La "conversion écologique", c'est-à-dire ?

"La crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure" LS 217

 

 

1. Convertir  qui ou  quoi ? comment ?  (Ce qui ressort de la lecture d'ensemble de l'encyclique):

 

 

« J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous. Le mouvement écologique mondial a déjà parcouru un long chemin, digne d’appréciation, et il a généré de nombreuses associations citoyennes qui ont aidé à la prise de conscience..  » (LS14)

La conversion écologique s’impose à tous ; elle n’est pas propre aux seuls chrétiens, et se voit portée par un mouvement mondial qui n’est pas spécifiquement  religieux. L’encyclique invite  les chrétiens à entrer dans des préoccupations et débats  largement partagés.

La conversion est urgente. on constatera cependant qu'elle se propose à tous comme un chemin . En dépit de l'urgence, elle  n'est pas brandie comme une menace - genre :"si vous ne faites rien, maintenant , c'est fichu".

 

11 La crise écologique et sociétale appelle une conversion profonde de nos représentations et de nos modes de vie. 

La conversion  commence par un changement de regard sur l'état du monde : François invite à     poser là-dessus un 'regard honnête'  (réaliste, qui reconnaisse la réalité d'un monde     limité et fini    -LS 56), 

un 'regard situé' (qui envisage les choses du point de vue des       plus pauvres,   qui souffrent davantage des effets des dégradations environnementales      et sociétales-   LS 49),

et un 'regard impliqué'  (LS19 : "prendre un douloureuse    conscience, oser transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde  et reconnaître la contribution que chacun peut apporter).,

"Honnête", "situé", "impliqué"  sont des expressions empruntées à JY NOLLET (conférence intitulée :"Les audaces de Laudato Si", Arras 2019)

 

La conversion écologique que propose François appelle  donc  à reconnaître le   monde comme un monde fini, limité, abîmé, détérioré aux dépens des plus pauvres, et de  s'en émouvoir - au point d'agir. Mais aussi à confesser ce monde comme   une création    où le divin se laisse saisir, un don à transmettre, dont nous serions "les intendants       responsables", soucieux de  justice.

 

Laudato Si résonne de cet appel permanent à la relation juste avec Dieu, les autres, et la nature elle-même. 

Le Pape souligne  les liens qui se nouent entre ces  trois registres. Ici, il constate à quel point la vision de la nature comme objet de profit et d'intérêt pèse sur la société, favorise l'arbitraire du plus fort et les inégalités d'accès aux ressources. Il note ailleurs que la réalité du sentiment  d'union avec la nature se mesure à l'aune "de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains" : comment prétendre prendre soin de l'une  si l'on ne soucie pas des autres?  D'ailleurs il n'existe pas à ses yeux deux crises séparées, l'une environnementale et l'autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale" (LS139)... S'ensuit qu'«une vraie approche écologique se transforme en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (LS 49).

 

La préservation de la maison commune et l'humanisation du monde  appellent  un   consentement à la limite. "Si nous reconnaissons la valeur et la fragilité de la nature, et en même temps les capacités que le Créateur nous  a octroyées, cela nous permet  d'en finir aujourd'hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite"... (LS 78). C'est à partir des limites qu'il convient désormais de penser la préservation de l'environnement,  le partage des ressources, et une écologie intégrale. C'est à partir des  limites qu'il convient d'envisager nos propres appétits et notre  consommation.

 

La conversion convie et conduit  à s'éloigner d'un "style  de vie dévié" ravageur qui accorde une absolue priorité aux intérêts personnels ou de circonstance. Fruit d'un "anthropocentrisme dévié", il est  induit socialement  par le marché et la technique, mais favorisé aussi par le vide intérieur  de l'individu qui se replie sur lui-même (LS 204 : plus le cœur est vide, plus on a besoin d'objets à consommer!). Tout n'est pas perdu pour autant, parce que les êtres humains sont toujours capables de se régénérer  au-delà des conditionnements imposés (LS 205).

 

La conversion invite ainsi à quitter un style de vie consumériste dans lequel chacun ne  se réfère qu'à lui-même  pour concevoir "un autre style de vie" et le pratiquer pour notre bien :  "le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous   abrutissent, en nous    rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu'offre la  vie" (LS 223).François en trace les contours, sans cacher le grand défi éducatif que cela représente (LS 209).

 

 

12 La conversion écologique est à la fois conversion individuelle, communautaire,  et collective (avec la société civile). Citoyenne et croyante, aussi.

 

D'abord personnelle, la conversion s'accomplit dans une "charité politique". Elle vise à la transformation de soi, et à la transformation du monde.Aussi conjuguera-t-elle :

                        - l'action individuelle : par exemple dans nos choix de consommation et la réduction de nos achats et de nos appétits, ou en posant  les gestes simples de   "petite voie de l'amour"  (LS 230)

                        - l'action collective (au sein de nos diverses communautés d'appartenance), et  la modification de  notre organisation collective (exemples  dans divers registres: adoption de la démarche "Eglise verte" , en paroisse  ou  doyenné/  la promotion des circuits courts dans sa ville avec des   associations locales/ Le défi éducatif, qui (LS 213) implique tous les milieux éducatifs:  la famille, l'école, la catéchèse ..).

                     - enfin le chapitre 5 tout entier  décline la nécessité et les modalités d'une action politique (locale, nationale, internationale)  qui recherche par le dialogue des solutions globales.

 

Transformation intérieure,  éthique, et action : le programme s'adresse à tous. Tout le monde peut s'engager dans la préservation de la maison commune (ou la défense de la création) selon sa culture, son expérience, ses aspirations et ses capacités.

Toutefois, la conversion écologique  est une  dimension essentielle de la conversion Chrétienne (LS 217) :  Ce n'est pas une option facultative que le croyant  pourrait négliger,  mais une conséquence de la rencontre  avec le Christ.  Dimension parfois  oubliée, qu'il convient de rappelerdit François: certains chrétiens  se moquent des      préoccupations environnementales; d'autres sont passifs. Ceux- là ont besoin d'une conversion "qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de la rencontre avec Jésus Christ sur les relations avec le monde qui les entoure". (LS 217).

 

S'ensuit que "vivre la vocation de protecteurs de l'oeuvre de Dieu  est une party essentielle d'une existence vertueuse" (LS 217)

 

2. La spiritualité chrétienne a des ressources propres à faire valoir, qui favoriseraient la conversion profonde qu'exige la situation  (chapitre 6 /§ conversion écologique/ 216- 226)

 

2.1 La spiritualité chrétienne offre quelques ressources pour cheminer en ce sens,  en particulier fournir les "mobiles intérieurs" qui motivent, encouragent et "donnent sens à l'action personnelle et communautaire"

"Je veux proposer  aux chrétiens quelques lignes d'une spiritualité écologique qui  trouvent leur origine dans les convictions de notre foi, car ce que nous enseigne l'Evangile a des conséquences sur notre façon de penser, de sentir et de vivre".(LS   216).

Il s'agit moins d'idées que de motivations  pour "alimenter la passion de la préservation   du monde" : il y faut "une mystique..."

La conversion, affaire de chacun et  affaire de tous :

s'il convient  de commencer par  "examiner nos vies"  et de"reconnaître ses propres erreurs/ péchés/négligences,  et de s'en repentir. (LS218) Mais la conversion, pour créer une dynamique de changement durable, doit aussi être communautaire.( LS 219)

 

2 2 La conversion écologique suppose  (implique) certaines attitudes (LS 220)

 

- gratitude et gratuité, "c'est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l'amour du Père", ce qui a pour conséquence des attitudes de renoncement et de générosité.

Comprendre la création c'est sans doute déchiffrer les mécanismes qui régissent la nature, repérer ses  fragilités, concevoir des manières d'en prendre soin. C'est tout autant  réaliser qu' elle est le fruit d'une décision aimante,  'un don  gratuit"  que nous recevons et communiquons.

 

-la "conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures, de former avec les autres êtres de l'univers une belle communion universelle" Chaque créature a une fonction, aucune n'est superflue; chacune est porteuse d'un message dans l'harmonie de la création. Dans tout ce qui  existe se trouve un reflet de Dieu (LS 87 /LS 221).  Ou encore : "assurés" que le Christ « a assumé en lui-même ce monde matériel", nous pouvons penser que le ressuscité habite au fond de chaque être, qu'il aime et pénètre de sa lumière  (LS221).

Non pas fuir le monde, mais trouver Dieu en toute chose !

 

2.3  La spiritualité chrétienne propose "une autre manière de comprendre la qualité de la vie"  et encourage un style de vie prophétique et contemplatif, capable d'aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation. (LS 222). Un passage de "de l'avidité inquiète à la sobriété heureuse"  en somme (JC Nollet):

 

                 La conversion fait sienne une attitude du cœur qui vit pleinement  chaque instant    dans une attention sereine, comme un don divin. Le " retour à la simplicité" (qui  nous permet de nous arrêter  pour apprécier/ remercier, sans s'attrister de ce  qu'on n’a pas)  ouvre  aussi des possibilités d'épanouissement.

                    La conversion nous met en quête d'une sobriété heureuse et libératrice, ouverte à   la fraternité universelle. "La sobriété  vécue avec liberté et de manière consciente         est libératrice" (LS 223). Ce n'est pas moins de vie : "on peut vivre intensément      avec peu".

 

2.4  Des biscuits pour la route :

 

Il n'est pas facile de développer (une) saine humilité ni une sobriété heureuse si "nous excluons Dieu de notre vie et que notre moi prend sa place, ou si nous croyons que c'est notre propre subjectivité qui détermine ce qui est bien ou ce qui est mauvais"  (LS 224)

 

Personne ne peut "mûrir dans une sobriété heureuse sans être en paix avec soi-même" (LS 225). La paix intérieure des personnes  tient (...) de la préservation de l'écologie et du bien commun, parce que, « authentiquement vécue, elle se révèle dans un style de vie équilibré joint à une capacité d'admiration  qui mène à la profondeur de la vie"

 

Il faut voir loin - très loin même (perspective eschatologique finale de l'encyclique),  et garder l'espérance chevillée au corps, sinon la foi dans l'impossible. Pour le moment, Dieu nous appelle  "à un engagement généreux", qui ne cède pas aux discours catastrophistes, non plus qu'aux illusions du perpétuel miracle technologique; qui ne  s'abandonne  ni aux facilités du laisser -faire ni  à la tentation du découragement:

"Ensemble, avec toutes les créatures, nous marchons sur cette terre en cherchant Dieu (...) Marchons en chantant! Que nos luttes et notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de l'espérance" (LS 244)

 

 

 

                                                  indications bibliographiques  et adresses utiles :

 

Textes officiels et analyses :

https://www.doctrine-sociale-catholique.fr/recensions/17-laudato-si-en-marche-vers-la-conversion-ecologique

 

https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/ecologie-integrale/laudato-si/

« Ce dossier proposé par le pôle “Écologie et Société” de la Conférence des évêques de France vise à faire connaître et faire vivre l’Encyclique Laudato Si’ du Pape François. Il présente à la fois des lectures commentées du texte, des pistes d’action en résonance, et un lieu de dialogue avec la société. Il fait écho à l’actualité concernant l’Encyclique et vise à rassembler des ressources pour les acteurs d’Église, paroisses et mouvements, qui veulent devenir des artisans de la « conversion écologique » proposée par le Pape ».

 

Mouvement Laudato Si 

https://laudatosimovement.org/frconversion-écologique

 

«La conversion écologique en question »

Par Patrick C. Goujon , dans : « Recherches de Science Religieuse » 2022/3 (Tome 110), pages 417 à 422. Mis en ligne sur Cairn.info le 12/09/2022.

 

« Se convertit-on à l’écologie ? » https://www.la-croix.com/Culture/Quelle-conversion-ecologique-2022-08-31-1201231047

 « Recherches de science religieuse »  110/3, juillet-septembre 2022, 175 p., 25 €

Ce dossier des « Recherches de science religieuse » interroge la notion de « conversion écologique » à laquelle appelle l’encyclique Laudato si’. Présenté sur le site d « La croix » par Dominique Greiner, le 31/08/2022  (article  réservé aux abonnés) 

 

« Petit guide de conversion écologique » Marie-Hélène Lafage

https://premierepartie.com/boutique/marie-helene-lafage-laudato-si-en-actes-petit-guid-de-conversion-ecologique/ 

 

« L’appel du pape François à sauvegarder la maison commune dans son encyclique Laudato si’ n’est pas une simple incitation à adopter « des gestes écolos », il est une véritable invitation à vivre la conversion écologique dans toutes ses dimensions, matérielles et spirituelles. Dans ce petit guide, Marie-Hélène Lafage qui est à l’initiative des tout premiers groupe Laudato si’ en France, a voulu aider le lecteur à répondre à l’urgence écologique en termes chrétiens, c’est-à-dire en faisant le lien entre écologie et vie spirituelle. Convaincue qu’une démarche écologique chrétienne doit se faire à l’image de l’Église et donc en communauté, l’auteur présente ici une méthodologie complète de la conversion écologique à vivre à plusieurs. Les pistes et les ressources proposées constituent de véritables inspirations pour des groupes très variés comme des groupes paroissiaux, des groupes d’aumôneries étudiantes, des équipes de couples, des communautés religieuses et même des groupes  informels de quartiers. Le lecteur individuel trouvera lui aussi dans la lecture de ce livre, une invitation à franchir le pas de la conversion écologique et à créer un groupe pour traduire Laudato si’ en actes. »

 

« Parcours spirituel pour une conversion écologique »- Auteur(s) : Éric Charmetant et  Jérôme Gué

https://www.editionsjesuites.com/produit/parcours-spirituel-pour-une-conversion-ecologique/

« S’il est vrai que les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands, la crise écologique est un appel à une conversion intérieure », dit le pape François dans sa lettre encyclique Laudato si’  publiée en 2015.

Ce livre propose un parcours fondé sur les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola afin d’avancer dans cette conversion nécessaire dans le monde d’aujourd’hui. Il peut servir de guide pour une retraite de huit jours, ou bien pour nourrir la vie spirituelle quotidienne dans la vie courante, ou encore pour toute animation spirituelle sur l’écologie. La juste place par rapport à Dieu, nos péchés quant au respect de la Création, l’espérance face à l’impasse environnementale, voilà quelques-uns des huit thèmes abordés, avec, pour chacun, un exposé et des propositions de passages bibliques à méditer, un choix d’extraits de Laudato si’  ainsi que divers textes à lire.