L'Eglise selon Vatican II Lumen Gentium
Lumen gentium. Paul Scolas Formation EAP 2008
Introduction
- 1. Le rapport à la nature. La connaitre rationnellement, scientifiquement, pour la maitriser, la transformer. Des chocs violents avec l’Eglise dont on garde la trace avec l’affaire Galilée. Il faudra attendre 400 ans et Jean-Paul II pour reconnaitre l’injuste position de l’Eglise. Aujourd’hui encore, nous vivons ce nouveau rapport à la nature avec la maitrise et la non maitrise de la nature (ex. réchauffement planète).
- 2. Le domaine de la vie sociale et politique. Désormais, pour créer du lien social et orienter la société, le souverain c’est le peuple, et non Dieu. D’où rencontre frontale avec la chrétienté ; caractérisée au XIXème par une attitude constante de refus. Le syllabus en est une trace, où le pape Pie IX condamne, les Droits de l’Homme. Terrible incompréhension entre l’Institution Eglise, la société et ses idées. Il faudra attendre cent ans pour que. L’Eglise reconnaisse le bien fondé des droit de l’homme et Paul VI (Gaudium et Spes §41 ; Populorum Progressio). Même attitude de refus à l’égard des recherches bibliques au début XXème siècle.
- 3. Le domaine du sens et du rapport à l’éthique. Ce domaine est de +en+ laissé aux individus. Jusqu’alors, c’est l’Institution qui disait la vérité, le Bien et le Mal… La aussi, difficultés de compréhension par l’Eglise. Le discours de l’Eglise passe très mal. En conséquence, sa crédibilité et la crédibilité de la Foi sont mises en cause. La crise moderniste manifeste cette remise en cause. On applique aux documents de l’Ecriture et du magistère les outils mêmes outils scientifiques qui aident à lire et comprendre les textes anciens. (Relire l’histoire de la critique exégétique sur le Pentateuque)
L’Eglise a des choses à dire, et à entendre. Elle est appelée à parler dire dans le pluralisme et le respect des consciences... L'acceptera-t-elle?
Avec Vatican II le regard de l’Eglise change…
L’Eglise regardée comme mystère,
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Paul Scolas reprend la réflexion des évêques au Concile et leur compréhension de l’Eglise comme mystère d’un Dieu qui veut communiquer sa vie aux hommes, à tous les hommes. Dans ce dynamisme, l’Eglise est reçue comme peuple de Dieu qui tire son unité du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi l’Eglise devient sacrement, c’est-à-dire signe et moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain.
La nouveauté apportée par Vatican II dans son regard porté sur l’Eglise est une méditation sur Dieu qui se donne, l’Eglise est de nature divine avant d’être une organisation de société avec ses structures. On peut discuter des structures. L’Amour de Dieu se reçoit ou se refuse.
Un Dieu qui se communique.
L’Eglise s’est longtemps enfermée dans une conception autoritaire de la révélation –conception qui est largement passée dans la catéchèse : Dieu nous enseigne des vérités qui nous dépassent, que nous ne pouvons pas comprendre, mais que nous devons croire « parce que Dieu l’a révélé et que l’Eglise nous le transmet et nous oblige à croire ».
Enfermer les choses dans un tel schéma, c’est passer à côté du cœur de la foi : nous croyons en un Dieu qui se donne, se communique aux hommes pour qu’ils partagent sa propre vie. Le cœur de la révélation (la Parole de Dieu préfère dire Vatican II), c’est le Christ en personne qui est Dieu s’unissant à notre humanité pour que nous devenions enfants de Dieu. Ce n’est pas un catalogue de vérités ; c’est une affaire d’amour et non affaire autoritaire. Le congrès Ecclésia 2007 a développé cette réflexions à partir de la constitution Dei Verbum n°1 : Dieu invisible s’adresse aux hommes comme à des amis et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir dans cette communion. L’Eglise n’existe qu’à cause de cette communication de Dieu aux hommes.
L’Eglise est « un peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » (S.Cyprien)
Le drame de l’Eglise est d’avoir fait de la Trinité une vérité de foi, obligatoire et obscure, oubliant ce qui est premier : la communion des personnes. Notre Dieu se communique, c’est parce qu’il est en lui-même communication et communion. Dieu est source et communique sa vie, tel est le sens de la création, telle en est la raison, tel est le but de l’incarnation de Dieu en Jésus Christ et c’est ce dont l’Eglise vit comme prémices de la vocation de toute l’humanité.
Le travail catéchétique et pastoral en vue de manifester que le mystère trinitaire est non un mystère obscur, mais le mystère lumineux d’un Dieu qui se met à hauteur d’homme demeure encore largement à faire. Ce mystère d’un Dieu communion est le mystère éclairant par excellence pour vivre l’Eglise et même tout simplement pour vivre l’humanité.
Cela situe de manière juste à la fois les relations des membres de l’Eglise entre eux et les relations de l’Eglise avec les autres hommes. Les relations dans l’Eglise sont avant tout des relations de communion, de cette communion qui est la vie de Dieu. L’Eglise n’est pas un club d’amis qui se choisissent, mais un peuple de frères et de sœurs qui se reconnaissent tels parce qu’ils sont enfants de Dieu. Cette relation de communion avec Dieu et entre nous est destinée à tous les hommes, telle est la portée de la mission de l’Eglise dans le monde.
Eglise signe et moyen d'union à Dieu et unité des humains
« L’Eglise est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».
Vatican II aborde d’emblée l’Eglise comme sacrement, ce qui la décentre tout à fait d’elle même : elle est signe et moyen. Cela la renvoie d’une part à sa source : elle est signe et moyen de cette communion qui est la vie même de Dieu et qui est ouverte à chacun et à tous. C’est bien ce qui a été manifesté en Jésus Christ : la communion avec Dieu est ouverte à chacun et la communion entre les humains, la réconciliation, la paix sont possibles. L’Eglise accueille cela dans sa propre vie et c’est même cela sa vie, mais elle l’accueille pour en devenir signe et moyen au milieu du monde et pour le monde.
Etre signe et moyen, c’est à la fois fort et modeste ; avec le reste de l’humanité, l’Eglise continue à être en pèlerinage vers la plénitude de cette communion qui est le royaume de Dieu. Elle est en même temps chargée de l’inscrire déjà réellement aujourd’hui (c’est le sens des sacrements mais aussi tout ce qui fait la vie de l'Eglise.) Ce dont l’Eglise est présentée comme sacrement touche aux deux aspects décisifs de la réalisation de la destinée humaine.
En nous ouvrant par rapport à Dieu la possibilité d’une relation filiale d’une extraordinaire intimité*, le Christ touche à une question constitutive de l’être humain : Qui suis-je ? Quel est le sens de cette existence dont je ne maîtrise ni l’origine ni la fin ? Est-elle simplement pour la mort ? Est-elle absurde ? Que m’est-il permis d’espérer ? Si Dieu existe, en suis-je l’esclave, dois-je en avoir peur, est-il source d’espérance ?
Beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui chez nous en Occident sont sans espérance par rapport à ces questions qui engagent le sens de leur destinée (que beaucoup perçoivent d’ailleurs comme un destin). Ce qui est au cœur de la mission de l’Eglise touche à cela qui habite tous les humains et qui concerne leur vie, leur mort, leur bonheur. Quant à l’unité de tout le genre humain, c’est à la fois une espérance et une nécessité en même temps vitales et difficilement accessibles. Ce n’est pas nécessaire d’en démontrer l’actualité.
Source : documents du père Paul Scolas pour les EAP.
* Cette intimité est exprimée maintes fois dans le Nouveau Testament, par exemple : « Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu : vous n’avez pas reçu un Esprit qui vous rende esclave et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». (Rm 8, 15-16)