Fiche 13 Matthieu 26

De la Cène au mont des Oliviers et Gethsémani

Section 13 De la Cène aux Oliviers. 26, 1 à 56 

 

 Sections précédentes


Après l’entrée de Jésus à Jérusalem (ch.21), nous avons pu découvrir les questions-pièges posées à Jésus. Le ch.23 avait fait apparaître le lourd contentieux entre Jésus et les responsables de la religion juive, contentieux qui s’est continué entre le judaïsme et les premières communautés. Avec le discours sur la fin des temps et l’appel à demeurer actifs se terminait la partie vie et enseignements de Jésus (ch. 25). Plusieurs paraboles avaient invité les disciples à ne pas se focaliser sur “le dernier jour”, mais à se tenir prêts et en tenue de service.

 

Lecture d’ensemble.


Voici maintenant le livret de la passion, ch. 26 à 28. Pour éviter une lecture longue en maison d’Evangile, nous avons séparé l’ensemble en deux sections, 13 et 14. Ils comportent les récits de la Cène et de l’arrestation puis la condamnation, l’exécution, les manifestations de Jésus ressuscité.


Matthieu ne s’écarte que très peu du récit de Marc, excepté quelques épisodes glanés chez Luc ou Jean ou quelques remarques qui lui sont propres. Elles témoignent de l’interprétation qu’il souhaite donner à l’ensemble. On trouvera en particulier plusieurs références à l’Ancien Testament, par lesquelles nous sommes invités à penser au Serviteur souffrant. Les deux sections peuvent se découper en quelques étapes :

 

  • Le prologue (le complot, l’onction de Béthanie, la trahison)
  • Le lieu de la Pâque
  • A Gethsémani
  • Chez Caïphe
  • Chez Pilate
  • Au Calvaire, (crucifixion et ensevelissement ; les gardes)
  • Manifestations de Jésus ressuscité

Lecture détaillée


Le prologue 26, 1-16. Le début v.1-2 manifeste que Jésus a l’initiative de ce qui va suivre. Dans cette parole, il associe Pâque (juive) et Fils de l’homme livré et crucifié, comme formant un seul évènement. Ce Fils de l’homme est le même dont nous venons de lire le rôle lors du Jugement au chapitre précédent 25, 36 : “Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire…”. Le récit nous transporte alors auprès des prêtres et des anciens. Si vous avez fait attention aux personnages, les pharisiens ne sont pas mentionnés, dans le complot, l’arrestation et la crucifixion. Est-ce un choix de Matthieu, peut-être. On retrouvera les pharisiens après que le tombeau ait été fermé. Avec l’histoire des gardes au tombeau, c’est le début d’un nouveau combat entre les pharisiens et les disciples, combat que nous avons évoqué à plusieurs reprises pour mieux comprendre la rédaction de Matthieu. En effet, la situation conflictuelle entre les jeunes communautés chrétiennes et les pharisiens, a motivé Matthieu dans sa manière de soutenir l’Eglise naissante (fiches 11 et 12).

Alors les grands prêtres et les anciens se réunirent... La rédaction de Matthieu laisse entendre que le complot contre Jésus dépend de la parole de Jésus : “alors” ils se réunirent… La visée de Matthieu est théologique comme si la décision des autorités dépendait de la parole prophétique de Jésus (v.2). Comme pour le récit de Luc, il n’est pas sûr que le peuple soit du même avis que les autorités religieuses.

 

A Béthanie (6-13). Jésus devait avoir l’habitude de loger chez un ami sûr, Simon, lors de ses déplacements à Jérusalem. Qui est cette femme qui verse le parfum ? Nul ne sait ; Matthieu n’en dit rien, ne cherchons pas à compléter avec un autre évangile. Pour Matthieu, seul le geste importe. C’est aux disciples et à nous d’en décrypter la signification. Après coup, on y voit la symbolique de l’ensevelissement, mais aussi la réflexion sur les pauvres… Il serait regrettable d’opposer l’honneur rendu au Christ de celui fait aux pauvres, car désormais c’est dans la rencontre du pauvre que se fera le service du Christ. Pas de souci (ou pas d’excuse), laisse entendre Jésus : vous en aurez toujours “sous la main !”

 

La trahison (14-16). Dans le prologue, voici maintenant le contrat entre Judas et les chefs des prêtres : trente pièces d’argent. Allusions à l’Ancien Testament : c’était la somme fixée par la loi pour l’achat d’un esclave (Exode 21,32). Zacharie (1, 1-13) parle du salaire dérisoire de 30 sicles, quand le peuple renvoie le berger au moment de rompre l’alliance. Matthieu est le seul à donner des précisions sur la somme. Pour ses lecteurs, habitués à lire les Ecritures, la dimension symbolique des trente pièces devait être évidente.

Judas et Pierre. Le dernier repas est précédé par l’annonce de la trahison de Judas et suivi par l’annonce du reniement de Pierre. Judas s’adresse à Jésus avec le titre de Rabbi ; en Matthieu, les adversaires de Jésus sont les seuls à l’appeler ainsi. Pourquoi Judas a-t-il trahi ? Matthieu ne le dit pas. Certains supposent que Judas, nationaliste, a été déçu parce que Jésus semblait plutôt pacifique face aux Romains. D’autres supposent que Judas avait compris que les choses commençaient à mal tourner pour le “mouvement de Jésus”. Saint Jean (12, 4-6) laisse supposer l’appât de l’argent, mais cette hypothèse est tardive. En parallèle au récit sur Judas, on peut lire la protestation de foi des disciples, de Pierre en particulier ; nul ne peut jurer d’avoir une foi indéfectible. Judas n’osera plus regarder le Christ ; Pierre saura se repentir.
Jésus ne condamne ni ne maudit Judas. L’expression “malheureux l’homme par qui le Fils de l’homme est livré” exprime une profonde souffrance de Jésus devant une telle situation. C’est plutôt notre regard qui condamne Judas. Les premiers chrétiens oublieront Judas, au point de n’être pas sûrs de la manière dont il est mort : pendu selon Matthieu 27,5 ; mort violente en Actes 1,15-19. Matthieu insiste sur la différence entre le remords sans espérance de Judas et le repentir de Pierre.

 

Question de date. De nombreux débats entre spécialistes ont eu lieu pour savoir si Jésus a ou n’a pas célébré le repas de la Pâque juive. Malgré les incertitudes que peuvent entretenir les différents récits, les quatre évangélistes utilisent la coïncidence entre la fête juive et la Passion de Jésus pour orienter la lecture chrétienne de la Passion/Résurrection à la lumière des récits de l’Exode et de l’Alliance où Dieu libère son peuple.

Le repas de la Pâque. Zoom 26, 20-29


Il existe quatre recensions des paroles de Jésus au cours du repas : Matthieu 26, Marc 14, Luc 22 et 1 Corinthiens 11, 23-26 (texte le plus ancien). Très vite, les gestes et paroles ont été fixés par les chrétiens dans des formes liturgiques, à Jérusalem puis à Antioche. Cela explique les très faibles différences dans les récits. A la base de la Cène, il y a le rituel juif pour la Pâque avec la bénédiction sur le pain, et sur la coupe. Le chef de famille rompait le pain et le partageait comme don de Dieu. Jésus dit : ce pain, c’est mon corps.

 

Pour les sémites, le corps c’est l’homme lui-même dans sa relation aux autres et son être périssable voué à la mort. De même “mon corps et mon sang”, c’est une manière de dire c’est moi tout entier, tout comme l’expression “le ciel et la terre” est une manière de désigner tout l’univers. En disant “prenez et mangez”, Jésus invite à assimiler ce pain (et tout ce qui le fait vivre) comme étant sa personne tout entière, livrée pour la multitude. Ce pain-corps du Christ fera vivre les chrétiens. Jésus interprète sa mort comme “don qui fait vivre”. Communier aujourd’hui, recevoir le Christ, c’est partager la foi pascale de Jésus en sa victoire sur la mort. C’est accueillir sans réserve toute la vie et l’enseignement de Jésus.
 

 

Par la coupe, les juifs rendaient grâce à Dieu (eucharistie, du grec eucharistein) ; elle symbolisait assez souvent la mort. Le sang répandu évoquait la mort violente des justes et des prophètes. L’expression “mon sang de l’alliance” inaugure le régime d’une nouvelle alliance. Pour Moïse et les Hébreux, le sang sur les portes évitait de subir le passage de l’ange exterminateur. Pour Jésus, ce sang obtient le pardon des péchés. Ce pardon est pour la multitude, c’est-à-dire pour toute l’humanité. (Cf. Isaïe 53, 11, le chant du serviteur : “Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes”.)

 

Le récit de l’institution de l’Eucharistie se termine par un rendez-vous : un rendez-vous dans le Royaume du Père. Ainsi la Cène du Jeudi Saint n’est pas un repas de fin, un repas d’adieu. Elle nous projette vers ce jour où éclatera la Pâque éternelle et fraternelle, “avec vous” précise Jésus. La célébration eucharistique nous rend le Christ présent et nous provoque à durer vers cet avenir. Pour Jean-Paul II, l’eucharistie est inséparable d’un engagement de solidarité active : “L'Eucharistie n'est pas seulement une expression de communion dans la vie de l'Église; elle est aussi un projet de solidarité pour l'humanité tout entière.” Mane nobiscum n° 27

 

Pour aller plus loin


Pele Israël Gethsémani Mont des oliviers  
Pele Israël Gethsémani
Pele Israël Gethsémani
 A Gethsémani, la prière v. 30-46
Après avoir chanté les psaumes, comme il est prévu pour le repas pascal juif, le groupe rejoint son campement habituel en bas du mont des Oliviers, vaste plantation où les nombreux pèlerins installaient leur bivouac pour rester proche du Temple. Judas connaissait ce lieu et pouvait donc y fixer le rendez-vous guet-apens.

 

Nous avons déjà fait remarquer que Matthieu s’arrangeait pour montrer que Jésus était maître des évènements. C’est encore visible ici : Jésus annonce la dispersion des disciples (31-32), le reniement de Pierre (34). “Jésus arrive avec eux…“ au v.36 est une nuance par rapport à Marc : “ils arrivèrent ” ; Jésus prévient de l’arrivée de la troupe pour l’arrêter (46). “Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées” reprend une parole de Zacharie 13,7 qui annonce le temps de la catastrophe comme épreuve. Cependant, le prophète conclut par l’annonce du salut pour ceux qui ont été éprouvés et qui ont invoqué le nom de Dieu, alors “Je dirai : "Il est mon peuple" et lui, il dira "Yahvé est mon Dieu !”


Ici encore, Jésus annonce qu’il y aura un après : “Une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée”.


Attention à ne pas mal interpréter le récit de la prière avec un esprit doloriste. “Jésus tomba face contre terre” est d’abord l’expression liturgique de se prosterner devant Dieu. Cela ne signifie pas que Jésus n’ait pas vécu dans l’angoisse, mais il reste celui qui affronte l’adversité, reprenant même les paroles du Notre Père : “Que ta volonté soit faite”. Les disciples dorment. Lui, veille dans la prière ; il assume l’heure qui arrive.

 

L’arrestation 47-56.
Ici encore, Matthieu signifie la maîtrise de Jésus sur les évènements : d’une part, c’est Jésus qui invite Judas à faire sa besogne (50), d’autre part c’est encore lui qui réfrène la violence des disciples (52-54), et c’est encore lui qui interprète ce qui arrive (55-56). Par deux fois, Jésus fait référence à l’accomplissement des Ecritures. C’était un thème important dans tout l’Evangile : on ne peut éclairer et comprendre la vie de Jésus qu’en se référant aux Ecritures. L’épisode de l’épée (connu aussi de Marc) est, pour Matthieu, l’occasion de rappeler que Jésus refuse de se défendre par la violence (cf. les Béatitudes). Ce n’est pas par la puissance des armes de la terre ou du ciel que le Christ se défend. (Il faudra du temps aux chrétiens pour ne pas s’imposer par la violence des armes.)


Le renvoi aux Ecritures devrait nous amener à relire bien des psaumes où le juste souffrant est humilié et crie vers le Seigneur (Ps. 22, 69). On peut aussi penser au Serviteur souffrant décrit à 4 reprises par Isaïe aux ch.40 à 52.

 

Prier la Parole


Pour bâtir mon royaume
Paroles : Benoît Gschwind, CD Venez, Dieu nous appelle !

 

Viens, j'ai besoin de toi pour bâtir mon Royaume,
Viens j'ai besoin de toi, lève-toi pour vivre et pour aimer.

 

Pour bâtir mon royaume, j'ai besoin de tes mains !
Sauras-tu prêter tes mains, pour être signe d'Evangile ?

 

Pour bâtir mon royaume, j'ai besoin de tes bras !
Sauras-tu prêter tes bras, pour être signe d'Evangile ?

 

Pour bâtir mon royaume, j'ai besoin de ta voix !
Sauras-tu prêter ta voix, pour être signe d'Evangile ?

 

Pour bâtir mon royaume, j'ai besoin de ta vie !
Sauras-tu donner ta vie, pour être signe d'Évangile ?

 

Pour bâtir mon royaume, j'ai besoin de ton temps !
Sauras-tu donner du temps, pour être signe d’Évangile,

 

Pour bâtir mon royaume, je serai avec toi !
Sauras-tu risquer ton pas, pour avancer en ma présence ?

 

Lire l’Évangile, Maison diocésaine BP1016 – 62008 Arras cedex
Ou par mail à hennart-eh@orange.fr
Retrouvez le dossier des évangiles : http://arras.catholique.fr/matthieu  
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 4542 visites