Fiche 05 Matthieu 9-10

Discours pour la mission.

Annonce de la Bonne Nouvelle (III) 9, 35 à 11, 1
.

Rappel section 4 et lien entre les sections 4 et 5


 Aux ch. 8 et 9, Jésus rencontre malades, exclus et pécheurs et leur apporte la Bonne Nouvelle de la restauration physique et spirituelle, mais les autorités religieuses préfèrent dire qu’il est envoyé par un démon, Béelzéboul). Matthieu, au début de la section 5, résume la méditation de Jésus sur les diverses situations qu’il a rencontrées : “Voyant les foules, il fut ému de compassion pour elles, parce qu'elles étaient harassées et abattues, comme des brebis qui n'ont pas de berger.”.

Pour nous, cela ressemble à une belle image et nous ne soupçonnons pas que Jésus y accuse les responsables du peuple de ne pas faire leur travail de bergers du troupeau. Cela évoque le reproche du prophète Michée devant le roi : “J'ai vu tout Israël dispersé sur les montagnes comme un troupeau sans pasteur. Et Yahve a dit : Ils n'ont plus de maître !” 1 Rois 22, 17 ; ou encore l’invective de Zacharie à l’encontre des responsables du peuple : “Frappe le pasteur, que soient dispersées les brebis” Za 13,7. La conclusion vient alors logiquement : "La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux”. Maintenant, le Christ va désigner ceux qui deviennent les douze apôtres et leur adresse une série de recommandations et de mises en garde pour la mission.

 

Lecture d’ensemble
 

 

Statue du 3ème siècle Le Bon Pasteur - Césarée  
Statue du 3ème siècle
Statue du 3ème siècle
C’est le deuxième discours en Matthieu
, après le sermon sur la montagne. A la différence du  premier, celui-ci s’adresse spécifiquement aux disciples-apôtres, c’est-à-dire aux Douze du temps de Jésus, mais Matthieu l’écrit aussi à destination des “agents missionnaires” de son Eglise des années 80. L’évocation des difficultés rencontrées par Jésus comme par les premiers chrétiens fait comprendre le dicton : tel maître, tels disciples. Ce n’est pas une consolation ! La mission de Jésus est motivée par la tendresse (plutôt que par la pitié) à l’égard des foules désorientées. Il les regarde avec les yeux de l’amour de Dieu. Elles sont non seulement fatiguées, mais aussi sans guides. Les pasteurs d’hier étaient les rois, les pasteurs du temps de Jésus étaient les grands-prêtres, scribes et pharisiens (cf. fiche 3) qui se sont refermés sur le Temple et sa Loi. Ils se sont fermés à la nouveauté du Royaume qu’apporte Jésus.

 

ble mur ble mur  Le début, 9, 35-38, est un paragraphe charnière, en forme de sommaire, entre la section précédente qui évoque les multiples rencontres de Jésus (les brebis sans berger) et la méditation de Jésus qui annonce la mission (la moisson est abondante). Voici, maintenant seulement, les noms des Douze appelés, 10, 1-4, à qui est confiée la mission. Quelques lignes pour exprimer comment vivre la mission 10, 5-15, puis pour préciser les rejets et conflits qui risquent d’en découler, et qui confirment l’identité entre le maître et le disciple (10, 16-25). La section se termine par une exhortation (26-33), invitation à la confiance au milieu des persécutions. La conclusion du discours rappelle le choix de vie des disciples et ses exigences, la manière dont ils seront accueillis ou non, en qualité de disciple, à l’image de l’accueil qu’ont reçu Jésus et les prophètes autrefois.

 

Zoom : recommandations aux disciples 10, 5-15.

 

La mission première des disciples ressemble fort à celle de Jésus : annoncer que le Royaume de Dieu s’est approché, avec comme corollaire la guérison de tout mal (ch. 10, 1 et 7). Que cette mission ne soit occasion de recevoir ni or ni argent, est probablement une nouveauté, car les exorcistes orientaux d’alors faisaient grassement payer leurs miracles. La gratuité demandée rappelle que le “vivre avec Jésus” est un don, gratuit. Tout au plus, les missionnaires recevront-ils nourriture. Comme la plupart des prédicateurs itinérants des religions du Moyen-Orient, les disciples apparaissent fragiles et pauvres, vulnérables et désintéressés. Leur seul trésor est Celui qu’ils annoncent : le Christ.


Secouer la poussière des pieds, en cas de rejet, est une manière de signifier la rupture consommée entre les apôtres et ceux qui les ont refusés. Paul a eu la même attitude à Antioche (Ac. 13, 51).

 

L’ouverture aux païens ? “ Ne prenez pas le chemin des païens ” peut sembler choquant alors que nous avons découvert dans les Actes des Apôtres l’insistance à proclamer à toutes les nations… Attention, nous ne devons pas lire chaque paragraphe de l’Evangile indépendamment les uns des autres. N’oublions pas ici que ce sont les premiers “travaux pratiques” demandés par le Christ à ses disciples. Cette parole au début du chapitre peut paraître scandaleuse ; attendons la suite de l’enseignement de Jésus, lorsqu’un peu plus loin il parle de témoignage devant les païens 10,19 ; ou encore lorsque la finale de l’Evangile appelle impérativement à annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations.


L’attitude du Christ est sans équivoque : il accueille et valorise un centurion, il va lui-même en terre étrangère, à Gérasa et y guérit des démoniaques. Nous savons aussi que Jésus rappelle le meilleur accueil fait aux prophètes hors du peuple élu que dedans. (Se souvenir de Ninive, Sodome Gomorrhe, la reine du midi ou encore la veuve de Sarepta etc.) C’est une manière de faire entendre aux chrétiens opposés à l’ouverture, que la mission dépasse la frontière des seules brebis perdues d’Israël ; la mise en parallèle de l’attitude des Juifs et celle des gens de Sodome et Gomorrhe au (v.15) invite déjà à plus d’ouverture.

 

Que la mission commence par l’annonce au peuple élu était une évidence que Paul lui-même reconnaissait : “C’est à vous d’abord qu’il fallait annoncer la Parole. Puisque vous la repoussez, nous nous tournons vers les païens” Ac 13, 46. Ainsi de la mise en perspective de tous les textes de Matthieu se dégage une ligne de progression évangélique qui conduit aux païens. Quand Matthieu écrit aux judéo-chrétiens de ses communautés, un certain nombre sont hostiles à l’ouverture aux païens et contestent fermement l’attitude de Paul envers les païens. Matthieu reprend donc d’abord les arguments des Judéens : “Jésus n’est guère allé chez les païens” disaient-ils. Alors Matthieu montre que Jésus est allé au-delà des frontières, qu’il s’est ouvert aux païens. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Méfions-nous donc de nos lectures parcellaires ; méfions-nous aussi d’utiliser une phrase de la Bible qui conforte notre étroitesse d’esprit et nous évite de voir le chemin d’ouverture que propose le Christ.

 

Pour aller plus loin


Le paragraphe qui suit le zoom mérite une attention particulière (v. 16-23). Les disciples sont envoyés comme des brebis au milieu des loups. Leur vie sera une épreuve, au sein de leur famille qui les contestera, au sein des communautés chrétiennes qui n’accepteront pas l’ouverture de Jésus, au sein de la société qui les poursuivra de ville en ville. Suit alors une énumération qui évoque le temps des persécutions, plus après Jésus que de son temps. Ce discours est parsemé de paroles d’encouragements et de soutien facilement repérables.

 

Les exigences du suivre Jésus 10, 37-39. Souvent mal compris ces quelques phrases destinées aux apôtres et non à tous, laisse entendre que des liens familiaux, certes légitimes, peuvent devenir des obstacles sur le chemin de la mission.

 

Ble - épi Ble - épi   L’image de la moisson, 9, 37-38. Elle est déjà utilisée par les prophètes pour parler de la fin des temps. Jean-Baptiste l’a reprise quand il parle de l’aire à vanner où l’on sépare le blé de la bale (Mt 3, 12). Les paraboles du Royaume parleront, elles aussi, du temps de la moisson (le bon grain et l’ivraie). Mais présentement nous ne sommes pas dans le temps de la moisson mais celui de la mission.

 

Accueillir un petit en qualité de disciple 10, 40-42. La conclusion du discours sur la mission pourrait se suffire avec “Qui vous accueille m’accueille et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé”. L’identité du maître et du disciple est ainsi rappelé par Jésus mais la suite, qui évoque un triple accueil, est un ajout de Matthieu où sont distingués les prophètes (interprètes de la loi), les justes (ou scribes chrétiens), les petits et le verre d’eau fraiche qui leur est offert. Le service des petits avec le verre d’eau sera rappelé au ch. 25 : ce verre d’eau qu’on offre au petit, c’est au Christ qu’on l’offre (Jugement dernier). Si Matthieu insiste déjà sur l’accueil des petits, c’est sans doute que, dans ses communautés, certains se prenaient davantage pour maîtres que pour serviteurs.

 

Disciple et apôtre, les douze : parmi les disciples, Jésus en désigne douze comme apôtres, douze comme les douze piliers des douze tribus d’Israël. Le chiffre douze trouve son origine lointaine dans les signes du zodiaque et des mois de l’année, désigna nt la totalité du ciel. Lors du passage du Jourdain avec Josué, un mémorial de douze pierres rappelait le passage pour tout le peuple hébreu. Dès lors, dans la Bible, il signifie l’ensemble du peuple de Dieu constitué de douze tribus, puis dans le Nouveau Testament, l’Eglise qui repose sur les Douze apôtres.
La distinction entre disciple et apôtre : le disciple est celui qui suit un maître ; l’apôtre est celui que le maître envoie.

 

Evocation des persécutions. D’une part Jésus n’est pas ignorant du risque de rejet à son égard, ni du risque de rejet de ses disciples quand ils parleront en son nom. Il est fort probable que Mathieu pense surtout aux persécutions, soit juives, soit gréco-romaines, qu’ont subies les premiers chrétiens. Matthieu opère déjà une actualisation des paroles de Jésus pour les adapter aux chrétiens de son temps. Le témoignage chrétien n’a pas d’autre modèle que le chemin du Maître vers sa Passion. Des tensions fortes et des conflits surviennent aussi de l’intérieur des communautés, de la part de frères et sœurs en Christ (par exemple, les loups déguisés en brebis, 7,15).

 
Qu’en est-il aujourd’hui où c’est davantage l’indifférence que rencontrent les disciples du Christ dans la société d’aujourd’hui ? Le discours sur la mission du ch. 10, invite les chrétiens d’aujourd’hui, comme d’hier, à savoir pour quoi ils vivent et témoignent. L’amour du prochain, l’accueil de tous dans les communautés et le service du plus petit (10, 40-42) devraient nous guider dans notre réponse à l’appel du Christ (10,1-4).

 

Prier la Parole
 

Donne-nous le courage
là où nous vivons chaque jour,
de prendre position au nom de notre foi,
de ne pas mettre sous le boisseau
notre attachement au Christ,
même si cela doit nous amener ironie ou rejet,
Seigneur, nous te le demandons.

 

Donne-nous le courage d'ouvrir nos yeux sur les injustices
qui viennent de l'argent, du pouvoir
ou de la lenteur des administrateurs,
et de les résoudre avec nos moyens,
au nom de notre foi,
même si cela doit nuire à notre tranquillité,
Seigneur, nous te le demandons.

 

Donne-nous le courage
de participer activement à la communauté d'Eglise
à laquelle nous appartenons,
afin qu'elle devienne le lieu où notre vie,
avec ses conflits et ses recherches,
se trouve éclairée par notre foi,
Seigneur, nous te le demandons.

 

Ne nous laisse pas au repos, Seigneur,
tant que notre foi n'imprime pas son exigence
sur l'éventail de toute notre vie.
Nous t'en prions, aide-nous à être des croyants
dans la pratique de chaque jour.
Charles Singer Prier octobre 2007


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Ou par mail à hennart-eh@orange.fr
Les fiches sont publiées dans Eglise d’Arras, n° 14 à 21/2011
et dans le site diocésain : http://arras.catholique.fr/Matthieu
disponibles à la Maison diocésaine
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 4406 visites