FAQ-4 section 4 Mt 8-9

A la rencontre des gens; annonce de la Bonne Nouvelle

Que de miracles dans cette section???

 

Dans une lecture continue il est normal qu'apparraisse cette succession de guérisons, alors que nous ne lisons habituellement qu'un récit à la fois, et les autres bien plus tard. Cependant dire " que de miracles dans cette sections" n'est pas justifié.

  • Première raison: Matthieu travaille par thème. Dans cette section, c'est la succession des rencontres avec les gens qui est évoquée. Dans la section 3, il avait rassemblé toutes les paroles concernant la Loi. Bientôt nous aurons une section sur la mission, uis l'accumulétion des incompréhensions, ensuite les paraboles etc.
  • Deuxième raison: Matthieu ne parle pas de miracles, mais de guérison ou de purification. Le mot miracle est un peu comme un mot magique qui attire le regard et empêche de voir le reste, par exemple le dialogue avec le centurion, ou l'appel de Matthieu, ou le repas chez lui avec les pécheurs. Il serait plus heureux de dire: Que de rencontres dans cette section!

La section précédente ch 5-7 pouvait évoquer Jésus comme enseignant, comme maitre de la Loi. Cette section manifeste combien Jésus se rend proche des gens et fréquente ceux qui ne le méritent pas, et même ceux dont la Loi interdisait la fréquentation. A la suite de ces rencontres, les gens prennent position pour ou contre lui (les foules s'émerveillèrent "nous n'avons jamais vu rien de pareil", tandis que les pharisiens disaient: "c'est par le chef des démons qu'il chasse les démons".. C'est alors que Jésus précise sa méditation suite aux diverses rencontres : lls sont comme des brebis sans berger... La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux. Ce sera pour la section suivante n° 5.

 

L'épisode des démoniaques intrigue

 

Il est normal que cette histoire intrigue et même plus, au point qu'on a envie de la rejeter. On n'est pas de ce temps-là ont dit quelques-uns! Or, nous lisons et interprétons ce récit avec les manières de penser de notre temps. Pourtant, à partir de quelqures indices, replacés dans leur contexte, il est possible d'entrer dans la compréhension de ce qui s'est passé et des enseignements qu'on pourrait en tirer pour aujourd'hui.

Repérons la succession des phrases et détails qui constituent ce récit. Ch.8, 28-34

Au début, Jésus débarque; à la fin il est prié de quitter les lieux. Que s'est-il donc passé pour en arriver là ?

 

Commençons par une explication de mots. L'expression "les démoniaques" entraine chez nous bien des phantasmes. Au temps des évangiles, il n'y avait ni hôpital psychiatrique, ni potion psychotrope. Devant des personnes au comportement dérangé, dont on ignorait les causes, on disait: elles sont possédées d'un démon. Portons maintenant attention aux lieux et personnes dont il est question dans le récit:

  •  De l’autre côté… physiquement, Jésus se rend en pays païen (pendant la traversée il y a eu du tangage. Plus tard, on pourra comprendre que l’Eglise (Jésus) arrive chez les païens. Penser à la prédication hors des frontières, en terre étrangère (acceptée ou refusée selon les commnautés chrétiennes, cf. les Actes des Apôtres et Paul). Des gadaréniens, on ne connait rien d’eux, excepté qu’ils sont de l’autre côté du lac.
     
  • Les démoniaques. Ils sortent des tombeaux. Ils n'ont d'autre refuge que de s'abriter dans les grottes dont certaines ont pu servir de tombeau. Rien d'extraordinaire. La tombe est un lieu de mort, ce n'est pas un lieu de vie... Dans l'opinion ce lieu est à l'opposé de la vie avec Dieu. La rencontre avec Jésus leur rendra la vie en plénitude.
     
  • Les porcs. Dans la tradition juive et sémitique, le porc est frappé de malédiction. En effet, au temps du nomadisme, la viande de porc transmettait les maladies et ne se conservait pas, d’où une sorte de règle de prophylaxie reprise dans la règlementation religieuse de la part des nomades. Pour les Juifs, le porc est devenu le symbole de l'impureté, du mal qu’il ne faut pas inviter à sa table. (Penser à St Pierre et la nappe avec tous les animaux, Actes 10-11 ; ou les règles sur le pur et l’impur…). Le fait que les démons quittent ces deux hommes pour investir les porcs signifie qu’ils abandonnent leur possession sur les humains, sur la terre païenne, pour retourner dans leur monde, la mer, lieu des forces hostiles).
     
  • La mer (mot employé par Mt, plutôt que lac). Les Juifs ne sont pas des marins, ils ont peur de la navigation en mer (à la différence des romains, des syro-phéniciens ou des Egyptiens). La tradition juive retient que la mer est le lieu d’habitation du grand Léviathan, sorte de monstre marin hostile (Job 3 ; Psaume 74 ; Isaïe 27).
  • Les démons dans les porcs et les porcs dans la mer. Faut-il une longue explication pour comprendre que le pays des païens est enfin libéré de tout ce qui le rend impur ? La seule parole de Jésus (sa seule présence) suffit : “Allez!” Ainsi l’homme et le territoire se trouvent libérés de tout ce qui rend impur.
     
  • Les gardiens et les gens de la ville. On remarquera que les gardiens rapportent d’abord ce qui est arrivé aux porcs et, secondairement, ce qui est arrivé aux deux hommes possédés. Les gens de la ville demandent à Jésus de partir ailleurs. Jésus dérange et il a fait perdre de l'argent. Il n'est donc pas le bienvenu. (Dans la fiche de lecture 4, le commentaire fait allusion au lobbying : de fait, hier comme aujourd’hui, bien souvetn chacun regarde à son propre intérêt avant l’intérêt de l’autre humain (pensez aux affaires récentes, au Médiator, aux prothèses mammaires, au choix du tout pétrole, aux pesticides, aux placements financiers "à deux chiffres", etc.). Le mot Lobying n’existait pas à l’époque, mais “le sens de son portefeuille” existait déjà : guérir deux personnes pour le prix d’un troupeau, c’est trop cher payé !!! Sans doute y a-t-il là une exagération chère à Matthieu. Cf. ch. 5, 21-48.
     
  • Les paroles. « Tourmenter avant le temps », c-à-d avant la fin du monde, c’est une manière de dire que là où passe Jésus, c’est déjà la défaite des démons... le dernier jour est déjà arrivé pour eux. C’est d’eux-mêmes qu’ils demandent à repartir là où ils devraient être : dans les porcs impurs : retournez de où vous venez ! Jésus n’a qu’à acquiescer !!!

Conclusion : En rester à l'explication d'une guérison c'est oublier que Matthieu utilise ce récit comme une image de la rencontre avec Jésus, de la présence de Jésus au milieu d’un monde impur qu’il vient délivrer. C'est ce qui se passe lors de la visite des mages, alors que les Juifs ne font pas le déplacement; cela se passe avec la demande du centurion à qui Jésus affirme qu'il n'a jamais vu une telle fois en Israël etc. Le récit des démoniaques est une manière de présenter le Christ vainqueur du mal et porteur du salut en terre païenne. Après avoir lu et compris le message proposé par Matthieu, nous pouvons prendre un temps de méditation sur le Christ venu en notre terre porter la délivrance, aujourd'hui encore. Bientôt il appelera des disciples pour continuer sa mission.

 

Laisse les morts enterrer leurs morts. C'est choquant!

 

Pour cette réplique de Jésus, bien mal comprise, nous oublions qu'une ligne auparavant, quelqu'un affimait vouloir le suivre partout où il ira... puis un second fait le même demande et pose ses conditions... Cette répliqe a fait l'objet d'une autre page "laissez les morts enterrer les morts".  

 

La guérison d'un paralysé: il manque les 4 porteurs! (ch.9)

 

La remarque est juste : "on amenait un paralysé étendu sur une civière". Dans la plupart des guérisons rapportées par Matthieu, nous pouvons constater qu'il escamote les personnages secondaires, et qu'il donne davantage de place au dialogue entre le malade et Jésus. (Voir aussi à propos du centurion, en Matthieu 8 et Luc 7; ou du paralysé en Matthieu 9 et Luc 5). L'insistance sur le dialogue entre Jésus et une personne rencontrée est peut-être une invitation pour nous lecteurs, afin d'établir lemême type de dialogue entre Jésus et nous... par exemple: "Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit..." ou "Tes péchés sont pardonnés". A nous de continuer ce dialogue.

 

Qui est Matthieu? Marc et Luc parlent de Lévi...

L'appel de Matthieu est succinct: Jésus vit, en passant, assis au bureau des taxes, un homme qui s'appelait Matthieu. Il lui dit "Suis-moi". Il se leva et le suivit. Marc parle de Lévi. Dans l'état actuel de la recherche, rien ne permet de dire si Matthieu et Lévi sont une seule et même personne... La tradition retient que les listes des apôtres donnent le nom de Matthieu, pas celui de Lévi. La tradition, à partir du 3ème siècle, attribue aussi à Matthieu le 1er évangile. On remarquera que la suite immédiate, c'est un repas chez Matthieu avec Jésus, de nombreux collecteurs d'impôts et de pécheurs, ce qui offusque immédiatement les pharisiens et qui causera un doute chez Jean-Baptiste sur l'identité de Jésus comme envoyé de Dieu (ch.11).

 

Vin nouveau et vieilles outres. 

 

Les quelques versets 14 à 17 laissent percevoir un accent polémique entre Jésus et les pharisiens. Il ne fait pas de doutes que cette polémique a continué entre la première communauté judéo-chrétienne de Matthieu et les pharisiens restaurateurs du judaïsme après la destruction de Jérusalem en 70. "Tant que l'époux est avec eux" est une reprise du thème des prophètes qui comparent Dieu à l'époux, et Israël l'épouse (Osée, puis Isaïe). En reprenant cette image, Jésus laisse aussi entendre que l'avenir ne sera pas toujours facile pour les disciples. La mini-parabole du vin nouveau et des vieilles outres  peut sans doute s'interpéter dans la polémique Jésus/pharisiens et chrétiens/juifs dans la même perspective que la dépossession  des héritiers de leur vigne (Matthieu 21). Certains comentateurs vont jusqu'à penser à une incompatibilité entre le judaïsme et l'Evangile... là où les chrétiens de Matthieu cherchaient à accomoder l'un à l'autre.

 

En cours de rédaction