Vann et Kimhong, invités des Hauts-de-France
Accueil régional du partenaire du CCFD-Terre Solidaire invité dans notre région , Arras 17 mars 2023
Vann et Kimhong, représentent Cambodian Youth Network (Réseau de la jeunesse cambodgienne ou : Réseau des jeunes cambodgiens), un mouvement de jeunes qui travaille à la préservation de l’espace démocratique et à la défense de l’environnement, partenaire du CCFD-Terre solidaire depuis 2019. Le réseau organise notamment des actions de formation et d’éducation civique et des campagnes de plaidoyer...
De qui et de quoi s’agit-il ?
Vann et Kimhong ont été invités par le CCFD-Terre solidaire de la région Hauts-de-France dans le cadre de la campagne de carême 2023 :« Pour tous ceux qui rêvent de se nourrir en paix ». La « Paix et le vivre ensemble », sont l’un des quatre champs d’action prioritaires reconnus dans le Rapport d’orientation 2022-2027. Ce thème se décline de bien des manières. Le CCFD-Terre solidaire soutient depuis longtemps des partenaires qui travaillent à la prévention et à la résolution des conflits. Outre la lutte contre les discriminations et la défense de l’altérité, le propos est aussi de favoriser la construction de sociétés démocratiques et de l’état de droit. A cette fin, il convient de renforcer les sociétés civiles et les modes d’exercice de la citoyenneté -notamment à travers des démarches d’éducation populaire- sans oublier de lutter contre la ‘criminilisation’ croissante des défenseurs des droits humains.
La journée d’accueil des partenaires dans les Hauts-de-France s’est tenue ce vendredi 17 mars à la Maison diocésaine d’Arras, où étaient conviés les bénévoles qui les accompagneront à un titre ou à un autre au cours de leur périple dans trois des diocèses de la région.
Vann UL (à gauche) est président de CYN depuis décembre 2021. Issu d’une famille d’agriculteurs de la province méridionale de Mondolkiri, il a été étudiant à Phnom Penh ; il est membre de CYN depuis 2010.
Kimhong HENG, jeune avocat, est responsable du plaidoyer depuis deux ans. Originaire d’une région fortement marqué par la guerre, il a été le premier enfant de son village à reprendre des études et à les terminer. Tous deux siègent au comité de gestion de CYN.
Ce temps d’accueil régional vise d’abord à faire connaissance et tisser quelques liens ; c’est aussi le lieu d’un échange réciproque d’informations : présentation des personnes et des associations respectives, premier éclairage sur les réalités régionales, communication du programme des deux semaines à venir.
On trouvera ci-après des
extraits significatifs des interventions
de Vann et Kimhong,
traduits avec fluidité et précision
par Roshane Saidnattar(qui habite Paris)
(photographies : MP Cramet)
La présentation finale de l’agenda du séjour, avec ses temps forts et prestations, découvertes et rencontres, mais aussi visites et temps de repos, conclut la journée . Les délégations diocésaines sont en effet invitées à ne pas trop 'charger la barque' et à tenir compte des souhaits émis par les partenaires, qui parfois accomplissent leur premier séjour en Europe.
Vann, Kimhong et Roshane passeront d’abord dans l’Oise avant de gagner le diocèse de Cambrai –du mardi 21 mars au samedi 25.Ils finiront leur périple dans le diocèse de Lille, avant de rentrer à Paris le 30 et de regagner le Cambodge.
Bienvenue - et merci - à nos invités à qui nous souhaitons et bon et fructueux séjour !
Extraits de la présentation de CYN par son président, Vann:
CYN est né en 2009 à l’initiative d’un groupe d’étudiants de quatre universités de Phnom Penh, sans soutien de quiconque, quitte à puiser dans leurs propres ressources et à se contenter d’un local de 4 mètres carrés dans la Maison des Solidarités de la capitale. C’est en 2013 qu’il est officiellement enregistré auprès du Ministère de l’Intérieur comme organisme de jeunesse, en partie pour éviter d’être assimilé à un « mouvement non autorisé ». L’association, qui comptait alors 500 membres, affiche clairement sa visée : le plaidoyer en faveur de la justice sociale, du respect des droits humains et de la préservation des ressources naturelles.
CYN s’adresse aux jeunes gens et jeunes filles âgés de 15 à 35 ans. Il touche particulièrement les lycéennes et lycéens des campagnes qui viennent étudier à Phnom Penh, mais il est ouvert à tous : citadins comme ruraux, étudiants ou non, sans distinctions sociales ou religieuses ,ou d’appartenance à des minorités. Son propos concerne bien toute la jeunesse cambodgienne, « afin qu’elle puisse vivre et exercer pleinement ses droits et sa liberté ».
L’association prône « des valeurs de collaboration, de recherche et de partage du savoir, d’ouverture aux idées nouvelles et de responsabilité ».
(photo MP Cramet)
CYN développe essentiellement deux grands programmes :
- « Organisation et émancipation de la jeunesse » (youth organizing & empowerment) ce qui recouvre avant tout des actions de formation et de développement personnel
Au premier chef, l’acquisition de connaissances et savoir-faire utiles pour s’affirmer, accéder à un emploi (gage d’une certaine autonomie) et faciliter l’engagement civique. Par exemple, l’accès à l’informatique et les apprentissages qui s’y rapportent élargit l’horizon de beaucoup de jeunes, et ménage un accès à une information plus large, plus diverse et plus objective dans un pays où les canaux officiels sous contrôle gouvernemental édulcorent ou réécrivent la réalité - ou passent sous silence ce qui pourrait gêner (par exemple ils n’évoquent jamais les droits de l’Homme)
2.« Documentation et plaidoyer »(Research and advocacy), ce qui recouvre une quantité importante d’opérations de recherched’informations,d’actions sur le terrainou de démarchesjuridiques, de communication ,et de plaidoyer auprès des autorités.
Tout cela est étroitement lié : pas de plaidoyer sans dossier précisément construit, ni sans lien avec les médias. Cette stratégie repose en effet sur une bonne collaboration avec les médias –à commencer par la presse écrite- et une grande visibilité.
Comme d’autres organisations du même type, CYN est sous la surveillance du gouvernement, en butte aux attaques sournoises, exposé aux contrôles et mesquineries des autorités locales. La menace du procès et de l’arrestation pourrait très vite devenir réalité. Aussi est-il de première importance que chaque opération soit bien préparée sur le plan juridique autant que pratique, assortie d’un argumentaire qui réponde point par point à d’éventuelles accusations.
Le mode de communication reste fondé sur la non-violence : une approche « do no harm », sans faiblesse mais sans provocation inutile.
(photo graphie K. Heng /CYN)
Extrait de la présentation par Kimhong de la « campagne cycliste » pour la défense de la forêt de Prey Lang
Une des luttes les plus médiatisées de CYN concerne la préservation de la forêt de Prey Lang, la plus grande forêt tropicale, située au centre du pays, qui aurait perdu 9% de sa superficie ces cinq dernières années. Une forêt primaire riche en biodiversité, essentielle pour la vie des communautés locales, menacée par la déforestation et le trafic du bois. C’est là l’œuvre de sociétés, souvent bénéficiaires de « concessions territoriales économiques », qui en profitent pour piller alentour et organiser la contrebande de bois précieux vers le Vietnam ou la Chine. Exportation en principe interdite depuis qu’en 2016 Prey Lang a été reconnue comme « sanctuaire de la vie sauvage »… Régulations de peu d’effet en raison de la corruption et des passe-droits, renforcés par l’absence de surveillance et d’application des lois.
CYN dénonce cette situation et travaille avec des partenaires locaux, dont le réseau communautaire de Prey Lang qui défend les intérêts des communautés autochtones et leurs droits fonciers. L’association a coordonné une pétition sur la préservation de la forêt, pétition que le Ministère de l’environnement a fini par recevoir, ce qui n’est pas rien (la réaction première des autorités étant plutôt d’ignorer … et d’interdire l’accès de la forêt à ses défenseurs )
Mais c’est la « campagne à vélo » effectuée en mai 2022 que Kimhong a surtout tenu à présenter.
Imaginez une bande de jeunes cyclistes engagés dans un trajet de 600 km, parcourus en 10 jours par étapes très inégales: de 30 km par jour jusqu’à 80 km pour la plus longue, parfois moins quand les chemins sont boueux et difficiles ; quelquefois sous la pluie, et à l’occasion dans l’obscurité quand la nuit tombe avant qu’on ait rejoint le seul lieu d’étape autorisé. Emaillée aussi chaque jour de contrôles policiers, prompts à formuler questions et remarques négatives.
Il s’agissait à la fois de confronter les jeunes à la réalité des faits -observés sur place, d’exprimer pacifiquement leur refus d’une déforestation incontrôlée au profit de quelques-uns, de témoigner de leur engagement citoyen (le tee-shirt porté par les participants affiche la couleur).
En route ... (mai 2022). A droite: Kimhong porte le tee-shirt bleu distinctif
de l'opération
Ce fut pour chacun des participants une expérience forte, sollicitant les corps et les esprits; leur motivation pourtant ne s’est jamais démentie, bien au contraire.
Remise d'une pétition au Ministère (juin 2022)
(photographies : Kimhong Heng /CYN)
Autres photographies :
1. nos invités , en compagnie de Jean Luc Gueudet (DD60) délégué régional chargé de l'opération "partenaires en Hauts de France" (photo JL G) :de g. à d. Roshane Saidnattar -interprète français/Khmer- KImhong Heng, Jean Luc Gueudet ,et Vann Ul .
2. et 3 Une assistance attentive (photo MP Cramet)
4. Jean Pierre Delaunay et Marie Pierre Cramet avaient préparé les lieux ...
5 et 6 : un petit détour par les places avant de gagner l'Oise (photos transmises par JL Gueudet)