Le Vatican et la laïcité à la française

Le pape Jean-Paul II vient d'écrire aux évêques français à l'occasion de l'anniversaire de la loi de 1905 définissant de nouveaux rapports entre l'Église et l'État, le régime de la "séparation". Mgr Defois présente le document

 

Cette lettre constitue un signe de l'importance attachée par l'Église catholique à ce centenaire qui, de prime abord, ne concernait que notre pays et donc la conférence épiscopale française. Le pape relève les sentiments des évêques français exprimés l'an dernier lors de leurs visites à Rome : ils estiment de façon positive les relations actuelles; ce qui est à l'opposé des réactions de l'époque et de la rupture des liens d'État entre la France et le Vatican lors du vote de la loi de 1905. Sans oublier les querelles qui suivirent à l'occasion des inventaires; il y eut un mort dans le diocèse de Lille. Les débats à la Chambre des dépités prirent une tournure très polémique alors.

 

Le cœur de cette lettre est la reconnaissance de la valeur morale de la laïcité. En effet Jean-Paul II va jusqu'à écrire : "Le principe de laïcité, auquel votre pays est très attaché, s'il est bien compris, appartient aussi à la Doctrine sociale de l'Église... la non-confessionnalité de l'État, qui est une non-immixtion du pouvoir civil dans la vie de l'Église et des différentes religions, comme dans la sphère du spirituel, permet que toutes les composantes de la société travaillent ensemble au service de tous et de la communauté nationale".

 

Plus loin, le pape souligne que la "laïcité, loin d'être un lieu d'affrontement, est véritablement l'espace pour un dialogue constructif" entre tous les partenaires de la nation et de l'État. Et il rappelle les contributions des chrétiens à la culture, à la santé et au service du bien commun dans l'histoire de notre pays. On ne peut nier que ces perspectives et les termes de ces propos catholiques ont évolué depuis 1905; de l'affrontement au dialogue, il y a une modification radicale des relations. Le pape souligne encore que la liberté religieuse, tant personnelle que l'expression publique de toutes les croyances, fait partie de la richesse culturelle et morale de la nation; par conséquent, la crainte d'intolérance réciproque ou de sectarisme est vaine dans la mesure où cette libre expression s'inscrit dans les autres dimensions de la vie nationale. La laïcité n'est pas l'ignorance des convictions morales et spirituelles mais la libre manifestation des convictions et des appartenances religieuses. Pour contribuer aux débats de société et attirer l'attention sur les responsabilités de tous dans la référence aux valeurs essentielles de la culture nationale. Et participer ainsi aux débats démocratiques de notre société.

 

Si le Pape n'ignore pas les crises d'hostilité du passé il définit cette laïcité actuelle comme le respect des compétences et des différences; il appelle à des contributions diversifiées des religions pour le service de l'ensemble de la population. Ainsi l'Église catholique entend se situer en partenaire libre de tous les acteurs sociaux et prendre ses distances à l'encontre des luttes de camps, sources d'intolérance.