les plus célèbres de l’histoire. Dans les deux cas, les propositions du tentateur visent à fausser ou pervertir le rapport de l’homme à Dieu. Il n’a certes pas la grossièreté d'inviter directement au mal; on pourrait même dire  qu’il plaide le vrai réalisme dans l'intérêt de ceux qui l'écoutent.  Un Messie ne doit-il pas donner  aux foules du pain, des exploits à admirer, un chef à adorer ? A Adam et Eve aussi il prétendait montrer ce qu’il y a de meilleur: 'votre Dieu craint que vous en sachiez autant que Lui…libérez vous !' Le tentateur cite même les écritures : "Il est écrit" ... Avec Eve il détourne si bien la Parole divine que Dieu apparaît non plus comme celui qui donne ("Tu peux manger de tout arbre"; toute la création est don[1]), mais comme celui qui empêche (Tout sauf cet arbre, ce n'est donc pas tout...).

            Et l'offre vénéneuse tient toujours  puisque nous sommes confrontés aux mêmes mirages, dans leurs déclinaisons individuelles ou collectives: l’argent idolâtré, le culte de l’apparence, l'esprit de domination. Le pape François repère dans la démesure anthropocentrique moderne une  cause profonde de la crise écologique [2]. En se posant 'au centre de tout en dominateur absolu , l'homme moderne ne reconnaît plus de valeur propre à la nature et aux autres vivants,' considérés comme un simple stock de ressources dont il peut user à son gré et sans limites.

            Cet anthropocentrisme "dévié" engendre "un style de vie dévié", qui accorde une absolue  priorité  aux  intérêts personnels ou de circonstance -" tout le reste devient relatif"...Il se conjugue si bien au "paradigme technocratique" dominant que leurs effets se renforcent.  La tendance "à faire de la méthodologie et des objectifs de la techno-science une manière de comprendre et d'interpréter l'existence entière",  met en effet  "la raison technique au-dessus de la réalité"  et  "fait perdre le sens du beau, du gratuit, du relationnel". L'alliance de la technique et de l'économie, trop souvent au service du profit, demeure indifférente "à d'éventuelles conséquences négatives".

 

 

            Selon la Bible (...) "l'harmonie entre le Créateur, l'humanité  et l'ensemble de la création a été détruite par le fait d'avoir prétendu prendre la place de  Dieu (LS- n° 66). Céder à la  tentation, c’est faire l’expérience de l’illusion - mais on ne s’en rend compte qu’après...

« Si tu manges du fruit tu seras comblé »…Alors l'envie d'avoir pourrait combler le manque d’être? On pourrait tout à fait inventer ce qui est bien, et juger de tout ? Ce fantasme de la toute-puissance est toujours dans l'air du temps : "Jamais l'humanité n'a eu autant de pouvoir sur elle-même"  souligne le pape, et  "rien ne garantit qu'elle s'en servira toujours bien"  (LS- n°104).

Jusqu'à ce que nos erreurs, nos limites et nos incertitudes nous rattrapent. A vouloir être comme Dieu, enseigne la Genèse, on finit par voir tout ce qui nous en sépare: «Alors leurs yeux s’ouvrirent …" 

            Cela dit, Adam et Eve ne  sont pas plus pécheurs que d’autres ; ils font ce que nous aurions fait à leur place. C'est  de la condition humaine en général que parle l'Ecriture ;  Adam et Eve sont seulement les premiers de la série. Paul le dit à sa façon : «Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venu la mort, qui est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché».

Aussi entrons nous dans le carême en reconnaissant ce que nous sommes : imparfaits, exposés à la tentation, friables... Pas seulement pour nous en désoler, mais pour nous « laisser réconcilier avec Dieu ». Le Psaume de ce jour le dit assez : "Oui je me lèverai et j'irai vers mon Père".

                Paul est là pour nous y aider, par la façon dont il relit l'expérience d'Adam. "Voici", dit-il, "que par un seul homme - Jésus, le Christ- le salut est entré en ce monde ". Là où le premier Adam a cédé,  Jésus le nouvel Adam a résisté à la tentation; il a  vécu une vie d’homme, est mort; et  Dieu l’a ressuscité. Donc, si tout homme est comme Adam, tout homme (toute femme)  peut aussi être comme le Christ : « La grâce de Dieu donnée à un seul homme, Jésus Christ,  est un don qui comble la multitude », et « tous deviendront justes parce qu’un seul a obéi ". Il suffit alors de s’ouvrir à la grâce du don gratuit de Dieu pour être « justifié ». Bonne nouvelle qu’il convient d’accueillir : entendons bien tout le chant du Psalmiste : « Rends moi la joie d’être sauvé »… « fais que j’entende les chants et la fête ».

                Ouvert à la grâce, on ne peut « la laisser sans effet »; ce qui engage une dynamique nouvelle… Une façon de penser qui préfère la confiance en Dieu à la suffisance,  une manière d'agir qui s'attache au partage et au service des frères, un style de vie respectueux de la planète et de tous les vivants qu'elle porte. Le livret du CCFD-Terre Solidaire nous invite justement cette semaine à chercher un chemin de conversion qui protège la création et rende gloire à la beauté du monde...

 

 

NB : Chaque mercredi, le livret spirituel du CCFD-Terre Solidaire est utilisé pour un temps de prière en paroisse - (ou sur le mode individuel)

 

---notes :

 

[1] LS 76 : Dans la tradition judéo-chrétienne, "création" signifie plus que "nature" , qui "s'entend comme un système qui s'analyse, se comprend et se gère" ; la création "peut seulement être comprise comme un don qui surgit de la main ouverte du Père de tous"...

[2] "Laudato Si", chapitre 3 : "la racine humaine de la crise écologique"

 

 

 

 

DEUXIEME DIMANCHE

 

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            Dans "Laudato Si", le pape François souligne  que "Le Nouveau Testament  ne nous parle pas seulement de Jésus terrestre et de sa relation si concrète et si aimable avec le monde. Il le montre aussi comme ressuscité et glorieux, présent dans toute la création par sa seigneurie universelle" (LS,100). Le récit de la TRANSFIGURATION en témoigne, qui use d'images fortes pour dire la gloire du Christ, venu "accomplir" la Loi et les Prophètes.. Au Mont Thabor, Jésus apparaît à la fois dans sa réalité charnelle et sa luminosité divine. Son visage resplendissant "comme un soleil", ses vêtements "éblouissants de lumière" reflètent tout ce qu'il est : pleinement homme et Fils bien aimé. Créé à l'image de Dieu  et en marche vers la ressemblance, chacun est appelé à faire sienne la lumière du transfiguré, à "vivre en enfant de lumière".

            La Transfiguration anticipe et annonce la gloire de la résurrection, qui dévoile et promet un devenir possible  pour soi-même et pour le monde.  François appelle  ainsi à voir au-delà de la réalité sensible pour considérer  la face lumineuse d'un monde appelé au salut:  "l'aboutissement de la marche de l'univers se trouve dans la plénitude de Dieu, qui a été atteinte par le Christ ressuscité"...(LS 83).  Ainsi, "toutes les créatures avancent avec nous et par nous jusqu'au terme commun qui est Dieu,  dans la plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout"..

 

            La voix qui ratifie la révélation faite aux disciples ne dit pas (ou pas seulement): 'regardez-le',  mais bien :"écoutez-le". Si possible  à la manière d'Ezéchiel : « Fils d’homme, toutes les paroles que je te dirai, reçois-les dans ton cœur, écoute de toutes tes oreilles »[1].

            Nous l'entendons aussi, qui sonne d'abord comme une réassurance :« c’est mon Fils, vous pouvez y aller  en toute confiance » . Mais  "écoutez", c'est encore : 'comprenez ce qu'il vous dit' dans la réalité d'aujourd'hui, en discernant  les attentes contemporaines,   l'espérance des plus pauvres et la  perpétuelle nouveauté de la vie. C’est pourquoi  « Ecoutez- le » résonne comme  une invitation pressante:à l'action  -'faites ce qu'Il vous dit'-  ou comme  un appel à une nouvelle conversion..

 

            Pas question alors de s'installer comme le suggère Simon Pierre, qui voudrait bien rester là et arrêter le temps  Il faut au contraire se relever, redescendre de la montagne,  "écouter les gémissements de la terre et des abandonnés du monde", et le rendre à sa véritable vocation. C'est d'ailleurs ce "relevez-vous!" qui ouvre  le beau cheminement proposé cette semaine dans le livret spirituel du CCFD- terre solidaire .  La Transfiguration nous engage en effet  à changer le monde, ici et maintenant, à la mesure de nos moyens.- du moins à inventer une autre manière d'être au monde: "Nous n'avons jamais autant maltraité notre maison commune, mais nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu'il a rêvé en la créant, et pour qu'elle réponde à son projet de paix , de beauté et de plénitude. " (LS 53)

            Pour vivre cette alliance là, il faut accepter de partir, de faire du chemin et d'autres rencontres; faute de quoi il ne peut rien arriver de neuf. Comment pourrions -nous autrement percevoir les potentialités dont l'Esprit a rempli l'univers- "qui permettent que, du sein même des choses, quelque chose de nouveau peut surgir".?.(LS 80). L'histoire d'Abraham rappelle  que toute vie spirituelle est aussi mouvement (première lecture). Tout commence ici  par une Parole, qui est promesse. Promesse qu'on ne peut entendre que si l'on renonce à s'installer et à posséder[2].

            Pour autant nous ne cheminons pas seuls ..."Dieu qui nous appelle à un engagement généreux, et à tout donner, nous offre les forces ainsi que la lumière dont nous avons besoin pour aller de l'avant"  dit François (LS 245)..."Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu'il s'est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux  chemins ; Loué soit-il."

 

--- notes :

[1]  Ez 3,10

[2]  Maxime Leroy: " Nouveaux chemins d'évangile", L'atelier, 2005

 

 

TROISIEME DIMANCHE

 

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           L’Evangile de ce jour est d’abord une grande catéchèse. L’identité de Jésus est au cœur du récit, progressivement révélée et reconnue par la SAMARITAINE, dans une suite d’appellations: un homme fatigué, un juif,  un seigneur, un prophète,  le Messie …"Moi qui te parles, je le suis"- Au point que la femme se fait témoin de sa présence, ameute les habitants de Sychar: au terme du récit, tous  reconnaissent Jésus comme sauveur du monde. A mi-chemin  du carême, il est bon de se recentrer d'abord là-dessus : dans l'attente de Pâques, notre regard est bien dirigé vers Jésus, Christ.

           Le voici donc, fatigué, assoiffé, assis au bord du puit de Jacob, au fin fond de la Samarie -une contrée qui n'a pas bonne réputation. Comme un  reflet de Dieu en quête de l'humanité dans la Samarie d'aujourd'hui -  la société telle qu’elle est avec ses attentes, ses détresses, où nous devons vivre et témoigner. Pour annoncer la Bonne Nouvelle de manière audible il faut bien commencer par s’impliquer dans le monde présent  et en attendre quelque chose ! C’est là que la Bonne Nouvelle doit être  entendue comme un message de libération, de fraternité et de transcendance. Le  pape François  ne dit pas autre chose…

 

          Dans la Bible, les puits sont lieu de rencontre. Arrive justement une femme du pays, sans doute assez loin de tout çà....Jésus lui adresse la parole ; elle s'en étonne à bon droit . Jésus brave toutes les conventions, au-delà de tout préjugé; à l'instar de son Dieu qui n'exclut personne. Tout le monde a droit à l’eau vive...Nous réapprenons là du Christ une manière d’aborder le monde et de rencontrer les gens. Nous comprenons que l’évangile est une invitation à la rencontre, une conversation à établir ...

         La conversation justement  s'engage.  Cette scène  inaugurale fournit cette semaine un point de départ au  livret spirituel du CCFD pour  attirer l'attention sur une nécessaire égalité, encore à conquérir :"A égalité un homme, une femme, osent dialoguer". La samaritaine est d'abord sensible à ce qui sépare : 'comment, toi , un homme , un juif , tu m'adresses la parole?' Ou encore : 'dis-moi, prophète,  quel lieu de culte est le bon , celui des Juifs ou bien le mont Garizim'?  Jésus  ouvre alors d'autres perspectives  ou ramène en douceur à ce qui pourrait rassembler.

 

          Au fil de l'échange, le Christ incite la Samaritaine à réfléchir sur sa vie, à percevoir autrement ses besoins profonds, à exprimer son tourment. Ses allers-retours au puits   disent en effet  une existence  répétitive et contrainte. Cinq maris n’ont pas rempli son existence; elle vit avec un autre encore.  En somme : aucune de ses expériences antérieures n’a apaisé sa soif ; et la vraie vie est ailleurs. Une icône  de "l'insatisfaction existentielle" de celui ou celle  "qui n'a pas trouvé ce qu'il cherche" disait Benoît XVI...

            Sommes-nous ici très éloignés des insatisfactions et des compulsions contemporaines?  "Plus le cœur de la personne est vide  plus elle a besoin d'objets à acheter, à posséder et à consommer" constate le pape (LS 204); dès lors, "il ne semble pas possible qu'une personne accepte que la réalité lui fixe des limites".

 

            Le Christ rejoint la samaritaine dans ses réalités quotidiennes et personnelles. Est-ce  différent pour nous ? Jésus au bord du puits  c'est aussi  Dieu qui nous attends, dans notre propre Samarie, pour nous redire dans le secret : "si tu savais le don de Dieu" , et nous  toucher par sa parole.

            La rencontre n'est pas sans fruit.  Aujourd'hui, la conversion écologique à laquelle François appelle les croyants  "implique" elle aussi " de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus -Christ sur les relations avec le monde qui les entoure" (LS 216).

            La samaritaine entame une vie nouvelle Il existe une vie, une sérénité qui ne dépendent pas des objets de ce monde. Aujourd'hui, ce n’est pas forcément dans la possession de biens ou la consommation à outrance qu'il faut rechercher la plénitude.. Il est possible "d'apprécier profondément  les choses sans être obsédé par la consommation" .Peut être même "la sobriété (...) vécue avec liberté et de manière consciente" est-elle "libératrice"? (LS 222-223)

 

 

 

QUATRIEME DIMANCHE

 

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           Après la samaritaine, l'évangile de Jean décrit aujourd'hui un autre chemin de foi. L'AVEUGLE qui s'adresse  au rabbi répond d'abord qu'il "ne sait pas"  qui l'a guéri; puis sous le feu des questions viennent d'autres mots: « un prophète »… « un homme qui vient de Dieu »… jusqu’à la révélation plénière: « je crois Seigneur ». 

Le récit de guérison dit aussi que tout homme, par définition aveugle de naissance, peut accéder à la lumière...Jésus fait de la boue avec sa salive et  l'applique sur les yeux de l'aveugle. La boue, c'est notre  poussière  où se mêlent le souffle  et la Parole - comme Dieu a insufflé la glaise d'Adam - Le Christ en  fait une onction (la condition terrienne n'est pas malédiction); mais  pour y voir clair,  il faut encore aller « se laver à la piscine de Siloé »  -se plonger dans l’eau du baptême. 

            Ce chemin là, nous pensons l’avoir déjà parcouru : ne sommes-nous pas déjà  baptisés, voire confirmés, en tout cas « pratiquants » ? Pourtant, si l'Eglise nous donne à lire ces versets en ce dimanche de carême c'est parce qu’elle les juge toujours propres à nourrir notre itinéraire spirituel  sur la route de Pâques.

 

           «Serions-nous aveugles, nous aussi ?» demandent les pharisiens à la fin de l'épisode. De fait,  nous mêmes ne voyons pas toujours clair, ou restons  trop peu capables de sortir de nos préjugés et représentations (comme les apôtres et les pharisiens qui ne voyaient au mal et à la souffrance qu’une seule explication : le châtiment d’une faute commise). Le reconnaître, c'est se laisser interroger: qu'est-ce qui nous échappe? Que n'avons-nous pas envie de voir ?

            Et que pourrions- nous regarder autrement, dans notre rapport aux autres  mais aussi  au monde ...Car la crise écologique s'enracine en nous, qui partageons quelques-unes des cécités du monde. Sans doute nous sommes-nous fourvoyés en  nous voyant comme 'possesseurs et maîtres' d'une nature destinée à nous servir et devenue objet mécanique  vidé de tout mystère.

           

             Reconnaître  et regretter nos aveuglements n'est pas le dernier mot de l'affaire Il faut aussi se souvenir du souffle qui habite notre poussière et nous  rend "capables de Dieu".  Ce Dieu qui  « regarde le cœur »  et  n’y voit pas que des obscurités. Sans doute nous croit-il capables de regarder mieux, et  d’inventer un vivre ensemble qui nous rende plus heureux.

            La conversion écologique aussi  appelle à changer de regard: sur Dieu - présent dans toute la Création -  sur  la nature - habitée d'une présence- et sur  l 'homme, animal terrestre et être céleste .à la fois., conscient "de ne pas être déconnecté des autres créatures"[1] . Cette conversion implique "la reconnaissance du monde comme don reçu de l'amour du Père",  dont nous serions "les intendants responsables", ou  les "jardiniers",  invités à en user comme des personnes en quête de coopération et capables de se limiter.

 

           Comme l'aveugle est allé se tremper dans la piscine de Siloé, chacun peut replonger dans l'eau de son  baptême. Pour se réassurer -   et redire sa confiance avec le psalmiste : « Le Seigneur est mon berger…Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre … son bâton me guide et me rassure ». Pour se souvenir : cette eau  là  nous a fait «prêtres », afin de  célébrer,  « prophètes »  afin d' annoncer le royaume et sa présence anticipée dans nos vies,  et « rois » pour travailler au bien commun, par le service et le partage.

       Alors "de retour sur la place du marché », chacun pourrait constater comme l’aveugle : "J’étais aveugle, maintenant je vois ». Notre projet diocésain de catéchèse et d'évangélisation  invite déjà à  « regarder le monde  avec les yeux du Christ »  :   "Bonté, accueil et bienveillance pour tous...", "particulièrement pour les petits, les exclus, les pécheurs, les étrangers ".  Et pourquoi pas au-delà, si "tout l'univers matériel est un langage de l'amour de Dieu" (LS 84)? 

 

         On peut  entendre ici le conseil de  Paul: «vous êtes devenus lumière, vivez comme des enfants de lumière ».. Le changement de regard devient en effet  fécond quand il s'incarne dans l'action, personnelle et collective, même modeste. Il y a place pour "de simples gestes quotidiens" (LS 230), constitutifs  d'un "nouveau style de vie". Le CCFD-TerreSolidaire en suggère quelques -uns  dès ce temps de carême ("quarante gestes généreux"...).

            Tout un chapitre de l'encyclique est consacré à "des lignes d'orientation,  de dialogues et d'actions"[2]  appelées à se déployer à plusieurs échelles - locale, nationale et internationale.-- parce que  "l'interdépendance nous oblige à penser à un monde unique, à un projet commun"  (LS. 164). [3] Le Pape appelle en particulier de ses vœux des accords "sur les régimes de gestion des biens communs globaux" : l'air et  le climat, la mer et les littoraux, et aussi l'eau, enjeu crucial qui parcourt cette semaine les pages de VLC  et  du livret spirituel ...

 

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notes :

 

 [1]  Le Pape évoque "le reflet de Dieu qui se trouve  dans tout ce qui existe " (LS 87) et la  "conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures, de former avec les les autres êtres de l'univers une belle communion universelle"  (LS 220)

[2] Le chapitre 5 trace "les grandes lignes de dialogue à même de nous aider à sortir de la spirale d'autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons" (LS 163). Ainsi du"dialogue sur l'environnement dans la politique internationale", ou de la nécessité du 'dialogue et de la  transparence dans les processus de décision' , en vue de nouvelles politiques nationales et locales .

[3] LS 164 :"Que le monde soit interdépendant ne signifie pas seulement comprendre  que les conséquences  préjudiciables des modes de vie, de production et de consommation affectent tout le monde, mais surtout faire en sorte que les solutions soient proposées  dans une perspective globale, et pas seulement pour défendre les intérêts de certains pays".

 

 

 

CINQUIEME DIMANCHE

 

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                   Ce passage de l'Evangile de Jean est l’un des plus bouleversants qui soit, parce qu'il est pétri de la profonde humanité du Christ  et touche à une question essentielle, celle de la mort d'un proche. Il  décrit notre désarroi, comme il porte notre espérance.

                   LAZARE est mort. Pour ses deux sœurs, un choc et une épreuve. Chacune affronte à sa manière le vide douloureux brutalement inscrit dans leur existence. Marie, d'abord réfugiée dans la maison, couvant son chagrin; Marthe tout de suite partie à la rencontre de Jésus. Marthe qui interroge et  dit d'emblée sa déception:" Si tu avais été là , mon frère ne serait pas mort ". Marie accourue un peu plus tard aux pieds du maître  ne dira pas autrement. Tant cette question peut venir  à l'esprit de chacun dans ces moments amers : 'où étais-tu quand notre frère était malade et mourant ?' Nous ne faisons pas plus qu'elles l’économie de la souffrance, et Jésus, compagnon silencieux, ne vit pas nos vies à notre place. 

                  Malgré tout, Marthe dit aussi sa confiance : "Je sais que Dieu t'accorderas tout ce que tu demanderas"...Et Jésus lui répond: "ton frère ressuscitera".  "Je sais", dit à nouveau Marthe, "à la fin des temps". Marthe sait, sait ce qu'elle croit, et  sait le dire. Et  pourtant le Christ  lui  dévoile que l'essentiel reste à découvrir : "Moi, je suis la Résurrection et la Vie ». Il invite Marthe à passer d'une  croyance à la résurrection des morts à la fin des temps, à une foi en quelqu'un qui est aujourd'hui la vie (A.S. Dantan-Verseils). "Le crois-tu?"" interroge alors celui  qui  nous tend une parole de confiance absolue: "Celui qui croit en moi, même s'il meurt vivra"...Celui qui croit vivra intensément et continuera à vivre devant Dieu.

 

 

               La résurrection n'est pas un précepte, c'est "une personne, une rencontre, une expérience ". Pas celle du dernier jour, dont parlait  Marthe : celle dont Jésus témoigne au présent, offerte  à plus d'un Lazare.

                    A commencer par celui que nous portons peut-être? Ou dans lequel nous pourrions nous reconnaître en ce dernier dimanche de carême, à un jet de pierre de Pâques. Qu’est-ce qui se cache alors derrière la pierre tombale et les bandelettes ? Des échecs et  des regrets? Des  craintes et des  cécités? Du  ressentiment  et de l'indifférence? Tout ce qui se tient dans la mort,  qui en Dieu pourrait peut être reprendre vie ?  « Viens dehors»  dit le Christ, même si tes mains et tes pieds sont encore attachés,  et vis.

                 Il y a aussi ces Lazare  à qui nous laissons  si peu d'espace pour vivre, ou  que nous avons perdu de vue ; ceux que la  société étouffe sous les bandelettes des préjugés, ou bien relègue dans "les tombeaux de son indifférence". Autant "d'amis de Jésus", appelés  à revivre;  à charge pour nous de les « délier » de ce qui les entrave.

                   Plus largement encore,  Lazare emmailloté ce sont ces personnes qui, sous d’autres cieux sont privés d’une vie digne parce que la faim les assaille; les  populations dont les mouvements sont  empêchés parce que leurs droits fondamentaux  sont oubliés ou niés ; les pauvres qui pâtissent au premier chef  de la dégradation écologique et sociale de la planète et en paient le prix. Les destinataires de votre don au CCFD-Terre Solidaire, qui s'activent pour mettre en oeuvre eux-mêmes des solutions...Tous ceux pour qui "nous devons convertir le modèle de développement global"  et même  "redéfinir le progrès" (LS n°194).

 

 

                    Modestes résurrections, mais tellement proches ! Viendra bien un jour cet  "au-delà du soleil" qu'évoque François au terme de son encyclique : quand à la fin "nous nous trouverons face à face avec la beauté infinie de Dieu (1Co 13,12)". Alors  "nous pourrons lire, avec une heureuse admiration, le mystère de l'univers  qui participera avec nous à la plénitude sans fin" (LS 243).

                 Entre temps, "nous nous unissons pour prendre en charge cette maison qui nous a été confiée, en sachant que tout ce qui est bon en elle sera assumé dans la fête céleste" (LS 244). Pour le moment, Dieu nous appelle "à un engagement généreux", qui ne cède pas aux discours catastrophistes, non plus qu'aux illusions du perpétuel miracle technologique; qui ne  s'abandonne  ni aux facilités du laisser -faire ni  à la tentation du découragement:

     "Ensemble, avec toutes les créatures, nous marchons sur cette terre en cherchant Dieu (...) Marchons en chantant!  Que nos luttes et notre préoccupation pour cette   planète ne  nous enlèvent pas la joie de l'espérance" (LS 244)

 

 

 

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Article publié par Guy Jovenet - CCFD Terre Solidaire • Publié • 1127 visites