La hiérarchie des vérités

Invitation à vérifier nos pratiques et enseignements.

La hiérarchie des vérités

 

L’expression “hiérarchie des vérités” apparaît pour la première fois dans un document officiel avec le texte de Vatican II sur l’œcuménisme (Unitatis redintégratio). Il évoque le rôle des théologiens catholiques engagés dans le dialogue avec des représentants d’autres confessions chrétiennes. “En comparant les doctrines entre elles, ils se rappelleront qu’il y a un ordre ou une “hiérarchie” des vérités de la doctrine catholique, en raison de leur rapport différent avec le fondement de la foi chrétienne”. Saint Thomas distinguait déjà les vérités nécessaires au salut et les vérités secondaires.

 

Le point de départ de la réflexion était de pouvoir discerner exactement l’unité déjà existante entre chrétiens et les différences qui persistent. Cet ordre est qualificatif, en fonction de leur relation au fondement de la foi chrétienne. L’idée que les vérités de la foi chrétienne sont articulées autour d’un centre remonte à la tradition patristique. Il y a donc des vérités fondamentales du credo et d’autres vérités moins importantes. Le centre est le salut offert par Dieu en Jésus-Christ. Il en est de même pour les hérésies qui peuvent être plus graves les unes que les autres.

 

Quand on parle des fondements de la foi, nous sommes invités à comprendre la proximité ou le poids de chaque vérité par rapport au fondement de la foi dans la relation existentielle des chrétiens et de leurs communautés. Il serait délicat de résumer le fondement à un ensemble de doctrine, car c’est aussi la vie que partagent les croyants et qui nous oriente dans l’histoire du Salut et la participation au mystère du Christ. La catéchisme de l’Eglise catholique rappelle que le mystère de la sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. L’histoire du salut n’est autre que la voie et les moyens par lesquels le Dieu unique et vrai se révèle, se réconcilie et unit les hommes qui se détournent du péché.

 

Cette hiérarchie des vérités est importante dans la pensée du pape François, elle est essentielle pour comprendre ses choix et ses orientations, autant dans les relations avec les autres confessions chrétiennes que dans le conduite de l’Eglise (doctrine et enseignement moral). Un exemple extrait de La joie de l’Evangile § 38) : si un curé au cours d’une année liturgique prêche dix fois sur la tempérance, et seulement deux ou trois fois sur la charité ou la justice, in y a disproportion par rapport à ce qui devrait être le plus présent dans sa catéchèse. De même quand on parle davantage de la loi que de la grâce, de l’Eglise plus que de Jésus-Christ, du pape plus que de la Parole de Dieu etc. C’est donc une invitation à avoir une foi articulée, construite et non avoir une accumulation de données indépendantes les unes des autres.

 

Le relativisme que regrettait le pape saint Jean-Paul II à la fin de sa vie est peut-être dû à l’absence de références des chrétiens avec une hiérarchie des vérités, se contentant de transmettre une multitude de doctrines sans ligne conductrice. Il serait intéressant de relire Lumen Gentium ch.1 et en particulier l’articulation qui est faite du Père au Fils et à l’Esprit, puis à l’Eglise. (LG  § 2-6). Il serait utile de comparer certaines de nos insistances locales par rapport au cœur de la foi qu’est de don de Dieu à chacun de nous par son Fils dans l’Esprit.

 

Il ne faut pas mutiler l’intégralité du message de l’Evangile. En outre chaque vérité se comprend mieux si on la met en relation avec la totalité harmonieuse du message chrétien, et dans ce contexte toutes les vérités ont leur importance et s’éclairent réciproquement. Quand la prédication est fidèle à l’Evangile, la centralité de certaines vérités se manifeste clairement et il en ressort avec clarté que la prédication morale chrétienne n’est pas une simple éthique stoïcienne, elle est plus qu’une ascèse, elle n’est pas une simple philosophie pratique ni un catalogue de péchés et d’erreurs. L’Évangile invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et qui nous sauve”. (Evangelii Gaudium 39)