richesse et pauvrete :L'Afrique du sud, pays émergent? 2010

Dossier CCFD-Développement 2010

Afrique du Sud Afrique du Sud  

 

Le CCFD propose de porter attention à l’Afrique du Sud et d’y soutenir les activités solidaires. Connaissons-nous ce pays… hormis la planète foot ? Terre de paradoxe, on y passe en 15 mn de la misère des townships (bidonvilles) à la richesse la plus exubérante.

 

Au même titre que le Brésil ou l'Inde, l'Afrique du Sud est souvent qualifié de pays « émergent». Mais que recouvre exactement ce terme? Lorsqu'on y regarde de plus près, en particulier les questions de création et de partage des richesses financières, deux tendances majeures se dégagent: le développement des richesses créées est incontestable; les inégalités n'ont jamais été aussi fortes.

 

Des indicateurs économiques impressionnants


Selon l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), l'Afrique du Sud a vu son Produit intérieur brut (PIB) par habitant croître d'environ 20 % en 7 ans, passant d'un peu moins de 3000 dollars par habitant en 2001 à plus de 3600 dollars en 2007. En 2007, ce pays a connu une croissance estimée à 4,9 %. L’année précédente avait connu une croissance de 5,4 %. Cette croissance continue depuis de nombreux mois s'appuie, d'une part, sur des secteurs économiques traditionnellement forts (comme les industries minières ou l'agriculture) et, d'autre part, sur le développement du bâtiment, des services financiers ou des services aux entreprises. Enfin, la Coupe du Monde de football 2010 vient renforcer cette croissance. Pas de doute au regard des indicateurs économiques; la création de richesse en Afrique du Sud est assurée.

 

Le développement des inégalités


Plusieurs indicateurs révèlent à quel point les inégalités sont criantes en Afrique du Sud. Parmi eux, le coefficient de Gini. C'est une mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée, développée par le statisticien italien Corrado Gini. Nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l'égalité parfaite (tout le monde a le même revenu) et 1 signifie l'inégalité totale (une personne a tout le revenu, les autres n'ont rien). L’Afrique du Sud y figure parmi les 10 plus mauvais élèves de la planète avec un coefficient de 0.578 en 2008. À titre d'exemple, en France il s'établit à la même date à 0.327. Très concrètement, ce coefficient met en évidence que la répartition des richesses se fait au détriment de la plus grande majorité des Sud-Africains.

 

D'autre part, le taux de chômage atteignait, selon les statistiques officielles du gouvernement, environ 25 % en 2008. Dans la réalité, le taux de chômage serait aux alentours de 40%.


Enfin, si le gouvernement a beaucoup misé sur la Coupe du Monde de football notamment pour combattre le chômage, il n'en demeure pas moins que, dans la réalité, les emplois créés le sont avec des salaires encore très bas et avec des statuts précaires. Une responsable de la sécurité au Soccer City Stadium de Soweto affirme ainsi gagner 2500 rands/mois (environ 225 euros). Ce salaire lui est insuffisant pour vivre dignement. Elle est contrainte de vivre dans une baraque en métal d'environ 30 m2 avec ses trois enfants. Et le seul transport scolaire de l'une de ses filles lui coûte 400 rands/mois. En parallèle de ces bas salaires, l'inflation est galopante. En février 2008, l'inflation sur un an s'établissait à 9,8 %.
Dans ces conditions, l'accès aux finances pour simplement vivre est déjà un défi pour nombre de Sud-Africains. Alors de là à créer leur propre activité…

 

Permettre l'accès aux finances à ceux qui en sont privés


C'est dans ce contexte que le groupe Tembeka développe une activité de finances solidaires. Celle-ci consiste à prêter des sommes d'argent à des institutions de micro-finances (lesquelles travaillent ensuite avec les destinataires des microcrédits) et à accompagner et former ces mêmes organismes. Partenaire du CCFD-Terre Solidaire, Tembeka travaille aussi étroitement avec la Sidi (Solidarité internationale pour le développement et l'investissement). Au final, un seul objectif : permettre l'accès aux finances à ceux qui en sont privés afin qu'ils développent des activités économiques rémunératrices. Et, au passage, éviter que ces populations aient recours, faute de possibilités bancaires, aux usuriers.

 

Sur le terrain, pas de recette toute faite pour répondre aux besoins de développement. « Tembeka n'applique pas un programme ou un modèle» s'empresse d'affirmer Michael son directeur et de poursuivre "nous essayons plutôt de comprendre l'organisation cliente, pourquoi elle agit et quels sont ses besoins particuliers». Pas question pour autant de faire du prêt à l'aveuglette, sans critères. Pour Andile, directeur d'antenne de Tetla (Institution de Micro-Finance) :« Quand nous aidons des personnes, nous observons les points suivants: tout d'abord ils constituent un groupe de cinq à huit membres (chacun des membres est porteur d'un projet économique), et la plupart doivent être des femmes, car nous avons décidé d'aider les femmes. (...) Les personnes doivent avoir entre 21 et 70 ans. Nous n'aidons pas la famille et la société doit exister depuis plus de six mois. (...) Nous n'aidons que ceux qui vendent, et nous faisons des visites d'évaluation par surprise.» L’organisation en groupe permet de plus un soutien mutuel entre les porteurs de projet.

 

Dans cinq des langues indigènes parlées en Afrique du Sud, le mot tembeka signifie « digne de confiance ». Dignes de confiance, les bénéficiaires finaux le sont assurément, puisqu'il est exceptionnel que l'un d'entre eux ne rembourse pas. En œuvrant ainsi au quotidien, on ne compte plus les initiatives économiques développées et/ou pérennisées. Comme précise Michael « Les gens cherchent de l'argent pour changer leur vie". Partager les richesses pour changer la vie… une belle conception du développement en somme.

 

Pascal Vincens (CCFD, Chargé des campagnes et du thème d'animation)
Article publié par CCFD-Terre Solidaire, Dossier thème 2009-2010.

 

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Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 15805 visites