Interview de la présidente , Sylvie Bukhari

Résumé de l'Interview de la présidente du CCFD-TS au cours de l'assemblée régionale Hauts de France, 3 octobre 20

 Interview de Sylvie Bukhari de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire

(Assemblée régionale Hauts de France, 3 octobre 2020)

 

Interview conduite  par Jean Luc Gueudet

 

                Ce matin, notre assemblée a commencé par une brève présentation de l’activité du CCFD-  Hauts de France, en particulier l’action de la coordination régionale qui l’anime… Nos avancées et nos difficultés ressemblent-elles à celles des autres régions ?

 

Soyez rassurés… Beaucoup de régions partagent les  mêmes inquiétudes et les mêmes difficultés, mais aussi les mêmes élans. A travers ce qui s’est dit et vécu, je perçois des gens engagés et passionnés. Si vous trouvez du sens dans ce que vous faites, vous donnerez envie à d’autres  de venir  rejoindre nos actions. Avant même de parler de moyens et d’outils, il faut avant tout donner le sens.

 

                La réflexion sur le lien entre la crise alimentaire et  pandémie de Covid-19 a occupé une partie de la matinée. Qu’est-ce qui t’as paru essentiel ?

 

La faim, nous a-t-on dit, n’est plus un problème de production mais d’abord un problème de pauvreté et de répartition, et – avec la Covid - un problème d’accès à l’alimentation. Ce sont bien là des problèmes humains sur lesquels il est possible d’agir. La situation nouvelle appelle un changement systémique. Il faut pour cela affronter le grand pouvoir économique de l’agrobusiness, s’attaquer aux politiques menées par les états, convaincre les décideurs du monde entier. Il  faudrait une concertation internationale et une  vraie gouvernance mondiale de l’agriculture et de l’alimentation, plutôt que de prendre le chemin inverse.

Le CCFD-TS travaille à ce défi depuis longtemps avec ses partenaires, et notamment à l’expérimentation des solutions agro-écologiques, qui doit désormais changer d’échelle.

 

                Le CCFD-Terre Solidaire vient de tenir les 29 et 30 août son assemblée générale : que retires-     tu de ce temps fort comme élément essentiel pour la vie du mouvement ?

Quels défis  le CCFD doit-il relever dès aujourd’hui, alors qu’il est en attente des nouvelles orientations (qui seront votées en mai 2021) ?

 

Il s’agit de la première Assemblée générale  sous le nouveau statut : on passe d’un CCFD gouverné par 30 MSE (mouvements et services d’Eglise) à un CCFD qui a pour instance supérieure une assemblée de 150 membres, où sont représentés les membres du réseau et les régions.

Cette Assemblée Générale a validé des orientations: il reste à voter en 2021 les « axes stratégiques » qui permettront leur mise en œuvre.

 

Je veux saluer l’aboutissement d’un processus d’intelligence collective – la procédure de « discernement » - qui  a préparé les propositions du futur Rapport d’Orientation. Cette consultation large au sein de notre association, et de l’AG elle-même, et la pertinence des échanges, représentent un bel exercice de démocratie directe, qui demande à être développé et enrichi à l’avenir.

 

Il faut aussi saluer certaines décisions, en particulier sur les  nouvelles orientations   (Rapport d’orientation) :

            [l’identification du patriarcat comme l’une causes de la faim/

            la reconnaissance de la désobéissance civile comme moyen d’action légitime,dans la non-violence, à l’initiative exclusive des instances nationales/

                   la promotion d’une spiritualité chrétienne ouverte sur le monde en lien avec  l’encyclique Laudato Si /]

 

                Quels ont été les impacts de l’épidémie sur la vie associative du CCFD-TS-  y compris sur la collecte de fonds et nos engagements envers nos partenaires ?

 

Nous avons eu très peur au moment de l’annulation brutale de la campagne de carême et  de la venue des partenaires. Tout le monde a ressenti une déception  plus que légitime. On pouvait craindre  un certain découragement. L’impact sur les finances a conduit à différer 50% des versements aux partenaires. Puis il  y a eu un élan extraordinaire en juin et la bonne surprise de voir les ressources revenir au niveau de l’an passé, ce qui a permis de verser la totalité.

Les dons en ligne se sont  multipliés. C’est une manière un peu différente d’assurer la collecte, mais elle est intéressante pour trouver de nouveaux donateurs, parfois éloignés de la sensibilité chrétienne.

Cela dit, il ne faut pas crier victoire et toute inquiétude n’est pas dissipée : la pandémie va durer un certain temps et les années 2021-2022 seront des années difficiles.

La collecte  de cette fin d’année ne sera pas tout à fait à la hauteur des besoins ; le déficit est probable, mais contenu dans des limites raisonnables.

 

                La période que nous avons connu –et connaissons encore- a été difficile pour nos équipes        (locales, diocésaines, régionales, nationales). Peut-on pourtant avancer qu’elle  a aussi amené des choses positives ?

 

La mobilisation a été  vraiment forte : les efforts d’appel au don  ont été  bien relayés  divers et soutenus, avec les suites que l’on sait. Dans le domaine de l’éducation solidaire on a vu s’épanouir malgré tout une floraison d’initiatives.

Les circonstances ont permis de faire le saut du numérique. Les visioconférences, les  webinaires et les rendez-vous sur « La Place » ont été précieux. Nous avons tous découvert à quel point l’internet pouvait être un outil utile. Nous allons garder un certain nombre des  pratiques déployées pendant ce temps de crise

Jamais nous n’avons été aussi qualitativement en lien avec les partenaires ! Au début de la pandémie, nous qui étions menacés ici avons fait l’objet  de toute leur empathie, de toute leur sollicitude… pour une fois, c’est nous qui étions les plus vulnérables ! 

Les partenaires ont  été conviés à s’exprimer sur la crise et ses effets  [voir « Covid-19 : nos témoins d’une terre solidaire »]

 

                Dans ce contexte, comment envisager la campagne de carême ? Pouvons-nous projeter la  venue de partenaires chez nous en 2021 ?

 

Si l’on prépare le Carême 2021 dans la perspective d’une possible venue des partenaires, il faut bien admettre que nous ne sommes sûrs de rien… Alors, s’ils ne peuvent pas être physiquement présents, il faut envisager une « présence numérique » qui nous permette de passer un peu de temps en leur compagnie.

A vrai dire, les circonstances nous amènent à questionner toutes nos pratiques, et pas seulement pour des raisons techniques : il faut aussi vérifier leur degré de conformité avec nos convictions. Par exemple : les « immersions »  sont-elles toutes  indispensables et tout à fait pertinentes en regard de nos préoccupations écologiques ? Quel est le « coût » pour la planète de tous les déplacements?

Les partenaires nous renvoient d’ailleurs aussi la question…

 

 

                Nos équipes se font parfois l’écho de la difficulté pour le CCFD-Terre Solidaire d’être reconnu  comme mouvement d’Eglise  ayant une place à part entière. Comment cette question est-elle portée par le National, dans ses rapports avec la Conférence des Evêques de France ?

 

La place du CCFD-Terre Solidaire est reconnue, au même titre que le Secours Catholique et la DCC (Délégation Catholique pour la Coopération). Le CCFD-TS mène une conversation suivie avec le Conseil permanent de la Conférence des Evêques : ce dernier a réaffirmé la mission de service du CCFD-TS, qui porte son souci de la solidarité internationale.

A une autre échelle, les relations directes avec le Vatican sont bonnes et régulières; divers dicastères consultent le mouvement sur ses domaines de compétence reconnus.

 

Le CCFD-TS n’est pas toujours et partout connu  et apprécié pour ce qu’il est. Par exemple,  il n’occupe pas vraiment une grande place dans la formation des séminaristes. Les évêques les plus jeunes n’ont pas le même vécu ni la même histoire que les plus anciens. Cela dit, il faut se garder de toute caricature et faire confiance à la capacité d’accueil et d’ouverture de chacun. L’action du CCFD peut et doit s’insérer dans la pastorale diocésaine.

 

Le CCFD-TS s’est engagé avec le Secours Catholique et la DCC dans la démarche « Promesses d’Eglise » - qui donne suite à l’appel du Pape au Peuple de Dieu de 2018. L’invitation à une réflexion renouvelée sur l’Eglise et sa gouvernance s’est élargie à une quarantaine de mouvements, services et associations, assez divers.

Une première tâche consiste à élaborer une charte qui décrive les visées, les objectifs et les moyens. Le travail de réflexion a commencé, qui aborde plusieurs thématiques, telles que : l’égale dignité des baptisés, le rôle des femmes, le souci des plus vulnérables…L’idée serait de contribuer à la tenue d’un synode (comme en Allemagne ou en Australie) qui impliquerait le plus largement possible les divers membres du Peuple de Dieu  afin de vivre ensemble l’Eglise autrement. Tout cela se fait non pas contre « l’Eglise institutionnelle », mais avec elle, sans sujétion ni rejet.

 

 

Résumé  d’après les notes de G.Jovenet

 

Article publié par Guy Jovenet - CCFD Terre Solidaire • Publié • 798 visites