Jacques Chirac - Jean-Paul II

Les 14-15 Août, Jean-Paul II se rendait au sanctuaire de Lourdes pour une visite privée. Il était accueilli à son arrivée par le président de la République. Au-delà des formules protocolaires, les deux allocutions portent en elles une certaine compréhension des rapports de l'Église catholique et de l'État français.

 

Allocution de bienvenue de Jacques Chirac,

 

Très Saint-Père,

 

(...)  Cette année, Vous avez choisi de revenir à Lourdes, où s'incarne le souvenir d'une sainte française, Bernadette Soubirous, femme de cœur et de foi qui a donné de l'espoir aux plus démunis, source de réconfort et d'inspiration pour les catholiques du monde entier.
Chacun mesure la portée de votre venue en ces lieux exceptionnels où s'expriment tant de courage, de dévouement et de solidarité.

 

Pèlerin parmi les pèlerins, votre présence, votre sollicitude, votre exemple raviveront la ferveur de toutes celles et de tous ceux qui, souvent dans la souffrance et dans la maladie, viennent prier à Lourdes, ce haut lieu de foi et d'espérance.

Demain, vous célébrerez l'Eucharistie qui, en ce lieu et en ce jour consacré à la Vierge Marie, prendra une résonance toute particulière. Car, par delà les croyances et les convictions de chacun, une conscience universelle se fait jour peu à peu. Trop lentement sans doute, mais inexorablement pouvons-nous l'espérer, les peuples, les Nations, les États reconnaissent que la sauvegarde du plus faible, du plus fragile, du plus démuni constitue un devoir, un impératif moral qui transcende les frontières.

 

La France et le Saint-Siège se rejoignent dans ce combat pour un monde qui place l'homme au cœur de tout projet. Un combat pour la paix, pour que les relations entre les États soient soumises à la loi, récusant la politique du fait accompli, prônant le dialogue des cultures comme antidote à la violence et au rejet de l'autre. 

 

Un combat pour la liberté, la reconnaissance de l'égale dignité de tous, femmes et hommes, le refus de toutes les formes de discrimination, d'oppression de racisme et de haine, particulièrement urgent devant la montée du fanatisme et de l'intolérance.

Un combat pour la solidarité, la justice, et le progrès social, pour que cessent les scandales de la pauvreté de masse, de l'analphabétisme ou de la faim alors que jamais le monde n'a été aussi riche.

 

Un combat pour la nature, que l'homme a reçue en partage, qu'il doit traiter avec respect et précaution s'il veut assurer son avenir et celui des générations futures.
L'idéal qui nous anime est celui d'une humanité unie autour de valeurs universelles, et capable par là même de respecter et célébrer la diversité de ses histoires et de ses cultures; d'une humanité d'autant plus assurée dans sa quête de connaissance et de progrès qu'elle se soumet à l'éthique de responsabilité et à l'exigence de solidarité.

L'inlassable pèlerin que vous êtes incarne ces combats, comme il incarne l'audace, le courage et cette force qui fait de vous, Très Saint Père, un pasteur universel et un homme de paix.

Puisse votre séjour sur la terre de France apporter sérénité et espérance à celles et à ceux qui vous écoutent et qui vous suivent

 

Allocution du pape Jean-Paul Il en réponse au président de la République

 

(...)  Par une démarche personnelle, je désire donc m'unir aux millions de pèlerins qui, de toutes les parties du monde, convergent chaque année à Lourdes, pour confier à la Mère du Seigneur les intentions qu'ils portent dans leur cœur et pour demander son aide et son intercession.

 

Me rendant vers ce lieu béni, je désire dès à présent adresser à Votre Excellence, monsieur le Président, mon salut cordial, ainsi qu'aux fils et aux filles de votre noble pays qui célèbre en ces jours le soixantième anniversaire du « débarquement de Provence». Je souhaite que ces célébrations favorisent la concorde entre les peuples et participent au renouvellement de leur engagement commun dans la recherche et la construction de la paix.

 

Je me souviens avec joie de mes précédentes visites en France et je profite aussi volontiers de cette occasion pour rendre hommage au grand patrimoine de culture et de foi qui en a marqué l'histoire. Je ne peux oublier, en effet, les grands saints de votre terre, les maîtres illustres de la pensée chrétienne, les écoles de spiritualité, les nombreux missionnaires qui ont quitté leur patrie pour annoncer au monde le Christ Seigneur. Et je me tourne avec confiance vers la communauté chrétienne d'aujourd'hui, qui accueille avec générosité l'invitation à animer notre temps avec la sagesse et l'espérance qui viennent de l'Évangile.

 

Dans le respect des responsabilités et des compétences de chacun, l'Église catholique désire offrir à la société sa contribution spécifique en vue de l'édification d'un monde dans lequel les grands idéaux de liberté, d'égalité, de fraternité puissent constituer la base de la vie sociale, dans la recherche et la promotion incessante du bien commun.

 

Je confie ces vœux à l'intercession de la jeune Bernadette Soubirous, humble fille du pays de Bigorre, et j'implore sur tout le pays, par l'intercession maternelle de la Vierge Marie, les Bénédictions de Dieu, gage d'un présent et d'un avenir de prospérité et de paix.