Encyclique Laudato si !
Publiée le dimanche 24 mai 2015 en la solennité de la Pentecôte
L’encyclique du pape était très attendue au point d’être commentée avant même sa parution. Mais à peine parue, elle était aussitôt critiquée, car elle dérange. L’attention à la terre, à la maison commune suppose en effet un changement de paradigme. L’homme ne peut plus se considérer comme propriétaire ou prédateur d’un monde à consommer sans modération. Il doit vivre en responsable d’un avenir à inventer.
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A la différence d’autres encycliques, le titre est donné en italien, en référence à la prière de saint François. La figure de François d’Assise n’est pas là pour enjoliver le paysage, comme si l’écologie était affaire de romantisme écologique, où pour rappeler la prédication aux oiseaux. Ce serait oublié la figure de François qui entretient des relations avec le monde de l’Islam de son temps, François qui concrétise le rapport à la pauvreté dans un nouvel ordre religieux, ou encore celui qui visualise les mystères chrétiens : l’Incarnation avec la crèche, ou la Rédemption avec le chemin de croix. François est proclamé par Jean-Paul II "patron céleste des écologistes" en 1979. Il était un témoin du respect et de l'amour pour tout être humain, du respect pour toute la création. Le pape François ne pouvait que s’inspirer de celui dont il a choisi de porter le nom.
L’attention progressive de l’Eglise aux questions de développement et d’écologi e.
Le pape François renoue avec le concile Vatican II en citant Jean XXIII qui désire s’adresser à tous les hommes de bonne volonté, au-delà des fidèles de l’univers. C’est un appel renouvelé au dialogue Eglise/société comme l’avait souhaité la constitution Gaudium et Spes. Dans l’introduction de l’encyclique, le pape rappelle les textes de ses prédécesseurs où transparaît le souci de l’environnement et du développement. Paul VI et Pacem in terris, Jean-Paul II et Sollicitude Rei socialis et, plus récent, Benoît XVI dans Caritas in Veritate, où il parle du développement humain intégral. Il faudrait aussi relire plusieurs messages pour la journée mondiale de la paix où sont associés les thèmes du développement et de la paix pour l’humanité.
Ecologie et social
Dès l’introduction de l’encyclique, les mots écologie et social se trouvent associés. La sauvegarde de notre maison commune est une préoccupation, un défi, qui concerne toute la famille humaine (§ 13). “Tout est lié” résume la pensée du pape, qu’il développe en six chapitres : intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; les compréhensions nouvelles de l’économie et du progrès, qui prennent en compte la valeur de chaque créature ; responsabilité de la politique internationale et locale ; la culture du déchet, les styles de vie. La réflexion sur les changements climatiques n’est pas le seul objectif visé par le pape, mais l’ensemble de la condition humaine dans la maison commune.
On assiste au passage d’une théologie de l’existant, de l’Etre à une théologie de la relation. On peut se remémorer le dialogue entre Yahvé et Caïn : "Où est ton frère Abel ?" Caïn répondit : "Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ?" Gn 4. A la suite du livre de la Genèse, le pape répond : oui, nous sommes gardiens et responsables de la Création et de toutes les relations que nous entretenons avec les autres et avec le monde. Pour cela il interroge notre théologie héritée des premiers chapitres de la Genèse, en particulier la première interprétation où nous nous sommes perçus comme propriétaires et consommateurs, dominant la création, alors que désormais nous sommes responsables d’une terre qui est à Dieu. (Cf. § 65-75)
D’une éthique du devoir à une éthique de la relation.
Dans la relecture des normes écrites au long de l’Ecriture, un exemple donné par François aide à comprendre que penser en termes de relations est plus utile que penser en termes de devoirs : « Si tu vois tomber en chemin l’âne ou le bœuf de ton frère, tu ne te déroberas pas (…) Si tu rencontres en chemin un nid avec des oisillons ou des oeufs, sur un arbre ou par terre, et que la mère soit posée sur les oisillons ou les oeufs, tu ne prendras pas la mère sur les petits » (Dt 22, 4.6)… Nous ne sommes plus sous le mode du permis et du défendu, mais sous le mode de la relation de la responsabilité envers autrui. Du regard que nous portons sur tout homme et sur toute créature dépend notre compréhension de l’agir humain. Et il conditionne l’usage que nous faisons de l’autre, être humain comme tout élément de la création.
Une encyclique en six chapitres
Le chapitre un énumère les nombreux disfonctionnements actuels :
ce qui se passe dans notre maison... biens des remarques dont nous sommes sans doute conscients, sensibilisés.
Le second chapitre en appelle aux sources qui guident le pape François : l’Ecriture et jusqu’à l’enseignement social de l’Eglise (la destination commune des biens). Le chapitre trois entreprend une analyse sur la racine humaine de la crise écologique : technologie et technocratie et les conséquences sur l’homme qui se prend pour le centre du monde : le rêve promothéen de domination sur le monde s’est développé au point de nier toute valeur à ce qui n’est pas soi… (§ 115-136). Le chapitre trois prône une écologie intégrale Il importe de vouloir traiter ensemble l’environnement, l’écologie et la vie sociale. La société est invitée à une nouvelle culture. Dans cette culture le pape intègre le principe du bien commun… Il n’est pas difficile de comprendre que ce principe peut entrer en conflit avec le bien privé !
Dans le cinquième chapitre sont présentés quelques lignes d’orientation et d’action : l’environnement dans la politique internationale ; mise en oeuvre de nouvelles politiques nationales et locales ; la transparence dans les processus de décision ; politique et économie en dialogue pour la plénitude humaine ; les religions dans le dialogue avec les sciences : “les sciences à elles seules peuvent expliquer toute la vie, les structures de toutes les créatures et la réalité dans son ensemble”. De là découle l’invitation aux religions à “entrer dans un dialogue en vue de la sauvegarde de la nature, de la défense des pauvres, de la construction de réseaux de respect et de fraternité”.
Le sixième et dernier chapitre peut être lu comme un appel à la conversion : autre style de vie, éducation pour une alliance entre l’humanité et l’environnement ; l’espérance d’un renouvellement de l’humanité ; joie et paix qui découlent de la sobriété et de l’humilité. L’implication personnelle à un nouveau style de vie suppose amour civil et politique. “L’amour, fait de petits gestes d’attention mutuelle, est aussi civil et politique et se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur”. Sacrements, sacramentaux, célébration dominicale ont toute leur place comme source de lumière et de motivation… Tout cela nous invite à être gardiens de toute la création à savoir nous émerveiller devant Dieu.
Conclusion
L’encyclique touche à une quantité de sujets. Elle est un appel pour la planète. On connait certaines dimensions de l’écologie, davantage présentes dans les médias et les débats de société. François nous invite à faire l’unité dans nos savoirs. L’interdépendance parfois évoquée par la société pourrait être souhaitée ici pour comprendre que tout est lié : depuis les dérèglements climatiques aux afflux de réfugiés, depuis l’attention aux pauvres à l’amour du prochain, depuis les premiers chapitres de la Genèse à l’avènement d’un monde nouveau, meilleur ; depuis les craintes à l’émerveillement. Le pape met toute la force de sa vie à donner des raisons d’espérer, mais l’avenir ne se fera pas sans la participation de tous. La foi a toute sa place dans la construction d’un monde à venir.
E.H
Mise au point publiée par Radio-Vatican et Pax christi:
L’Observatore Romano publie une interview qui précise le sens de l’encyclique Laudato si ! devant les interprétations restrictives.
Dans une interview au quotidien chilien El Mercurio, reprise par L’Osservatore Romano, le président des Académies pontificales des Sciences et des Sciences sociales, Mgr Marcelo Sánchez Sorondo, a déclaré que la définition de Laudato Si’ comme une encyclique "verte" ne plaisait pas au Pape François, qui la voit plutôt comme une encyclique sur la justice sociale, « la question du climat ayant une répercussion sur les peuples les plus pauvres, et représentant donc un thème de justice. »
« L’environnement est l’habitat de l’homme, et François parle de l’environnement parce qu’il fait partie de la Création de Dieu, a rappelé cet évêque argentin, proche et compatriote du souverain pontife. Ainsi il retourne à l’esprit de Saint François, qui voit dans la nature la beauté de la rédemption, où toute chose parle du Christ. »
Mgr Sánchez Sorondo a donc réfuté toute idée de dualisme entre la nature et l’homme. « L’être humain n’est pas l’ennemi de l’environnement mais l’unique être créé à l’image de Dieu, qui a donc la responsabilité de collaborer avec l’œuvre de la Création. »
Quant aux positions de François sur l’actuel modèle économique, Mgr Sánchez Sorondo a expliqué qu’il s’agit bien d’une vision enracinée dans la doctrine sociale de l’Église. « Le Pape n’accepte pas la théorie de la "rechute favorable" (ndlr : appelée aussi théorie du "ruissellement", l’idée que la croissance crée spontanément un progrès pour tous), ni la déification du marché. Pour le Pape, le système libéral oublie la personne humaine et le bien commun. Cette position est très critiquée mais elle est soutenue par des économistes membres de l’Académie pontificale des Sciences, comme les prix Nobel Joseph Stiglitz et Kenneth Arrow, qui rappellent que le marché à lui seul ne permet pas une redistribution des richesses. »
Pour Mgr Sánchez Sorondo, « le Pape n’est donc ni de gauche, ni de droite : il suit simplement l’Évangile.
Document publié par Radio-Vatican, le 25 août 2015
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Prière pour notre terre
Dieu Tout-Puissant, qui es présent dans tout l’univers
et dans la plus petite de tes créatures,
Toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe,
répands sur nous la force de ton amour
pour que nous protégions la vie et la beauté.
Inonde-nous de paix, pour que nous vivions comme frères et sœurs
sans causer de dommages à personne.
Ô Dieu des pauvres, aide-nous à secourir les abandonnés
et les oubliés de cette terre qui valent tant à tes yeux.
Guéris nos vies, pour que nous soyons des protecteurs du monde
et non des prédateurs,
pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la destruction.
Touche les cœurs de ceux qui cherchent seulement des profits
aux dépens de la terre et des pauvres.
Apprends-nous à découvrir la valeur de chaque chose,
à contempler, émerveillés, à reconnaître
que nous sommes profondément unis à toutes les créatures
sur notre chemin vers ta lumière infinie.
Merci parce que tu es avec nous tous les jours.
Soutiens-nous, nous t’en prions,
dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix.
François, le 24 mai 2015