Immersion Thaïlande 2013 : "Elargis ton regard"...
CR du voyage d'immersion en Thaïlande par Amandine et Jean Yves
ELARGIS TON REGARD
… avec le CCFD TERRE SOLIDAIRE
Jean-Yves et Amandine étaient envoyés par le CCFD pour une mission de quinze jours en Thaïlande auprès des partenaires dans ce pays. Ce voyage d’immersion a pour but de se rendre proche d’eux, de découvrir les réalités d’un pays, les actions organisées pour vivre la solidarité et l’attention au frère. Ils ont partagé la première quinzaine d’août avec 23 autres personnes, des dix diocèses de la grande région Nord
Voir et découvrir : ils ont été amenés à découvrir les migrations internationales que subit le pays, rencontrer les associations pour la reconnaissance des droits des travailleurs birmans (migrants), des associations pour l’égalité homme-femme..
Des contacts et des questions bien ancrées
Jean-Yves et Amandine avaient un avantage, grâce à l’accueil de PO-PO, lors de la semaine CCFD en mars dernier. Po-Po est une migrante birmane, en Thaïlande, directrice de la FED (foundation for education and developpement). Avec elle, ils étaient allés à la rencontre de l’Association Terre d’errance à Norrent-Fontes, des maghrébines de Lens, des Roms ici et là. Depuis lors des questions ne cessaient de tarauder leurs esprits :
- quelle est la force qui pousse les migrants à braver les « interdits » pour réaliser leur projet d'expatriation
- pourquoi s'obstinent-ils à vouloir franchir les frontières même après avoir été refoulés plusieurs fois
- comment peuvent-ils assurer la vie de tous les jours (manger, dormir, parler...)
- leur est-il permis d'espérer ?
- Sont-ils dans une impasse et nous avec ? (Norrent Fontes est-il un cul de sac ou une plateforme d'envol ?
- Bref pouvons-nous agir et si oui comment pour que ça change et pour arriver à quoi ?
- Disparition des migrants et par voie de conséquence disparition des problèmes ? Mais est-ce le migrant qui est un problème ou tout simplement la manière de le voir et de non accueillir le frère de passage ?
Trois jours à l’Ashram
Le groupe commence par trois journées à l’Ashram, havre de paix tout proche de la mégapole de Bangkok et ses 14 à 18 millions d’habitants : nous réapprenons à respirer avec l’aide des animateurs de SEM (spririt-éducation-movement). Ce fut un temps de ressourcement où nous avons appris à attendre que notre esprit rejoigne notre corps pour pouvoir continuer à marcher en accompagnant notre âme.
C’est déjà un temps de rencontres avec des personnages hors du commun :
Sulac Sivaraska: fondateur du bouddhisme, socialement engagé, pour qui le bouddhisme c’est ouvrir les yeux sur la souffrance, en rechercher les causes, trouver les moyens de l’éliminer par des actions non violentes
Le père Vinaï BooNlu, prêtre catholique proche des migrants birmans dans les camps de réfugiés. A l’origine de sa vocation : « Je suis très pauvre, je ne possède rien alors j’ai voulufaire don de tout mon être »
L’Asrham aura été pour nous un lieu de ressourcement ; pendant ce séjour, nous avons appris à attendre que notre esprit rejoigne notre corps pour pouvoir continuer à marcher en accompagnant notre âme.
Rencontres avec les migrants birmans
Les vingt-trois délégués se sont séparés en deux groupes. Le groupe de Jean-Yves et Amandine rejoint Chiang Mai. C’est une ville à 800 km plus au Nord, aux confins des frontières birmane, laotienne et chinoise. La population est composée de nombreuses ethnies. Le groupe entre en contact avec différentes associations partenaires du CCFD-Terre Solidaire : MMN : Mékong Migration Network ; MAP : Migration Assistant Program ; KWAT : Kachin Women Action in Thaïland.
(impressionnés…)
>>>Nous sommes impressionnés par la détermination qui se lit sur les visages (souvent très jeunes ) de nos partenaires. Ils nous expliquent en quoi consiste leur travail auprès des travailleurs birmans et pourquoi ils sont là. Beaucoup sont eux-mêmes des travailleurs birmans qui, au lieu de réaliser des heures supplémentaires pour leur employeur, proposent leurs services aux associations avec le CCFD. Ils se rendent disponibles pour établir le contact avec les migrants dans les domaines agricoles, es chantiers de construction, les usines de confection, les entreprises de pêche , les usines de transformation ,de conditionnement du poisson… Formés au sein des associations, ils sont en mesure de répondre aux questions soulevées par les travailleurs démunis face aux exigences de leurs employeurs (salaires, horaires, papiers, santé, …). Plusieurs sont employés à plein temps mais souvent après avoir suivi le parcours des premiers en tant que volontaires.
(désorientés…)
>>>Nous sommes un peu désorientés quand ils se présentent : « je viens de l’état Shan » ; « je viens d’un village Kachin », « je suis Karen », « je viens de l’état Chin », « ma famille est restée dans l’Etat Moon »… très peu nous diront simplement qu’ils sont birmans ! En écoutant leurs histoires, nous découvrons une nouvelle image de la Birmanie aux multiples facettes et riche des cultures de nombreuses ethnies. Malheureusement, après l’indépendance et la volonté de mettre en place une démocratie civile dans un état fédéral, un gouvernement militaire a fait main basse sur le pouvoir et les ressources du pays, faisant fi des volontés des minorités ethniques et imposant sur le nouveau drapeau : “un pays, une armée une religion”.
Au fil des rencontres, nous comprenons mieux la détermination de ces jeunes (de 20 à 30 ans) qui viennent se former clandestinement dans les associations en Thaïlande, passant la frontière sous des noms d’emprunt afin de na pas mettre en danger les membres de leurs familles restées en Birmanie ; Il y apprennent les droits humains sociaux et politiques , les principes et la mise en place de la démocratie , l’égalité homme-femme vis-à-vis des instances de décisions. Leur souci premier est la résolution des conflits « No women No peace », peut-on lire sur les tee-shirt de l’association KWAT.
La ville de Mae-Sot
Autre endroit stratégique : nous redescendons quelques centaines de km au sud de Chiang Maï pour nous retrouver à Mae-Sot, point de passage important entre Birmanie et Thaïlande, sur les rives de Mae Nam Moet. Là encore nous vivons des moments très forts auprès des communautés birmanes ; nous rencontrons Banya, l’adjoint de Po-po au sein de l’association FED. Ce jour là, branle bas de combat ; FED avait réussi à obtenir de la part du gouvernement thaïlandais des stocks de produits de première nécessité pour les sinistrés de la crue de la semaine précédente, due aux pluies de mousson. Bien implanté sur le terrain, ayant la confiance des migrants, FED assurait la distribution, efficace dans l’urgence comme dans le travail de développement mené maintenant depuis plus de 15 ans, actif dans la lutte contre la discrimination des travailleurs birmans opprimés et corvéables a merci. Un des axes forts du travail de FED repose sur l’éducation des enfants des travailleurs migrants en essayant quand cela est possible de les intégrer au sein des écoles thaïlandaises….
Le gouvernement thaïlandais n’est pas trop regardant sur l’entrée des migrants car le pays a besoin de cette main d’œuvre pour faire tourner son économie. Les « permis de séjour » et autorisations de travail sont toujours temporaires et soumis à l’arbitraire d’un employeur ou d’un officier d’Etat. D’où la nécessité, encore et toujours, de travailler à la reconnaissance des droit de tout homme : « No human being is illegal » telle est la devise de MAP
Retour sur Bangkok.
La fin de l’immersion se profile, les deux groupes se retrouvent et croisent leurs expériences et découvertes. . Des visages, des paroles plein la tête,; le groupe. Nous entr’ouvrons un autre volet du travail de nos partenaires : la lutte contre le trafic humain. Kyauw, de l’association MAT (migration anti-trafficking) nous explique comment il procède : des téléphones, des caméras des ordinateurs, une persévérance à toute épreuve et une indifférence à toute tentative d’intimidation. C’est ainsi qu’il retrouve la trace de migrant(e)s (travailleuses domestiques, filles enlevées par des gangs pour des mariages forcés, des réseaux de prostitution…), dont la disparition lui avait été révélée par leurs proches ; après un travail de fourmi et l’accumulation de preuves , il présente un dossier solide aux autorités policières qui prennent alors en charge l’arrestation des malfrats et la libération des victimes.
Retour en terre des droits de l’homme
L’avion nous ramène à notre point de départ ; mais nous ne nous sentons plus tout à fait pareils: les paroles de cette chanson nous reviennent : « Ne rentrez pas chez vous comme avant… » !
Oui, la vie des migrants d’ici et d’ailleurs est une lutte incessante pour le respect des droits. Le CCFD-Terre Solidaire soutient en France une quarantaine de partenaires engagés dans ce combat. « les Français sont en quête d’équilibre et d’harmonie avec les autres mais cette aspiration ne trouve pas de traduction politique parce que peu en parlent ». C’est François Miquet –Marty (directeur du département opinion de l’institut de sondage Louis Harris) qui l’écrit dans un entretien à La Croix, relayant sans le savoir le souhait de nos amis birmans. . Alors parlons-en entre nous et autour de nous. Amandine et moi-même avons pris l’engagement de partager nos découvertes. N’hésitez pas à nous contacter via le bureau CCFD d’Arras (03 21 21 40 50)
Amandine et Jean-Yves
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