Semeurs de solidarité-5ème dimanche-espérance

"Les lectures  invitent à se tourner vers l'avenir dans l'espérance du salut et d'un monde renouvelé par mort et résurrection du Christ. C'est Dieu  qui donne toute vie nouvelle mais c'est dans  l'histoire ordinaire du peuple de Dieu qu'on peut lire son oeuvre, une histoire faite de gestes d'hommes ..." (Vivre le Carême 2019)

 

 

 

            Confronté à un piège bien monté, qui cherche à le mettre en contradiction avec son propre enseignement,  Jésus  se tait et se penche vers le sol.  Se tient-il courbé sous le poids du dilemme : d’un côté le commandement : « tu ne tueras pas » … de l’autre la prescription du Lévitique  - « vous conduirez les impurs aux portes de la ville et vous les lapiderez… » ? Est-il accablé par la dureté de ceux qui accusent, effrayé par leur violence? Est-il fatigué de toutes ces prescriptions formelles sur le manger, le boire, le coucher, alors que l’essentiel est ailleurs ? On peut l'imaginer... Alors il rentre en lui-même et dépose devant Dieu  ce qui le tourmente ; il fait silence , de manière à pouvoir entendre une Autre voix que la sienne.

             « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre »… Oui  le droit autorise une mise à mort .. alors , messieurs les Pharisiens si vous pensez  vraiment que c'est là le chemin de Dieu , allez-y ! Mais si vous croyez pouvoir décider qui est coupable et qui ne l'est pas, allez au bout de la démarche : êtes-vous vous-mêmes sans faute? Ne voyez-vous  aucune contradiction entre ce que vous clamez et ce que vous faites? Dans ce cas vous pouvez jeter la pierre... Il n y a pas trace ici d’ironie, ou de sarcasme, ni un « bon truc ». Jésus ne juge personne -pas même quand on est  prêt à jeter la pierre;  il  propose  qu’on se serve de la Loi non pour juger les autres mais pour se connaître soi -même. L’Evangile invite sans cesse à faire retour sur soi, à n’avoir pour visée que son propre changement, à cheminer vers sa propre  libération.

                Or, à deux reprises,  Jésus se met à tracer des signes sur le sol.  On ne sait pas ce qu’il griffonne... Peut-on suggérer avec France Quéré  que "la miséricorde ne s'écrit pas dans la matière dure, mais sur le sol meuble du cœur"?  Jésus  trace le nouvel alphabet de son Dieu (qui ne condamne jamais) dans notre poussière, dans le terreau de nos existences Si ce chemin de miséricorde s'inscrit dans nos fragilités, c'est qu'il n'est pas inaccessible : le Christ nous croit capables d’apprendre à penser à l’autre comme un frère  qui a comme nous besoin de bienveillance…

 

 

          " Personne ne t'as condamnée?" interroge le Christ ; « moi non plus je ne te condamne pas » . Pas davantage et  pas autrement que  Dieu ,  qui ne ferme pas les yeux sur le péché mais qui les ouvre sur le pécheur. Alors  « Va et à partir de maintenant ne pèche plus ».

Va, ne te retourne pas en arrière ; ce qui est passé est passé...Les deux premières lectures délivrent le même message : 'ne ressasse pas tes échecs , ne t'attarde pas sur un passé qui enferme , toi aussi tu peux faire toutes choses nouvelles'. Jésus ouvre devant la femme un espace de liberté : avec lui, par lui,  l’avenir est toujours ouvert. Et ne manque plus le but - ne te trompe plus de chemin, égarée loin  de Dieu, dans une vie où tu n’es nulle part.

 

 

            Le Dieu d’Isaïe invitait déjà à regarder vers l'avant et se faisait connaître comme une force qui libère .Mais ce Dieu ne peut (ne veut) rien faire sans son Peuple …Et quand Il  dit : « voici que je fais un monde nouveau », ce n’est pas à partir de rien ! C’est avec ce que ce monde peut offrir, avec son histoire  et  ses  réalités, et  avec ceux qui  l’habitent. Le pape François ne dit pas autrement : « Dieu qui veut agir avec nous et notre coopération , est aussi capable de tirer quelque chose de bon du mal que nous commettons, parce que l’Esprit saint possède une imagination infinie (…) L’Esprit de Dieu a rempli l’univers  de potentialités qui permettent que du sein même des choses , quelque chose de nouveau peut surgir »…(Laudato Si- § 80).

            Nous voilà donc invités à déchiffrer les signes des temps : à regarder ce qui germe, à nous en réjouir, et à rendre grâce. Face aux inégalités économiques,  sociales et climatiques qui perdurent, face à la lenteur des progrès de la justice et de la paix, il y a aussi ce qui naît  et croit en silence… Et l’un des grands services que nous rendent les partenaires du CCFD-Terre Solidaire  et tous ceux qui essaient de construire un monde plus humain, c’est bien de nous permettre d’y croire , et de partager une espérance …

 

 

Article publié par Guy Jovenet - CCFD Terre Solidaire • Publié • 829 visites