1. Un monde en souffrance, des raisons d’espérer (Etat des lieux)
Un feuilletage de "l'Appel pour une Terre solidaire" (rapport d'orientation) à la lumière des évangiles du temps de l'Avent. Semaine 1
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Un monde en souffrance, des raisons d’espérer
(Etat des lieux)
L'Appel pour une Terre solidaire - (notre Rapport d'Orientation 2021-2027)- commence par jeter un regard lucide « sur le monde dans lequel [le CCFD] va devoir agir". C’est « un monde violent et en mal de justice, un monde qui met en danger l'avenir de la planète", dont on décline les traits peu engageants, sans se limiter au rebond de la faim ou à l'urgence climatique. Trouvent aussi leur place : la montée des inégalités et de l'exclusion, les dérives des multinationales, l'érosion du sens collectif et du multilatéralisme, le triomphe de l'individualisme et la dégradation du rapport aux autres (p.9-15).
Les premiers effets du réchauffement climatique, la crainte de pandémies nouvelles et la menace terroriste nourrissent particulièrement les inquiétudes et les angoisses de nos contemporains. Au point que « 65% des Français croient à la thèse d'un effondrement de notre civilisation dans les dix prochaines années ».Un certain catastrophisme tend à se diffuser, entretenus par des « discours apocalyptiques ».
Indiquer le cap, redonner confiance
L'évangile du premier dimanche de l'Avent emprunte justement ses symboles et ses images fortes au genre apocalyptique, à proprement parler. Dans la tradition juive, ce « langage codé » transmettait un message aux croyants confrontés à des temps difficiles : pour soutenir leur espérance et les mobiliser il fallait redire qu’au-delà des vicissitudes du présent se prépare mystérieusement le triomphe de Dieu.
Evangile selon St Luc : Lc 21, 25-28.34-36
En ce temps-là,
Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles.
Sur terre, les nations seront affolées et désemparées
par le fracas de la mer et des flots.
Les hommes mourront de peur
dans l’attente de ce qui doit arriver au monde,
car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée,
avec puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront,
redressez-vous et relevez la tête,
car votre rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes,
de crainte que votre cœur ne s’alourdisse
dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie,
et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste
comme un filet ;
il s’abattra, en effet,
sur tous les habitants de la terre entière.
Restez éveillés et priez en tout temps :
ainsi vous aurez la force
d’échapper à tout ce qui doit arriver,
et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »
Rester éveillés
On l’a vu, il n’est pas bien difficile de découvrir dans notre monde ce qui pourrait ressembler à des « signes avant-coureur » d’une « fin des temps». L’actualité y pourvoit chaque année. En juin dernier, une vague de chaleur inédite a fait suffoquer une partie de l’Amérique du Nord ; au cours de l’été des incendies monstres ont ravagé des écosystèmes entiers sous des latitudes diverses. Au même moment, le GIEC publiait un nouveau rapport aux accents plutôt alarmistes, qui promet d’ici 2050 pénuries d’eau et tsunamis, effondrement de la biodiversité et explosion de la pauvreté.
Pourtant, à bien y regarder, les « mauvais présages» sont loin d’être inconnus dans l’histoire humaine - sans que « la fin du monde » s’ensuive forcément. Ceux d’aujourd’hui sont-ils différents ? Seraient-ils le signe de la fin de quelque chose – la fin d’une époque, d’une façon de voir, de penser et de faire – qui ne serait pas pour autant synonyme d’anéantissement immédiat? Ne pourrait-on y voir la marque d’une création qui « gémit encore dans les douleurs de l’enfantement» (Ro 8,22) plutôt que l’indice de notre fin imminente ?
Pour l’évangéliste, si tous ces signes funestes sont porteurs d’un message ce n’est ni le « sauve qui peut » ni l’attente passive et résignée, mais bien une ferme invitation à «relever la tête», à se réveiller, et à ne pas se tromper de combat. Les paroles du Christ résonnent alors comme autant de bons conseils qui inspireront une manière de faire face :
Redressez vous…
Tenez-vous sur vos gardes de crainte que votre cœur ne s’alourdisse…
Restez éveillés et priez tout le temps !
Lucidité et espérance
Si la première partie de l’Appel du CCFD-TS décline bien les « ombres et obstacles qui se dressent devant lui », la voici qui rebondit très vite : "Dans ce monde en souffrance le CCFD-TS veut porter une espérance, celle qui anime les acteurs de changement que sont ses partenaires et ses bénévoles" (p.5).
Le rapport d’orientation pointe donc aussi " les signes d'espérance sur lesquels (le CCFD-TS) peut s'appuyer pour remplir sa mission". Et il en trouve de solides tels que la remise en cause des modèles de développement actuels, le dynamisme des sociétés civiles, ou le développement de nouvelles formes de solidarité ...
Le balancement entre lucidité et espérance rythme aussi les premières pages de l’encyclique «Fratelli Tutti» : au-delà des « ombres épaisses d’un monde fermé –qu’il ne faut pas ignorer »- existent de « nombreux chemins d’espoir » (FT 54-55).
Ce goût de l’espérance qui fait redécouvrir la vie à l’œuvre jusque dans la débâcle et réveille notre présence au monde imprégnait déjà la « profession de foi » d’un pionnier, dont la prière nous touche encore :
Je crois en Dieu qui est le Père de tous les hommes et qui leur a confié la Terre.
Je crois en Jésus Christ qui est venu pour nous encourager et nous guérir,
Pour nous délivrer et nous annoncer la Paix de Dieu avec l'humanité.
Je crois en l'Esprit de Dieu qui travaille en tout homme de bonne volonté.
Je crois que l'homme vivra de la vie de Dieu pour toujours.
Je ne crois pas au droit du plus fort, au langage des armes, à la puissance des puissants.
Je veux croire aux droits de l'homme, à la main ouverte, à la puissance des non-violents.
Je ne crois pas à la race, ou à la richesse, aux privilèges, à l'ordre établi.
Je veux croire que le monde entier est ma maison.
Je veux croire que le droit est un, ici et là, et que je ne suis pas libre,
tant qu'un homme est esclave.
Je ne crois pas que la guerre et la faim soient inévitables, et la paix inaccessible.
Je veux croire à l'action modeste, à l'amour aux mains nues
et à la paix sur terre.
Je ne crois pas que toute peine soit vaine.
Je ne crois pas que le rêve de l'homme restera un rêve.
Mais j'ose croire, toujours et malgré tout, à l'homme nouveau.
Je ne crois pas que le rêve de l'homme restera un rêve.
J'ose croire au rêve de Dieu même:
un ciel nouveau une terre nouvelle où la justice habitera.
« Ce que je crois » - Dom Helder Camara
Le temps de l’Avent n’est peut-être pas si mal choisi pour feuilleter l’Appel ! L’engagement proposé conjugue une dimension immédiate et prosaïque (vivre et agir en ce monde) et une visée lointaine (la terre nouvelle et les cieux nouveaux). La réalisation du Royaume commencée en ce monde (le royaume est déjà là) trouve son sens ultime dans le Règne du Christ qui conduit la création vers sa plénitude.
Pour accéder au texte intégral de l'Appel :
deuxième chapitre /deuxième dimanche :
Semaine 2 : https://arras.catholique.fr/question-piliers-inspiration-valeurs-principes.html
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NOTE :
source : Enquête IFOP pour la fondation J.Jaurès, 2021.
Un sondage réalisé à l’été 2020 dans 14 pays occidentaux révéle que 70% des personnes interrogées considèrent le changement climatique comme la plus grande des menaces qui pèsent sur l'humanité- devant : les maladies infectieuses, le terrorisme, et la prolifération nucléaire. (Sondage réalisé par l'institut américain Pew Research Center)